Divagation d'un Elf pyromane.

Erg’iore. Maitre du savoir. Gardien des secrets. Le respect, la puissance, la sagesse, l’expérience incarnée. Sa voix, celle qui psalmodiait les chants rituels, les sacrifices, les malédictions, dans son dos… Ce ne pouvait pas…Non. Impossible. Il est bras droit du chef, et plus chef que celui-ci. Il est juge et soigneur, celui qui voit l’avenir. Il ne peut être là. Pourtant, ainsi assis en tailleurs, sans habits cérémoniel et équipée des couteaux de tortures avec quelques dagues sacrificiels, il semblait réel. Yarkol fut tenté de s’incliné, il se contenta de s’asseoir en imitant la posture du chaman, à deux mètres de celui-ci.

« Qu’est-ce que tout ceci, Gardien ? Visitez-vous ma conscience ? Vous auriez pu me retrouvé bien plus tôt… A dire vrai, je ne pensais pas qu’on s’intéresserait à moi. Mais je parle trop. Que me voulez-vous ? »

Le semi-elfe pensait avoir affaire à une vision, un sort du chaman qui entrerait en contact avec lui, pour une quelconque raison. Etais-ce la sentence de mort et de justice qui le rattrapait, ou un jeu de sa conscience suite aux manipulations du l’étrange masse dans laquelle il barbotait ? Il n’avait pas la réponse et prefera jouer le jeu, sait-on jamais…

Pouvoir… Oui, c’est cela, ce qui lui manque, ce qu’il désire. Sa vengeance, son plaisir, son unique envie. Le pouvoir, pour devenir quelqu’un, pour dominer, pour soumettre, pour imposé. Pour partager sa vie avec le reste du monde, pour détruire.
L’évolution, c’est le gain de pouvoir. Mais l’elfe n’avait que faire des Loi, des codes moraux, des institutions, des codes sociaux. Ancien Gruul, fils de la haine et de l’aversion pur, enfant d’un monde déchu, perdu, héros des limbes, glorificateur d’un monde-Erebe infini, son unique chance d’existé résidait dans les traces qu’il laisserait. Il voulait marquer ce monde de son sceau chaotique, ouvrir les yeux à toute les guildes : le monde souffre. Il souffre. Les Gruuls en sont l’incarnation même, leur histoire, leur philosophie, leur vie…Leurs secrets. Son crie, son hurlement plutôt, sera celui d’une colère incommensurable, il sera le porte-parole de tout ceux qui sont mort dans le silence.

« Je suis né pour le pouvoir. Il me revient de droit, je le désire, je le mérite, je l’aurais, et j’en ferais l’usage qui convient. Ma passion, ma raison d’être : le pouvoir et son usage. Je serais une vague de chaos, je déferlerais sur le monde, et tous comprendront ce que je suis. »

La passion et l’envie perçaient en chacun de ses mots. Il croyait fermement ce qu’il disait. Peut-être était-il présomptueux, naïf et à la limite cinglé, mais il y croyait, cela se sentait.

Un rire retentit, assourdissant. C'était un rire puissant, amer, sans joie, mais qui roulait et qui grondait tellement fort que Yarkol dut se boucher les oreilles.

"Tu es né pour le pouvoir ?", répéta la bouche du vieillard entre deux éclats fracassants de rire. Nul signe d'amusement n'était visible sur son visage, ce qui conforta Yarkol dans son idée que ce n'était que l'apparence choisie par son interlocuteur. "Durant toute ta courte existence, tu as joué et tu joueras encore avec le feu et avec ta vie ! Désormais, le feu sera en toi, et protègera ta vie, mais qui te protègera de toi ?"
Tandis que ces derniers mots résonnaient encore dans la pièce, empreints de la même puissance indicible qu'il percevait encore autour de lui, le vieillard sembla fondre, et soudain disparut en une espèce d'homonculus de gelée rouge, pour devenir une simple flaque qui alla rejoindre la paroi de la bulle où se trouvait Yarkol. Ce dernier, désemparé, était de nouveau livré à lui-même. Il sentait toujours une présence en lisière de son esprit, furtive et si discrète qu'il avait l'impression que faire un seul mouvement - fut-ce cligner des yeux - ferait disparaître ce fragile lien. Le sans-guilde avait l'impression que l'énigmatique chose qui ne cessait de jouer avec lui s'était enfin détournée de lui afin de ... de faire quoi, au juste ?

Tout s'arrêta soudain, et la douleur disparut aussi soudainement qu'elle était apparue. Mais il y avait autre chose. Yarkol se sentait ... puissant. Comme si ses veines charriaient de l'énergie brute, et non pas du sang de demi-elfe. Il se sentit capable de faire face à tout ce que son futur lui réservait. Il sentit capable de modeler sa destinée, qui, il le réalisait maintenant, ne pouvait pas être une valeur fixe comme il l'avait de prime ressenti. Et surtout, le jeune sans-guilde se sentit capable de pouvoir atteindre ses objectifs. La sensation de n'être rien qu'une poussière au vent dans ce monde lui semblait désormais étrangère.

Son regard fut attiré par une lueur rougeâtre qui éclairait le sol. Yarkol se rendit compte qu'une espèce de sphère, légèrement ovale, gravitait autour de son poignet. Il examina attentivement le phénomène : d'elle émanait une légère chaleur, douce et confortable, mais à sa surface, l'air ondoyait, et à l'intérieur, les couleurs allaient d'un jaune intense à un orange menaçant. Le sans-guilde comprit alors ce dont il s'agissait en se rappelant qu'il avait déjà vu pareille chose avec Nihil. Il avait un mana rouge autour de sa main. Et au plus profond de lui-même, le semi-démon sentait l'énergie brute qui bouillonnait silencieusement, et il sut qu'il était capable de la maîtriser. Au même moment, il releva la tête et se rendit compte qu'il n'y avait plus trace de la gelée rouge. Au bout de la salle, le crustacé magique le regardait attentivement, immobile.

Inspiration grandiose insufflée par le bonheur d'être enfin soi-même, le sentiment d'être accompli, de mériter son nom. D'être une entité parcourue d'une énergie vibrante, d'un courant à la fois tyrannique et dompté, pétillant, puissant,qui le grandissait, lui donnait une identité qu'il pouvait respecter, apprécier, développer. Cette chaleur semblait suinter à l'intérieur de sa poitrine, se muer en ondes telluriques, se répandant à travers ses muscles tendus, teintant sa conscience d'euphorie. Sa fierté, sa joie palpitaient en lui.
La force! La véritable énergie, le souffle de la folie avait pris forme dans ses entrailles : la mana chaotique et tortueuse, la Furie rouge! Ô flamme, Ô chaos, Ô puissance destructrice et rassurante, Ô joie douceâtre et sucrée d'amers sacrifices menant à l'accomplissement, Yarkol est Yarkol! Et fier, et grand, et sûr de lui et de ce qu'il est dorénavant capable de ressentir.

Prise de conscience, éveil de l'instinct qu'il avait toujours eu, connaissance de ce qu'il avait toujours su, découverte d'une partie de lui avec laquelle il avait toujours vécu. Satisfait, heureux même. Le monde est à sa portée. Il peut dorénavant détruire, créé plutôt qu'emprunté, utilisé plutôt que manipulé.

Ses rêves avaient maintenant une existence, ils étaient réels, puisque physiques et palpables : ses rêves gravitaient autour de son poignet comme des perles de sang incandescentes. La mana rouge ondulait au rythme de la respiration du semi-elfe. Une extension de son âme, la symbiose parfaite, l'outil avec lequel il construira son futur. Il fit virevolté l'énergie rougeoyante de son poignet au creux de sa main, lui fit faire de petites ondulation, testant sa maitrise sur la chose, puis l'envoya dans son autre main, autour de laquelle elle gravita lentement.

Il fit volte-face, l'air assuré, et s'approcha du coffre du fond situer à gauche par rapport à la porte par laquelle il était entré. Il y trouva un lingot aux couleurs changeantes, passant du bleu foncer au gris, il le prit et le cacha soigneusement dans une des poches de sa veste. Lorsqu'il leva la tête, son regard s'arrêta sur l'étagère situer juste au dessus, et son cœur se mit à battre. Il ouvrit de grand yeux, surpris de sa découverte. Une viole verte au verre opaque et soigneusement fermée par un bouchon de cire trônait en haut, à coté d'une carte poussiéreuse et de quelques babioles sans intérêt et difficilement identifiable. Ce devait être la fiole qu'il cherchait, c'était de toute façon la seule qu'il put trouver. Il la mit dans une poche comportant une lanière et une boucle, qu'il ferma. Ainsi, la fiole était en sécurité.

Il traversa la salle en fixant la créature qui gardait la porte, puis arrivé a environ deux mètres d'elle, la défia du regard.

« Puis-je passer, maintenant? » Le semi-elfe connaissait l'agilité et la rapidité de la créature, il était résolu à y faire face si c'était inéluctable, cependant il n'avait pas vraiment envie de lui foncer dessus s'il pouvait évité ce combat.

L'elfe passa la petite pièce et la porte secrète- qui se referma derrière lui pour disparaître complètement- puis se recroquevilla sur lui-même à coté du guichet afin de vérifier si personne n'était en vie dans les parages, le tout sans être vu. Ce n'était pas le moment de se faire surprendre, il lui fallait quitter cette endroit le plus discrètement et rapidement possible.
Il ne savait pas vraiment combien de temps il était resté coincé dans la salle des coffres, mais les renfort avaient eu tout leur temps pour se préparé. Et puis, nous étions chez les Izzets. Des ingénieurs farfelues paranoïaques et égoïste, des génies dans l'art de l'explosion et des pièges. Sortir d'ici ne sera surement pas simple, il ne pouvait plus compté sur l'effet de surprise. Il se concentra et fit appel à son instinct pour décelé des présences ennemies, et c'est ainsi qu'il entendit assez distinctement une sorte de gémissement en provenance du guichet, probablement du box juste à sa droite. Il se rapprocha des plaintes virant dans les aigus, sa dague dans la main droite et son pyromana gravitant autour de son poignet gauche. Il se releva lentement et risqua un coup d'œil derrière la cloison.

Un petit gobelin se tenait recroquevillé sur le sol, dans un scaphandre qui semblait rendre ses mouvement difficile. Il se lamentait et tapait du poing par moment. L'elfe sauta par dessus la cloison, arrivant dans le dos du gobelin, lui saisit la tête, passa sa dague sous son cou et l'empêcha de parler en plaquant sa main sur la bouche de la petite créature.
« Je ne te veux aucun mal, compris? Il se passe des choses étranges ici, et je ne tient pas à me faire tuer. Toi non plus, n'est-ce pas? Dis moi ce qui ne vas pas et pourquoi tu te lamentes, je suis sûr qu'on peut trouver un arrangement tout les deux. » Puis lentement, il retira sa main de la bouche de l'izzet.

Quel comité d'accueil! Les deux autres devaient être de véritables artistes pour attirer autant de Boros. Oui, ça et l'émeute, les explosions et quelques morts...
Et tous les honneurs lui revenaient. Bien, il fallait comprendre ce qu'il se passait, maintenant. Les deux autres devaient être au dessus de lui en train de balancer quelques sorts atroces. Ils auraient pu tout simplement s'enfuir, mais non. Ils ont donc intérêt à ce que Yarkol sois réduit au silence, et le cas échéant, à ce que personne ne puisse l'entendre. C'était la couverture parfaite, le contre-temps inespéré. Ni une ni deux, l'ancien Gruul fit une roulade pour sortir rapidement de son abri provisoire, et courut en direction des quartiers neutres. Ses ennemies explosèrent un à un pendant sa course, il envoya son mana rouge en direction de la tête d'un des gardes l'aillant repéré, et fut satisfait de voir que cette action avait étourdi l'assaillant suffisamment longtemps pour qu'il puisse être à couvert loin du massacre. Il continua de courir dans les ruelles sans se retourner. Il avait envie d'exploser de rire, de rugir et de se rouler par terre tant il était fier. Mais pour le moment, il devait simplement courir, encore et encore, pour ne pas se faire prendre. Sa tête devait avoir été mise à prix... Peu importe, il s'était bien amusé.

La vie est parfois surprenante, Yarkol aimait vivre, il aimait sa vie, profondément. L'horreur et les bains de sang étaient pour lui des moments de fête, les explosions, le feu et la destruction étaient une source d'amusement et la torture ne pouvait dorénavant plus rien lui arracher. La mort elle-même lui paraissait simplement désagréable, comme un mauvais moment à passer. Le seul regret qu'il aurait dans sa vie serait que tout s'arrête brutalement sans qu'il ne puisse s'amuser. Il allait donc, à toute vitesse, vers les quartier neutres, dans l'espoir de semer ceux qui devaient le poursuivre. Le temps ne le rattraperait jamais!