Rien de personnel

Le semi elfe suivit Zassilis jusqu’à la taverne. L’architecture pour le moins étrange du bâtiment ne le perturba aucunement, son esprit étant bien plus occupé à détailler son atypique bourreau. Il regarda le corbeau s’envolé pour se perché sur une drôle de branche, puis baissa les yeux. Il s’assit en face du Golgarie, amusé. Non, ce soir, il ne s’apprêtait pas à prendre un verre avec ce type, encore moins à accepter un contrat. Il le voyait brulé vif, crachant son sang dans un râle d’agonie, se débattant avec la mort. Un petit sourire mesquin trahit sa douce pensé, quand un personnage des plus incongrus fit son apparition. On lui demanda ce qu’il souhaitait consommer…
Les choses étaient tellement simples, ici. Yarkol se souvint avec mélancolie du temps où il serait mort pour un peu d’eau croupie. Il se frotta les mains et soupira longuement, comme s’il goutait la vie avec plaisir et passion. Car c’est ce qu’il faisait, ne serais-ce qu’en expulsant l’air de ses poumons. Il caressa sa main gauche d’un air songeur et passa sa langue sur ses lèvres. Après avoir jeter un regard en coin à Zassilis, il répondit en s’adressant successivement à ce dernier puis au serveur :

« Vous payez, n’est-ce pas ? De l’eau, la plus clair et fraiche possible. »

L’apparence du serveur ne lui fit ni chaud ni froid. Il sourit simplement, heureux d’avoir rencontré quelque chose qu’il n’avait encore jamais vu. Sa vie était comme une immense visite : il parcourait un musée d’espace et de temps, s’émerveillant de chaque massacre, de chaque goute de pluie, de chaque peine, de chaque personne rencontré.
Il attendit que le serveur s’écarte pour plonger ses yeux dans ceux du Devkarin. D’un ton dégagé, il engagea la conversation :

« Il sent comme le mur de l’entrée, ce serveur. Ces gens ont la fâcheuse tendance à s’imprégner de la même odeur que leur habitat, c’est perturbant. Vous, vous sentez comme votre corbeau, même s’il n’a presque pas d’odeur. A ceci près que vous portez le doux parfum des Gruuls, vous savez, cette senteur épicée et sauvage ? Mais elle est si dissipée que vous pourriez en avoir simplement croisé un. Vous vous souvenez ? C’était la base de notre altercation. Vous m’avez dit ce jour là que si vous aviez à tuer un Gruul, vous commenceriez par un gars comme moi. J’aimerais savoir si vous avez changé d’avis, après avoir vu périr mon corps huit fois. »

L’ancien Gruul se tordait sur sa chaise. Il n’aimait pas trop être assis dans un endroit clos, c’était frustrant. En face du complice de sa tortionnaire, il se remémorait sa vie d’avant, et s’aperçut que sa nouvelle liberté, bien qu’elle implique qu’il soit responsable de chacun de ses actes et qu’ils doivent en assumer toutes les conséquences ainsi que le poids, lui avait rendu une joie et un plaisir de vivre sans pareil.

«Si je deviens assez fort, un jour, vous paierez pour ça. Mais c’est moi qui déciderais si je m’en prends à cette Eleonore ou à vous en premier. Je serais seul à décider d’où, quand et comment je m’y prendrais. » Il laissa échapper un petit rire, comme s’il avait sortis une blague.

« Mais ce soir, nous sommes assis à une table, bientôt devant un verre, et ce pour discuter affaire, n’est-ce pas ? Alors n’évoquons plus ni Eleonore, ni nos petites querelles, qui attendront l’aube sinon plus, cela dépendra de ce que vous avez à me proposé. Je suis très curieux, vous savez ? Je ne m’attendais pas à vous croisé, encore moins à ce que vous me proposiez du travail. Je me demande qu’elle genre de confiance quelqu’un comme vous peut accorder à quelqu’un comme moi. Je me demande aussi ce que vous me proposerez, bien que je n’ai pas beaucoup de doutes quant à la nature de la tache… » Il dit ces derniers mots en posant sa main sur sa dague, pour expliciter ses paroles et confirmer ses soupçons via le regard de son interlocuteur…

Asmodée se pencha en arrière sur sa chaise après avoir passé commande, écoutant avec attention les paroles du Gruul - *du sans-guilde. A cause de moi ? Non, Eléonore est à blâmer. Ou est-ce que je me voile la face ? Peu importe. Il attend une réponse. Un peu survolté, mais loin d'être naïf. Pas de faux-semblants. Sohgar, mémorise attentivement la conversation.* Le Golgari se contenta de poser six zinos sur la table en réponse à la première demande de Yarkol. Cela devrait largement suffire à leurs consommations. D'un ton pensif, et après avoir laissé passer le court instant de silence nécessaire à sa réflexion, il répondit lentement.
"Non. Je ne te tuerai pas si je dois tuer un Gruul, car tu n'en es plus un. Et tu as bien changé depuis notre dernière rencontre, tu ne fais plus partie du genre de personnes que je prends plaisir à tuer. Si tu veux te venger par toi-même, tant mieux. Mais dans ce cas, je te conseille de faire vite, avant que tu n'aies plus de cible."
L'assassin s'interrompit quand le serveur arriva. Il posa un cruchon d'eau claire et froide devant Yarkol et un gobelet fait de la même matière froide, dure et opaque que la petite cruche. Simultanément, un autre tentacule déposa un hanap à moitié plein d'un vin de champignon devant Asmodée. Le parfum âcre des épices de la Citerraine s'élevait de la coupe taillée dans la même matière étrange.
"Le genre de confiance que je t'accorde ..."
L'ascète s'interrompit, laissant ses mots en suspens dans les airs. Il n'y avait pas encore réellement réfléchi, à vrai dire. Le grand Golgari jeta un coup d’œil rapide autour de lui. Personne aux tables les plus proches. Il prit une gorgée de vin Golgari pour se donner une contenance, puis décida de suivre son instinct et s'expliqua à voix basse.
"Tu es imprévisible, tu refuses l'autorité, et tu ne m'aimes pas. Ça saute aux yeux. Mais c'est exactement de quelqu'un comme cela dont j'ai besoin. Tu es franc, alors je le serai aussi - profites-en, c'est rare : Je ne m'appelle pas Zassilis mais Asmodée. J'ai besoin que Selesnya soit attaqué un certain jour. Je veux te donner les moyens de mener un raid contre Selesnya, plus précisément à la limite de la Citarborescence elle-même. Je te propose de mener une partie de ce raid. Je m'occuperai de recruter deux ou trois autres personnes, qui ont également des contacts parmi les mercenaires, puis une fois que cette force de frappe sera mise sur pied, je vous révèlerai un moyen d'accéder discrètement aux quartiers résidentiels de Vithu-Gazi."
L'elfe plissa les yeux pour observer les réactions de Yarkol tandis qu'il parlait, lui laissa le temps d'assimiler et de soupeser le plan du Golgari, puis conclut :
"Ça n'est pas pour tout de suite. Je te contacterai de nouveau d'ici quelques mois, lorsque j'aurais engagé davantage de monde. Il y aura sûrement des Gruuls parmi les raiders, mais ils ne te causeront pas d'ennuis. Es-tu intéressé ?"

A mesure que l’assassin avançait dans son récit, le semi elfe souriait de plus en plus largement. Il eut même un petit rire à la mention du « discrètement », et son regard devint perçant et froid quand son interlocuteur eut finis.

« Je suis intéressé. »

Il laissa flotter un silence, durant lequel il passa sa langue sur ses lèvres en tapotant la table du bout des doigts.

« Mais j’ai une condition spécial, un rêve que je caresse nécessite un petit sacrifice, qui n’en sera plus totalement un si… »

Il se servit un verre d’eau et le but d’un coup avant de poursuivre, tout en réfléchissant intensément.

« …Si tu peux rafistoler un associé salement amoché. Carbonisé et aux membres arrachés, en fait. Je ne te demande pas de me rendre tout mes membres si je reviens dans cet état, rend moi simplement la vie que tu me dois, et nous serons quitte. C’est le seul paiement que je réclame pour ce raid, pour ce que vous m’avez fait subir et pour tout les services que tu pourrais me demandé à l’avenir. »

Puis après un petit moment de réflexion, il ajouta :

«Où au moins, essaie de me faire revenir, même si ce n’est plus tout à fait dans mon corps. Je ne peux demander ça à aucun autre membre de l’essaim. »