Le sacrifice.

Sur les toits de Ravnica, en périphérie, si l’on peut encore appeler cette raréfaction d’édifice ainsi, le jeune pyromane réfléchissait. Le souffle de l’air, frais mais pollué par les vapeurs dégagées par les usines Izzets, lui caressait le visage. Le clair de lune donnait aux toits cette couleur bleu nuit troublée par les ombres et des bâtiments plus hauts. Même l’air qu’il respirait le dégoutait, ce soir. Il goutait le prix de la liberté : l’exclusion. Voila ce que vivais ceux qui, de grès ou de force, avaient quitté le monde civilisé. Pourtant, même ici, libéré des lois au prix de la dure vie du désert, ils n’étaient pas vraiment libres. Yarkol ne savait ni comment ni pourquoi les choses avaient évolué ainsi. Sa culture lui permettait seulement d’avoir quelques détails concernant le pacte des Guildes, mais rien ne pouvait l’aider à se configurer les liens et les relations entre les êtres vivants. Il n’avait que ce qu’on lui avait appris : les combats, la gloire du sang, la faim, et quelques légendes.
L’ordre établit ici ne lui plaisait pas. Ce ne sont pas les plus forts et les plus intelligents qui gouvernent. Ce sont les plus riches, ceux qui présentent le mieux. Il fallait être tout à la fois, ici, pour arriver à imposé sa volonté. Imposer sa volonté. Imposer, asservir, commander, dominer. Le pouvoir se prend, le pouvoir n’est pas libre.
Il réfléchissait intensément au sens des mots, au sens de la vie, à l’intérêt de l’existence. Les vivants établissent des hiérarchies qui leurs permettent de vivre mieux. Comme dans les clans. Mais cette hiérarchie là, il la détestait. Personne ne gouverne ce monde, mais alors pourquoi certains sont-ils exclus ? Puis, petit à petit, il comprit pourquoi son sang bouillait chaque fois qu’il y pensait. Il se fichait des autres, en réalité. Ce qu’il n’arrive pas à digéré, c’est sa propre exclusion. Seulement, on l’avait tellement assimilé à un groupe, tellement déposséder de sa qualité d’être unique et indépendant qu’il en était venu à parler au nom du groupe, à réfléchir en tant que tout. Il leva les yeux vers la lune, profondément triste.
Il murmura pour lui seul, perdu dans la solitude :
« Ne suis-je pas moi aussi, un être original, Lune ? »
Une brise fraiche lui répondit, une brise aux senteurs animales. Une carcasse pourrissante ? Non, pas assez tenace. Un animal enfermé, surement. Un animal malade, ou bien une manipulation Simic. Ils avaient toujours d’étranges odeurs.

Yarkol avait vu de nombreuse personnes, de nombreuses races, mais n’arrivait pas à savoir d’où il venait. On l’avait longtemps pris pour un elfe, mais lorsqu’il arrêta sa croissance à 14 ans, les gens s’étaient faits sceptiques. Mais au final, est-ce si important que cela ? Peu importe à quelle race il appartenait. Peu importe ce qu’il pense, peu importe ce que tout le monde pense. Le poids du monde et de la vie, la désagréable certitude de savoir qu’un jour on existera plus, cela pesait sur ses épaules. Tout ce qui compte c’est la vie, les actes que l’on fait. Voila ce qui nous inscrit dans l’histoire….Nous. Encore une fois, il se surprenait à penser au nom d’un groupe.

Il va falloir jouer le jeu. Apprivoisé les règles du monde de la civilisation. Il va falloir dénaturer la liberté pour la faire renaitre sous sa forme originelle. Que tout ne sois qu’Anarchie, Chaos et expression. La destruction, c’est l’art de faire renaitre. Pour changer le monde, il n’existe aucun autre moyen que de le détruire. Une nouvelle bourrasque fit virevolter les cheveux de l’ancien Gruul. Il se leva de son perchoir- un tuyau qui passait par le toit où il avait élu domicile cette nuit- et regarda en bas. Une rue presque déserte à cette heure. Des mendiants, des exclus. Comme lui. Mais dans sa tête, il ne se demandait qu’une chose : « Qui se souviendra de moi ? » A leurs yeux, il n’existait PAS. La rage lui brulait les entrailles. Ne pas exister, ne pas avoir de nom, disparaître avant d’avoir hurlé au monde « Je suis là ». Il n’avait pas peur de mourir. Il avait peur de disparaître sans que personne ne l’ai jamais remarqué, peur de n’être qu’un grain de poussière brulé par le soleil. Peur de finir comme il en avait vu des tas : dans l’oubli.

Le semi elfe ne savait pas écrire. Il arrivait à décrypté très approximativement la langue gobeline, c’est tout. De toute façon, peu importe. Il ne voulait pas que son histoire finisse dans un livre que personne ne lira jamais. Il voulait la gravé dans la mémoire, dans le cœur des gens. Il voulait exister, plus fort que tout les vivants avant lui. Et pour cela, il était près à tout, absolument tout. Il n’avait rien d’autre à perdre que des valeurs floues qui même pour lui ne signifiaient plus grand-chose. C’est horrible de ne pas savoir sui l’on est, et il était conscient qu’il ne pourrait découvrir qui il était qu’à travers les autres.

Il se jeta sur une plaque de taule, laquelle dégringola et glissa sur le toit plus bas. Il fit une roulade, attrapa un tuyau et glissa tout le long de ce dernier jusqu’en bas. Devenir plus fort, s’imposer aux autres par la force. C’est à ça qu’il faut jouer, alors jouons. Ivre de colère, il savait que sa vie serait courte, et au combien dérisoire comparé à celle des grands de ce monde. Il voulait tellement changer les choses, changer toutes les lois, tout les rapports de forces. Mais on a le pouvoir de faire ça que si l’on est puissant. Uniquement si l’on écrase les autres, peu importe si c’est, au fond, jouer leur propre jeux et faire exactement l’opposé de ce à quoi on aspire. Il fallait accepter ce comportement profondément antagoniste à l’objectif pour parvenir à ses fins. Un sacrifice de plus dans une vie de souffrance. Mais c’est là ce qui fait la valeur de cette vie, et c’est aussi ce qui est amusant. C’est partis, en route pour le monde des grands !

Seul au milieu de trois clochards ivre, dont l’un dormait déjà, le semi-elfe se sentit tout de suite beaucoup moins sur de lui. Comment allait-il s’y prendre, en fait ? Toutes ces belles pensées l’avaient mis en ébullition, et il se retrouvait dans tous ses états au milieu d’un vieux quartier crade où l’on devait le prendre, lui aussi, pour un vulgaire clochard. Il marcha, réfléchissant à un plan. Détruire des immeubles importants, marquer l’esprit des gens…Détruire le pilier des paruns, aussi ! Et puis créé la panique, monter les sans guilde contre les guildes…monté les guildes les unes contre les autres, mais dans une guerre ouverte, comme jadis. Brisé le Pacte. Oui, voila la solution à tous les problèmes de ce monde. Il faut briser le Pacte des Guildes. Ainsi, après une vague de massacre sans précédent, les survivants seront libres, ils auront gagné le droit de vivre comme ils l’entendent.
De toute façon, la masse vit dans la misère, les guildes mènent une guerre de l’ombre qui fait souffrir tout le monde, et rien ne change au fil du temps. C’était décidé. Il y aurait un monde avant Yarkol, et un autre, totalement différent, à sa mort. Il le jura sur ce qu’il avait de plus cher, sa liberté de pensé, la seule véritable liberté qu’on ne peut ôter à aucun être.
Bon, maintenant, il fallait avoir du pouvoir. Yarkol ne connaissait que deux façon de faire. Être le plus fort, et massacré ceux qui pensent différemment, ou se doté d’allier puissant et jouir ainsi d’un poids considérable. Il opta pour les deux en même temps. Ceci dit, objectivement, en considérant l’effet qu’il faisait au gens, habiller comme un sans-le-sou, et ses capacité diplomatiques lamentable due sans doute à son manque de culture, il prit conscience qu’il devrait apprendre au fil du temps comment se faire des allier et commencé immédiatement à devenir plus fort.

Il repensa à ses années d’entrainement et à toute l’expérience qu’il avait accumulée jusqu’alors. Qu’est-ce qui lui avait posé problème ? La magie. Mais c’était trop long à apprendre, il n’avait pas le temps. Ensuite, les capacités spéciales de certains. Il repensa aux zombies qui ne craignaient pas les coups, aux armes meurtrières des Rakdos qu’il avait croisés aux Carnariums, et à son maitre. Nihil, le feu ne lui fait rien… Ciel, mais elle est là, la solution ! Il devait se doté d’une arme qui le protègerais des brulures, une armes efficace, légère, qu’il ne pourrait pas perdre afin de ne jamais être désarmé, car s’il comptait dessus, il devait pouvoir la connaître et la maitrisé comme son propre bras….
Tiens. Comme son propre bras…. Yarkol regarda sa main gauche. Debout dans un quartier, proche des quartiers Simics à en juger par l’odeur et les drôles de lianes qui commençaient à trainer par endroit, il regardait intensément son bras gauche, comme s’il venait de le découvrir pour la première fois.

Il s’avança d’un pas pressé, les yeux dans le vide, au milieu des quartiers Simic. Les immeubles de pierre avaient été remplacés petit à petit par de sordides plantes mutante, le sol semblait en vie et les bâtiments avaient une odeur mi animal mi végétal. L’ancien Gruul mit longtemps avant de s’y réhabituer. Il chercha un peu son chemin, rencontrant diverses créatures mutantes. Il arriva près du laboratoire de biologie, et se retourna, semblant se souvenir du chemin. Il fit le tour d’un bâtiment et trouva une tente où se tenait une étrange échoppe. Quelques champignons séché étaient étalé à coté d’un bol et de diverses composantes : ailes de papillons, dents, vers épinglé mais toujours vivants, bocaux remplis de liquides peu engageant ect.

« Bonsoir. C’est moi. J’ai à te parler, mais pas de poisons ni de vers géant. Cette fois, je viens parler de moi. Vous faites muter les être vivants pour en faire des choses meilleurs, c’est ça ? C’est ce que je veux. Je veux être le meilleur. Combien ça coute, une opération ? »

Il ne connaissait toujours pas le nom de son revendeur. Il ne voulait pas le déranger longtemps, à cette heure tardive. Cet étrange Simic était toujours à son échoppe, comme s’il ne dormait jamais. D’habitude, il se trouvait près de la serre, mais il avait cette petite tente pour les clients spéciaux se pointant aux heures les plus improbables. Il ne voulait pas le déranger trop longtemps ; aussi s’était-il montré directe, comme à son habitude.
[i]

Le revendeur était, comme presque tout Simic qui se respecte, d'apparence un peu déroutante. Ce qui frappait d'abord chez lui, c'étaient ses oreilles. D'un sublime arrondi comparable à celui d'une écuelle, elles avaient le diamètre d'un dessous de tasse à café. Toutefois, il ne serait pas venu à l'idée de grand monde de se moquer de ces majestueuses esgourdes. En effet, l'homme ne manquait pas de charisme. Il avait un visage assez large, mais harmonieux, bien que ses traits soient durs. Deux gouttes de cytoplasme au coin interne de chaque oeil lui donnaient un regard à la luminescence quelque peu inquiétante. Sur ses mains, deux demi-sphères de la même matière suggéraient qu'il possédait une force bien supérieure à celel que sa maigre silhouette pouvait laisser présager. Sa voix, en revanche, contraistait tout à fait avec cette apparence : un ténor affable, presque maniéré, très commerçant.

"Une opération ? Pour une arme en symbiose, je suppose ? Allons, allons. Vous n'êtes pas Simic... Et vous n'avez certainement pas les moyens de vous payer une telle greffe. C'est d'un onéreux, voyez-vous... Peu peuvent s'offrir nos petites merveilles... Enfin, enfin... Il y aurait bien un moyen de réduire de beaucoup le coût... Mais... C'est risqué. Voyez-vous... Pour ce genre d'expérience, nos spécialistes manquent cruellement de... Hem... Sujets consentants, qui sont essentiels lorsqu'il s'agit d'armes. En revanche, il pourrait y avoir quelques... imprévus pouvant menacer votre santé. Mais vous serez au meilleur endroit pour être soigné efficacement ! Et cela pourrait mettre votre rêve à portée... A vous de voir. Si vous le souhaitez... Ce sera au laboratoire de Biologie que vous devrez vous rendre. Bonne chance..."

Et, tandis que Yarkol s'éloignait déjà, le revendeur le héla.

"Au fait ! ça me revient... Si vous manquez de fond... Il n'y a pas très longtemps, un elfe Golgari est passé par là, un Devkarin... Il cherchait des mercenaires pour un raid, paraît-il. Il paiera bien, je pense. J'enregistre votre candidature et je la lui transmets ? Il devrait repasser en soirée."

Le laboratoire de biologie, ce gros bâtiments derrière, qui semblait respiré légèrement, voila où il devait se rendre.

« Merci. » Il ne dit rien de plus, et ne lança pas un regard à son interlocuteur. Toutes ses pensées étaient dirigées vers son bras.

Puis on l’interpella. Il se retourna, et comprenant de qui il s’agissait, se raidit. Non seulement l’idée de se retrouver dans un raid avec probablement quelques anciens compagnons qui devaient lui en vouloir ne l’enchantait pas, mais si en plus c’était pour le compte de l’autre malade avec son corbeau…
« Non, je vais me débrouillé autrement. Merci quand même. Bonsoir, Simic. »

Le semi elfe poussa un long soupir. Il allait renier ce corps que la nature lui avait offert, il allait se dénaturé, se fendre l’âme et modifier à jamais la constitution même de son métabolisme. Ainsi sera-t-il lui-même le symbole de son idéal, un monde pervertis qu’il faut restructurer, qu’il faut abattre pour le faire renaitre.
Amèrement, il regarda le sol. Peu importe s’il ne faisait pas partis de ce nouveau monde, si l’on se souvient de son nom.

Il releva la tête. Approchant du laboratoire, il sourit. Cet endroit ne finirait surement pas comme le Dôme de pyromana, mais qui sait ce qu’il pourrait faire s’il acquérait un grand pouvoir ? Le premier bâtiment détruit pourrait être celui-ci…
Il passa la porte, étrange agencement de pierre, de plante et de cytoplasme, qui s’ouvrit en grand à son approche. Pénétrant dans l’enceinte, un coup d’œil circulaire lui révéla une grande pièce d’où pendaient des tas de lianes plutôt grosse qui semblaient relié toutes les salles entrent elles et aux étages supérieurs.
Il aperçut entre autre une réceptionniste Vedalken. Il s’approcha d’elle, et demanda sans plus de manière que nécessaire :

« Bonsoir. J’aimerais une greffe, je suis près à faire tout ce qu’il faudra pour l’obtenir. Vous pouvez m’aider ? »

Les rapports sociaux, ça n’était vraiment pas son point fort. Et puis les odeurs le gênaient encore beaucoup, elles se faisaient plus forte ici.

La peau bleue tendit au semi-elfe un papier. Ses yeux de glace ne lui firent aucun effet, il était on ne peut plus sur de lui. Il ne regarda même pas le contrat et se saisit du stylographe le plus maladroitement du monde, en le tenant comme on tient un couteau. Il avait déjà du mal à déchiffrer le gobelin, ce n’était pas la peine d’essayer de lire un document pareil. Il s’entailla la paume de la main avec le stylographe, il sentit comme un petit crépitement qui le fit frémir, puis plaqua sa main contre le contrat. Ce genre de signature devait être valide...De toute façon, il ne savait pas écrire.
Il se retourna, voyant qu’on ne lui en demandait pas plus, et s’éloigna. Il avait encore quelques heures devant lui avant le lendemain matin.

Il passa la nuit à flâner, ayant passé l’après midi précédente à dormir sur un toit, le sommeil ne lui faisait pas défaut. Il pétillait d’excitation, jamais il n’aurait pensé que les choses prendraient cette tournure. Il allait surement devoir faire quelque chose pour les Simics, mais peu lui importait quoi. Il aurait ce qu’il était venu chercher, d’une façon ou d’une autre. Le monde est plein de surprise, il s’émerveillait des rebondissements qu’offraient la vie et s’impatientait déjà en pensant aux massacres qu’il aurait la joie de perpétrer.

Aux premières heures du jour, lorsque le soleil pointa comme une flamme naissante, baignant le ciel dans une effusion de sang, il se tenait droit et déterminé devant la porte. Il passa lentement sa langue sur sa lèvre supérieure. La journée allait être très spéciale.
Il passa le seuil de la porte. D’un pas ferme, il se dirigea vers la Vedalken. Il la salua d’un signe de tête.

« Je suis là. Ou dois-je me rendre ? »

L’éloquence n’était vraiment pas son fort. De toute façon, quand bien même il aurait eu la moindre facilité pour s’exprimer avec autrui, il n’en aurait pas usé. Il était trop impatient de voir en quoi consistait ces greffes et les testes qu’on lui ferait passer, les épreuves l’excitaient presque autant que le résultat escompté.

Perdu dans ses pensées, se demandant si le sacrifice de son bras tel qu’il est aujourd’hui était une bonne solution, l’ancien Gruul ne fit pas attention et, au coin de la rue, percuta quelqu’un. L’individu tomba à la renverse. Le semi-elfe, lui, avait percuté la poitrine du type avec sa tête, il n’avait donc pas été déséquilibré outre mesure, seulement stopper tant dans son cheminement que dans sa réflexion.

Lorsque l’elfe se releva, Yarkol le reconnut aussitôt. Il large sourire se dessina sur ses lèvres, et ses yeux s’ouvrirent grand, comme s’il voulait absorber l’individu dans sa démence. Zassilis.

« Gruul ? Mais, grâce à toi, chien, je n’en suis plus un. Et tes paroles de lâche n’ont de valeur que dans les oreilles des morts ou des mourants : tu as oublié ma mort et ta peine, c’est pourquoi tu marches sans ce poids qui devrait être le tiens. Yarkol le Psora n’est plus, vous l’avez détruit. »

Il lui tendit la main pour l’aider à se relevé.

« Et pour cela je dois te remercier, Zassilis. Prends ma main et ne sors pas cette dague, je n’ai aucune cote brisé aujourd’hui, tu ne voudrais pas qu’on se batte ici. »

Il souriait de façon plus naturelle, bien que ses yeux laissaient briller une haine sans nom et une colère furieuse. Pourtant, chacune de ses paroles avait été des plus cordiales. L’ancien Gruul était devenu une entité de haine et de rage refoulée, mais il restait un jeune semi elfe candide et insouciant. Curieux mélange que celui-ci.

« Il s’est passé bien des choses depuis notre dernière rencontre. Je vous trouve toujours fous et présomptueux, mais plus pour les mêmes raisons. Vivre sans le Clan m’a donné le gout d’une liberté nouvelle, plus chaotique. » Il passa sa langue sur ses lèvres. « Je n’ai pas envie de te tuer aujourd’hui. La semaine dernière en revanche, ça m’obsédait. Le chaos t’épargnera peut-être encore un peu, on dirait. »

Yarkol se demanda combien de temps il avait devant lui. La lune était encore dans son dos, il avait au minimum cinq heures avant le lever du jour, il devrait donc avoir le temps de revenir à son lieu de rendez-vous. Mais l’idée de prendre un verre avec ce type ne lui disait rien.

« Je n’ai besoin de personne pour orchestrer mes vengeances. Un traitre comme toi, qui propose à un ennemi de se venger d’un de ses collègues, ne mérite pas le moindre égard. D’ailleurs si je devais me charger de quelqu’un, ce serais de toi. Je n’aime pas trop m’excuser, j’apprécie encore moins quand on gratifie ces dernières d’une séance de torture. Mais passons, tu veux m’offrir à boire, fait donc. Je te suis, mais si c’est un traquenard, je me ferais une joie de massacrer tes amis sous tes yeux avant de t’arracher les tripes avec les dents. »

Une haine et une fureur sans bornes touchaient certaines notes de son discours, se mêlant gracieusement avec le calme et la politesse sur lesquels le tout était dit. Le semi-elfe affichait un sourire calme et sincère, pourtant tout son corps transpirait une envie de meurtre sans doute repérable à des kilomètres. Il se contrôlait sans mal, comme si cette animosité l’habitait depuis sa naissance. En somme, il était dans son état normal.

« Tu as du travail pour moi, n’est-ce pas ? D’habitude, je me fiche de l’argent tant que c’est drôle, mais j’ai quelques projets en ce moment. Dommage pour ta bourse, il me faudra plus que du spectacle. Enfin, nous verrons tout cela dans le détail à la taverne. »

Il s’écarta pour laisser son ancien bourreau devant lui. Hors de question de l’avoir dans le dos.

HRP : La discussion  avec Asmodée continue ici, dans "rien de personnel"./HRP

La réceptionniste n'eut pas de mal à reconnaître le malheureux cob- le courageux sujet d'expérience volontaire, et lui indiqua un couloir à sa gauche. "Puis vous tournez à droite, et ce sera la troisième porte à gauche." Le mur était soutenu par de grosses racines annelées qui poussaient en ogives presques régulières. Le mur lui-même semblait fait d'une matière organique et élastique bleutée. Quelques membranes verdâtres apparaissaient ici et là, émettant une curieuse luminescence.
Yarkol suivit le chemin que lui avait indiqué la réceptionniste, croisant un certain nombres d'adeptes Simics plus ou moins affairés et modifiés. Il entra dans un couloir tout aussi peuplé. Une ou deux personnes, de races extrêmement diverses - et parfois difficilement identifiables... - attendaient devant chaque porte. Il y avait peu de bruit toutefois, les visiteurs impressionnés se contentaient de chuchoter. Le Sans-Guilde finit par repérer l'endroit où il était censé se rendre. Personne devant cette porte-là. Bon ou mauvais présage ?
Il manifesta sa présence en toquant, puis ne se gêna pas pour entrer, poussant l'huis au contours arrondis qui grogna - grogna ? - avant de s'ouvrir.

Il se trouvait dans une salle au dimensions relativement petites Le même type d'architecture étrange était présent, mêlant gothique, et matière organique en mutation. Un certain nombres de plantes plus ou moins normales et tropicales poussaient ici et là. Toutefois, la température était plus basse que précédemment, même si l'air était toujours humide. Une savante, elfe cytoplasmée, était assise à un bureau dans un coin de la pièce, face à la porte. Un lit médical, un petit bassin bouillonnant ainsi que des choses animales ou végétales munies de pédipalpes occupaient l'espace central. L'un des murs était vierge de plantes, et recouvert d'une surface lisse et grisâtre, comme couverte de minuscules écailles. La Simic releva la tête de son travail en le voyant arriver, et lui adressa la parole d'une voix assez grave, claire mais un peu sèche.

"Bonjour. Je suis le médecin chargé de vous examiner afin de vérifier que votre organisme est apte à supporter les expériences de greffe, ainsi que le potentiel qu'il recèle. Puis-je avoir votre nom ? Il ne figurait pas dans le dossier que l'on m'a transmit."

L’intérieur des bâtiments Simics était décidément encore plus étrange que l’extérieur. D’un pas tranquille, il déambula dans les couloirs pour arriver à son objectif. Après avoir frappé et être entré, il réalisa que la porte avait grognée. Amusé et intrigué, il se demanda si l’ouvrir et la fermer à répétition la ferait rugir, ou si la claquer la ferait pleurer, mais il n’eut pas le temps d’en faire l’expérience, car on lui adressa aussitôt la parole. Il se rapprocha un peu de son interlocutrice et répondit simplement :

« Yarkol. »

Elle acquiesça d’un signe de tête et griffonna quelque chose sur un épais dossier qui se trouvait sur son bureau.

« Très bien. Si vous le voulez bien, nous allons débuter les examens obligatoires. Ils ne sont pas des plus agréables, mais tous sont nécessaires si vous voulez subir une greffe. »

Le semi-elfe haussa les épaules, indifférent. A voir toutes ces personnes greffées, ce ne devait pas être si terrible. Et quand bien même ce serait le cas, il était déterminé. N’avait-il pas déjà bravé la mort ?

« Je suis prêt. »

Un imperceptible sourire passa sur le visage de la Simic, qui lui désigna le fauteuil au centre de la pièce en ajoutant :

« Il est nécessaire que vous soyez en sous-vêtements. »

Yarkol soupira. La dernière fois qu’il s’était retrouver en sous vêtements, c’était pour l’entrainement, il y a très longtemps, et l’expérience fut extrêmement douloureuses, ses muscles ne s’en étaient pas remis avant une quinzaine de jours. Ce souvenir désagréable le rendait pourtant mélancolique. Est-ce que le Clan lui manquait ? D’une certaine façon, peut-être. Il retira sa veste, qu'il laissa tomber. Elle était bien plus lourde qu’il n’y paraissait, ce qui s’entendit au bruit sourd qu’elle fit en percutant le sol. Qui sait tout ce qu’elle cachait ? Yarkol lui-même l’ignorait, il ramassait tout un tas de choses par hasard, si bien que l’expression « connaître comme le fond de sa poche » avait chez lui une signification toute opposée au sens commun.
Il retira sa ceinture ornée de dent, et la posa sur sa veste. La dague qui y était accroché dégageait une odeur rassurante pour l’ancien Gruul : celle du poison dont il l’avait enduite. Son pantalon de cuir était si usé qu’on l’aurait dit en toile, il le retira aussi après avoir rapidement abandonné ses chaussures.
Il se retrouva alors simplement vêtu d’un linge brun enroulé autour de son bassin, seul apparat pratique et inusable qu’il eut put trouver. De toute façon, il ne se retrouvait pas en sous-vêtement tout les jours, et son apparence le laissait des plus indifférent.
Le petit pyromane avait pourtant bien grandit. Sa musculature s’était développée différemment, le muscle était plus sec, plus dynamique qu’auparavant. De récentes cicatrices se superposaient sur les autres, plus anciennes. Bien qu’il ne marque assez peu et que les années n’avait laissées sur lui que des marques blanchâtres et quelques brulures sur les mains, une trace semblait ne pas vouloir disparaître : sur sa gorge, un signe étrange était formé par une cicatrise légèrement rouge qu’on aurait put imputer à un marquage au fer si le dessin n’était pas aussi précis. Quoi qu’il en soit, il prit place sur le fauteuil.

Ses cheveux avaient bien poussé, ils lui arrivaient maintenant aux épaules. Il ne montrait aucun signe de stresse, parfaitement à l’aise et prêt à faire face à n’importe quoi. La scientifique s’approcha de lui et lui posa de drôles de petites tentacules à bout ovales sur le torse. Elles appartenaient à une plante dont la couleur orangée transparaissant à travers une pellicule verdâtre, ce qui faisait penser à un cocktail de jus de fruit.
Peu importe ce qui arriverait, il lui fallait ce bras. Un avantage décisif et nécessaire valait bien ce petit sacrifice, qui n’en serait d’ailleurs pas un si ce bras s’avère aussi maniable que l’original.

Le semi elfe resta de marbre face aux examens. C’était ennuyeux à mourir, mais il fallait s’y plier. Il irait se dégourdir les jambes plus tard, quand il sortira de cette salle aussi animé qu’un bureau Azorius. Il écouta vaguement le diagnostique de la Simic, presser de quitter l’endroit. Il espérait vraiment que leurs combats valaient le détour. Il allait, en plus, devoir manger des légumes. Quelle plaie ! Enfin, il y a tout de même plus contraignant que ce genre de broutille, et puis, si on le nourrissait, tout irait bien. Il prit la feuille et l’étrange sphère, puis sortit sans même dire au revoir. Il commençait à se faire aux odeurs de ce bâtiment, et à sa grande surprise, il y découvrit des notes sucrées et acides, comme certaines boissons du Rat crevé. Pressant le pas, il faillit oublier sa commission et partir avec la sphère et la feuille. Il passa donc au secrétariat et y déposa la boule bleue, qu’il empêcha de rouler avec la fiche.

« De la part de Llenmer. »

Puis il partit presque en courant, pressé d'inspiré de l'air frais et de gambadé au grand air. Tout excité par la journée qui l’attendait, demain, il fonça dans les ruelles et grimpa sur un tas de déchet pour atteindre une lucarne. Il s’aida ensuite d’un tuyau gravé du symbole Izzet pur atteindre le toit, et continua sa course effréné en hauteur. Il arriva en périphérie du quartier Simic quand une odeur attira son attention. Il commença à saliver et descendit promptement des toits les plus bas pour toucher terre. Là, il se laissa guider par le parfum enivrant de la viande crue qui embaumait l’air. Il arriva face à un petit étalage assez grossier et pas vraiment propre. Le marchand, visiblement un Orzhov, avait placé les morceaux de choix vers l’extérieur, et les bouts de chair suspendu avaient été rendu plus rouges avec un colorant Simic. Yarkol sentait, à l’odeur, qu’ils n’étaient pas aussi frais que ne le laisse penser la couleur vive. Un peu à l’écart de l’étalage se trouvait un Grill : un récipient en métal haut d’un mètre trente surplombé par une plaque sombre sur laquelle cuisait des morceaux de viande et du lard. L’ancien Gruul passa sa langue sur ses lèvres, et se surprit à vouloir les voler. Il décida cependant de ne pas prendre le risque, en effet, se retrouver dans un cachot Boros plutôt que dans un laboratoire pour sa greffe l’irriterait beaucoup. Il fouilla ses poches et décida qu’il pouvait se permettre ce petit plaisir, puisque bientôt, il ne pourrait plus se permettre de manger toute la viande qui lui plairait. Un client fut servis avant lui, un Simic ressemblant de dos à un Viashinov, mais de face, il était tout ce qu’il y a de plus félin, seuls ses yeux, sans paupières, trahissaient sa véritable nature. Lorsque Yarkol s’avança, le marchand le jaugea. L’ancien Gruul faillit se mettre en colère. On le prenait souvent pour un mendiant, avec son accoutrement et ses cheveux sales. Il n’avait pas pris de douche depuis longtemps et le sang, les décombres et la cendre lui donnait surement l’air le plus piteux du monde. Avant qu’on ne lui demande de circulé avec le timbre méprisant qu’on ces marchand Orzhov, le pyromane dit tout haut, avec une pointe de mépris, en tendant de l’argent pour rassurer le boucher :

« Je veux ce morceaux, là. Derrière vous, celui qui n’a pas été modifié pour avoir l’air plus frais. »

Le marchand lui jeta un regard méprisant, puis vérifia que personne n’avait entendu. Il se retourna et s’apprêta à le passer sur le grill.

« Non. Je le veux crue. »

Le boucher le gratifia d’un autre regard dédaigneux en lui tendant les morceaux de viande comme on le tendrait à un chien. Il lui lâcha le prix avec un sourire tout ce qu’il y a de plus faux et de plus forcé, mais le dégout se lisait dans ses yeux. Yarkol l’attrapa et posa ses Zinos sur un morceau de tripe tout au bout de l’étale, ce qui força le marchand à faire le tour pour prendre l’argent. Il quitta rapidement l’endroit, vexé de la façon dont on le traitait malgré ses efforts, et mordit avec délice dans la chaire crue. Il filet de sang sombre et très fluide glissa sur son menton et il faillit pleurer tellement c’était bon. Le gout, l’odeur, la texture…Le sentiment vivifiant d’arracher un lambeau de viande avec les dents… Depuis combien de temps n’avait-il pas profité d’un tel morceau ? Voila des mois qu’il faisait les poubelles ou volait dans les réserves les moins bien protégées des fruits presque pourries et des restes que l’on hésitait à remettre sur les étales.
Il remonta sur un toit en gardant un morceau dans sa poche. Il le dévora dans la nuit, en repensant à ses pairs, aux chamans, au Clan. Puis ses pensées se dirigèrent vers Nihil. Il s’endormit paisiblement en rêvant d’un monde où régnait l’anarchie la plus total. Où l’égalité était plus ferme et plus juste entre chaque être, où la seule justice était celle de la nature, la vraie justice qui règne chez les Gruuls, celle des aptitudes que vous avez à la naissance, de votre force et de votre capacité à survivre. L’égalité parfaite des chances et la dure peine de mort qui n’est pas donné par autrui, mais par le ciel et la terre qui vous renient pour avoir été faible.

Les premiers rayons du soleil le réveillèrent. Il s’était endormi roulé en boule près d’une cheminée. Il se leva, s’étira en poussant un petit rugissement, et satisfait d’avoir encore un peu de sang sur les lèvres. Il se mit à courir, sitôt levé, s’arrêta près d’une flaque et but un peu d’eau, puis repartis en direction du laboratoire. Il franchit la porte, regarda la réceptionniste, qui lui dit avec un sourire :

« Même couloir qu’hier, plus loin à droit. C’est une grande porte. »

Il fonça aussitôt dans la direction indiqué et frappa à ladite porte. Elle s’ouvrit dans un bruit de succions plutôt drôle rappelant une guivre ingérant un corps flasque. L’intérieur de ce bureau était singulièrement différent de celui de Llenmer. Grand, espacé, de longues lianes épaisses comme le bras parcouraient la pièce. Dans le fond, de l’eau coulait et formait un petit réservoir d’eau. Sur le bureau, à gauche de la pièce, se trouvait un immense pichet d’une matière jaune translucide. A l’odeur amère qui s’en dégageait, Yarkol devinait du jus de citron. Mais que dire de la créature qui lui faisait face, debout devant le bureau, impassible et presque hautaine ? Le type était…Eh bien, pour faire simple, un vedalken très, très modifier, au point où vous ne reconnaitriez pas que s’en est un. Il avait le visage un peu allongé, quatre bras aux muscles secs et bien dessiné, un corps qui paraissait chétif et très allongé, et son visage…Le cytoplasme semblait l’avoir dévoré entièrement. Ses bras aussi en étaient couverts par endroit. Le plus choquant peut-être, était cette portion de son crane que l’on voyait par transparence à cause d’une bulle de cytoplasme large comme le poing du semi-elfe. L’ancien gruul fit deux pas, puis se présenta.

« Je suis Yarkol, je viens pour une greffe. »

Le petit elfe regardait l'assiette avec de grands yeux. Des légumes...Peu importe. Oui, il aurait préféré un steak saignant, mais il était tout de même heureux qu'on le nourrisse à sa faim tous les jours. Il était extrêmement reconnaissant qu'on ait prêté attention à ce que ce soit mangeable et , mieux, à son goût. Comment exprimer sa gratitude? Sans doute étais-ce parce qu'ils y trouvaient un intérêt particulier, eux aussi. Mais tout de même... Ah! Qu'ils testent ce qu'il leur plaira, si c'est efficace et qu'ils le nourrissent, Yarkol se montrera plutôt conciliant.
Il trempa le doigt dans l'assiette et dans le bol, et gouta le tout en fixant Llenmer de ses yeux gris. Un large sourire se dessina sur le visage de l'ancien Gruul. Un vrai repas chaud c'était rare, mais un repas chaud spécialement préparé pour lui, c'était extraordinaire. Il but le bol d'une traite, comme s'il s'agissait d'un bol de lait, et s'essuya d'un revers de la main. Le goût du poisson lui restait en bouche, la chaleur aussi. Il s'exprima alors, tout en mangeant par moment le gruau au goût étrange:

« Si j'ai bien compris, vous disposez de moi pour quelques recherches et en échange, vous me greffez ce que j'ai demandé? Alors j'aimerais un greffe sur le bras gauche, et dans la mesure du possible, j'aimerais que le reste de mon corps ne soit pas modifié. Je voudrais une lame, rétractable de préférence. Et une insensibilité au feu sur tout l'avant bras, peu m'importe l'apparence de ce dernier, mais je veux pouvoir utilisé ma main tout de même. Si vous pouviez décupler ma force, je ne m'en priverais pas. » Il sourit et ajouta : « Je suis prêt à tout pour obtenir cette greffe, on vante partout vos capacité et vos innovation, j'ai toute confiance en vous pour m'offrir ce que je recherche. »

Il souriait toujours, inconscient des risques et de ce qu'il cédait au Cartel Simic. Peu lui importait le cout matériel et moral. Sa passion pour la puissance ne connaissait pas de frein. Il était prêt à tout les sacrifice si on lui donnait l'arme de sa vengeance, l'outil de son ascension vers le soleil. Pourtant au fond de lui quelque chose se brisait. Il construisait son rêve, consciemment, en cédant son âme au monde, il laissait entré l'extérieur dans les tréfonds de son être, et ce don, qui n'avait rien d'une abnégation, le conduisait déjà droit vers la mort. Ce chemin de feu tracé si droit et si coupant qu'il pouvait le voir, même lui qui se fichait de son sort, lui tranchait la chair depuis le cœur. Oui, il fonçait vers sa mort. Oui, il était prêt à mourir, et ce changement profond l'avait blessé à jamais. Cet altération qui s'était produite depuis qu'il s'était retrouver face au crabe géant prenait de plus en plus d'importance. Ne plus avoir peur de la mort, c'était déjà mourir, c'était accepter de disparaître, et quand bien même il laisserait une trace, il ne serait plus là pour la voir. Les Héros Psora avaient ceci de divin qu'ils était morts tandis que leurs noms et leurs derniers cris résonnaient encore. Mais qui ici pouvait les entendre? Yarkol ne voulait pas d'un cri qu'on puisse nier. Et pour cela, sa puissance et sa folie ne devrait pas avoir d'égal. Il était passionné par la vie, et par la destruction. La création ultime, un monde juste, une vie gagnée par sa seule force, son rêve démesuré, lui donnait la force la plus inébranlable qu'il est possible d'acquérir par fanatisme. C'était inéluctable, la naissance de son monde nécessitait la fin de celui-ci. Les Gruuls lui avaient bourré le crâne et il s'en était défait en frôlant la mort huit fois, il avait maintenant sa propre doctrine, plus alambiquée, plus folle, plus illogique et dénuée de sens que ce qu'on aurait jamais put lui inculquer. Et rien, absolument rien ne pouvait le faire revenir en arrière. Il avait besoin de puissance, et quand il l'aura obtenue, son cri résonnera à travers le monde, fera trembler le temps, l'espace, le cœur des vivants et les os des morts. Il jura sur sa haine que son bras n'était rien comparé à ce qu'il était prêt à céder à ce monde qui allait disparaître.

Il songea un instant à son marché avec Asmodé. S'il tenait parole, le monde tremblerait deux fois.


Il termina l'assiette à l'odeur de choux en quelques secondes, et il attaqua le melon en écoutant la réponse du type au crâne visible.

Absorbé par ses pensées, l’ancien Gruul se leva doucement et répondit aux greffemage :

« Disons que je joue parfois avec le mana rouge. »

Il observa son interlocuteur se resservir comme un pilier de bar. Heureusement que ce n’est que du citron, le pauvre est vraiment accro.

« Si le cytoplasme pouvait être le plus discret possible, de couleur sombre de préférence, j’en serais ravis. Mais ces détails m’importe peu, mes exigences sont plus pratiques qu’esthétiques. »

En y réfléchissant, le semi elfe vint à douter de son désir sur la rétractabilité de la lame. Il n’avait jamais songé à manier autre chose qu’une dague, mais il pouvait apprendre. Et si son nouveau bras, agrémenté de cytoplasme, lui permettait de soulever de lourdes charges…
Après avoir suivit le Simic dans les couloirs, ses doutes avaient disparus. Il ne voulait plus quoi que ce soit de rétractable. Il y avait là tellement de modèle et de type d’armes différent qu’on aurait pu s’attendre à un long moment de réflexion de la part du semi-elfe, après tout, il s’agissait de quelque chose qu’on allait lui greffer dans le bras et qui ferait partis de lui.
Mais non.
Son regard avait accroché à une lame à première vue de fabrication Rakdos. Un modèle plutôt grand, environ soixante centimètres et un manche de vingt. Rien à voir avec une dague, c’était une sorte de tranchoir à l’extrémité aussi tranchante qu’un sabre dont la base était cranté. L’autre bout de la lame, qui se courbait au-delà de la garde, était aplatit et hérissé de pointes, formant ainsi un garde-main des plus dangereux. L’ancien Gruul, dont un sourire dément barrait le visage, pointa l’arme du doigt et demanda :

« Je peux prendre en main celui-là, pour voir ? »

Le greffemage le décrocha du mur et le lui tendis sans effort apparent. Yarkol comprit aussitôt que l’étrange bouillie que les Simics appellent cytoplasme s’avérait efficace. En effet, l’arme faisait son poids, il lui faudrait un temps d’adaptation certain.

« Je veux celui-ci. Sur l’avant bras, comme convenu. Pas besoin d’avoir quelque chose de rétractable, tout compte fait. Débarrassé du manche, il dépassera d’environ huit centimètres derrière mon coude, et vingt devant, c’est un peu plus que la portée de ma dague. Le tranchant sur tout l’avant bras me parait très pratique. Si l’on pouvait faire en sorte que la garde coutée s’allonge sur les vingt centimètre de la fin et que la partie cranté suive juste après, sur environ dix centimètres, ce serait parfait. »

Le Simic parut ravi que le semi-elfe ait une aussi bonne idée des proportions et de la pratique des armes. En effet, il avait deviné avec justesse ce qui lui serait possible et avait pris un des modèles qui convenait le mieux à sa morphologie. Pour ce qui est de savoir s’il saura s’en servir, il ne tarderait pas à le savoir…

« Bien…Hrm. Et, avec vous des exigences particulières pour les matériaux, hrrm? »

Un éclair de folie et d’excitation traversa le regard du jeune pyromane. Il passa sa langue sur ses lèvres puis eut l’air géné quelques secondes. Après quelques seconde où il trépigna sur place, il dit d’un ton malicieux :

« Oui, il y aurait bien quelque chose, mais… Je me débrouillerais pour l’obtenir. J’aimerais que la lame soit faite de… D’os et de sang. Je vous fournirais les matériaux nécessaires, et nous ferons les tests avec une autre lame en attendant. »

Il jeta un regard complice au Vedalken.

« Pour le reste du bras et la propriété de résistance au feu, je n’y connais rien et je m’en remet entièrement à vous. Quand commencerons-nous les tests ? En quoi consisteront-ils? »

Il avait l’air impatient et joyeux. En réalité, il était complètement surexcité et s’imaginait déjà trancher l’ennemie avec sa nouvelle arme.
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