C'est un affreux malentendu ! (2)

L’ancien Gruul se passa la langue sur les lèvres, se délectant d’avance des surprises qu’il aurait grâce à sa nouvelle proie. Elryann s’était décidé à jouer, finalement ! Peut-être accepterait-elle de tous les broyé, une fois prise dans le feu de l’action ? Oh, il l’avait vu tout à l’heure, si gracieuse, si vivante, si amusante lorsqu’elle jouait avec les flammes ! Il avait tellement hâte de la revoir ainsi, électrisée par l’action et la passion du combat. Pour toutes les fois qu’il s’était retenu aujourd’hui, il se déchainerait enfin sur une cible ! L’enleveur de jeune fille allait prendre pour le lézard, la banshee et la Seles à la fois. Sans qu’il y prenne garde, l’effet de l’excitation lui fit canaliser un troisième pyromana, qui tournoyait de façon chaotique autour de son poignet, quelques centimètres plus hauts que les deux autres.

Il tourna la tête en direction de l’humain : le drôle de type, Kyrstos d’après ses dires, avouait être un ennemi, et confirmait à Yarkol que Raenor était avec lui, du coté des proies. Pour le semi-elfe, les choses étaient claires. On lui en voulait, on le traquait. Mais pire que cela, on l’insultait ouvertement. Il était extrêmement irrité : d’une part, on lui retirait la fierté qu’il avait d’avoir détruit le dôme, d’autre part, on lui demandait des comptes. A lui, qui au prix d’une vie, avait gagné une liberté dur à assumée et sur laquelle il veillait chaque seconde comme étant son bien le plus précieux.

Il jaugea l’humain, comme on détaillerait un morceau de viande crue avant de planter ses crocs dans la chair tendre et fraiche. Il était blessé, épuisé, pitoyable. La colère montait, s’infiltrant dans le cœur du semi-elfe comme un flux d’énergie nerveuse et stridente. Lentement, le pyromane sortit sa dague, toisant du regard Kyrstos.

« Contre mon grès ? » Il sourit, de façon moins joyeuse qu’il ne le faisait à son habitude. C’était un sourire froid, crispé et plein de haine. « Tu veux en savoir plus ? » Il fit un signe de tête, provoquant l’adversaire. « Fais-moi pa… » Sentant une présence non loin, il détourna la tête par reflexe, mais se remit aussitôt en position, jambe gauche en avant, près à déchainé sa haine sur le premier qui relèverait son défi, qu’il n’avait d’ailleurs pas finit de lancé.
Elryann, derrière lui, tomba. Il n’entendit même pas la phrase prononcé par Raenor,pas plus que les inepties que pouvait déblatéré cette fichu broute-paquerettes, son sang ne fit qu’un tour. Ce ne pouvait pas être Kyrstos, il le fixait depuis tout à l’heure. Ce type était en outre en trop mauvais état pour lancer un sort assez discrètement. Etant donné la fourberie avec laquelle il les avait abordé, Yarkol ne prit même pas la peine de douté de la culpabilité de Raenor. Il voulait jouer à ça ? Eh bien, qu’il joue. Elryann lui fera sans aucun doute payer au centuple. S’il reste quelque chose de lui, évidemment.

La frustration accumulée l’avait instantanément plongé dans un état de transe profonde. Ses sens, affinés par des années d’entrainement et de combats, l’avait formé à tout type d’adversaire.
D’un geste furieux et précis à la fois, le semi-démon bondit sur Raenor. Sa dague en main, il lui décocha un coup extrêmement violent au visage : le poing s’enfonçant comme s’il n’avait pas rencontré d’obstacle, l’elfe décolla du sol et s’écrasa face contre terre, sonné, le visage ensanglanter et le nez probablement en miette. Mais l’ancien Gruul, pour qui ce coup n’était qu’une amorce de sa véritable attaque, accompagna son adversaire au sol, prêt à l’anéantir sous une grêle de coups.
Il fallait ménager un peu la proie avant de passer aux choses sérieuses, lui faire gouter à la souffrance lentement et surement. Un nez brisé, ce n’est rien. S’il était déjà un peu sonné, il ne sera probablement pas conscient pour assister à sa propre mort. Dommage pour lui, car c’est là le cœur du spectacle.
Il le retourna et ; alors qu’il s’apprêtait à lui décoché un coup supplémentaire, Yarkol arrêta son poing à quatre petits centimètres de sa victime. Les pyromana dansaient, virevoltant autour de son poignet. Maintenant qu’il y pensait, cela le fatiguait. Avec un contrôle imparfait, à tâtons comme un enfant jouant avec le feu, il posa sa main sur le torse de Raenor et ria, un éclair de folie et de perversion profonde dans le regard.

« J’ai toujours voulu essayer ça… »

Dans la seconde qui suivit, les pyromanas explosèrent sur le torse de sa victime, un à un. L'un dans le ventre, l'autre sur le plexus, et le dernier en plein cœur. S'il en avait eu quatre, le prochain touchait la tête, assurément. Chaque boule de feu avait instantanément brulé les vêtements et la chair, arrachant des hurlements de douleurs à l'elfe. Néanmoins il ne mourut pas sur le coup, comme l’avait pensé le fiévreux pyromane, qui s’était écarté du corps meurtris d’un mouvement souple et agile, incontestablement gracieux, ce qui ajoutait à la scène un air presque théâtrale.
Il regarda Kyrstos, l’air dément, excité par son chef d’œuvre et la facilité déconcertante avec laquelle il venait d’écrasé l’adversaire. L’odeur de chair calcinée, les flammes et le combat le confortaient dans son délire. Sa soif de destruction grandissait, enhardie par une victoire, il se sentait excité, vivant pleinement, avec la force et la vigueur d’une tempête.

D’un geste expert, le même qui avait précédemment fait mouche sur la Seles, le Berserker envoya un couteau de jet vers Kyrstos. Bien qu’il ait, dans un mouvement aussi rapide qu’efficace, attraper sa dague, l’ennemi n’aurait surement pas pu parer le coup. Mais l’attaque manqua de peu sa cible et l’arme s’échoua à quelques centimètres de sa tête, se plantant dans l’immense frêne contre lequel s’appuyait l’humain. Visiblement amoindris, le bougre détourna le regard au moment de l’impact. Alors qu’il avait déjà commencé à lui foncé dessus, l’ancien Gruul ne se gêna pas pour profité de cette effroyable faute d’inattention, et enfonça d’un mouvement ample et brutal sa dague dans la gorge de sa cible. Affutée et empoisonnée, elle pénétra la chair, trancha les cordes vocales et le larynx, glissant comme dans du beurre jusqu’à la nuque, qui craqua net tant le coup était puissant.
Un flot de sang poisseux s’écoula, rythmé par à-coup, macabre rappel d’un cœur qui bat pour une tête qui ne l’écoute plus, se répandant sur la garde de la dague du semi-elfe.
Il prononça, pour lui-même et le mort :

« Je suis déçu. Finalement, ce jeu n’était pas aussi amusant que je l’espérais. Peut-être votre employeur décidera-t-il de me laisser tranquille, à présent ? »

Il retira sa dague lentement, et le corps inanimé s’écroula à ses pieds. Il enfonça rageusement son pied dans la face du macchabé, lui écrasant le visage contre le sol. Un craquement sinistre se fit entendre, signe distinctif que la mâchoire venait de se brisée. Il lui ouvrit la bouche, ou plutôt le tas de chair et d’os qu’il en restait, et ramassa une de ses dents, qu’il glissa dans sa poche. Ce trophée, bien qu’aillant peu de valeur étant donné que sa cible avait été blessée avant le combat, ornerait bientôt sa ceinture. Il rééquilibrera les choses : il venait de laisser vivre une Seles, cela valait bien une autre vie.
Puis, de façon anodine et dégagée, il essuya sa dague avec sa manche, afin que le sang ne coagule pas, ce qui nuit gravement au tranchant des armes. Une fois sur qu’elle était propre, l’imprévisible et malicieux semi-elfe rengaina son jouet et se mit à fouillé le cadavre en quête de n'importe quoi d'utile, heureux mais encore excité…

Les évènements, comme si leur déroulement n'était pas assez haletant, s'étaient brutalement accélérés. Ce qui avait commencé dans une cavalcade bon enfant, une journée auparavant, versait à présent dans l'abominable.
Leurs perspectives avaient commencé à s'assombrir lorsqu'à bout de souffle, guidés par l'étrange perception de Raenor, ils avaient débouchés sur cette place déserte, où les attendait un Kyrstos épuisé, qui leur avait révélé avec une franchise qui ressemblait à un canular qu'il faisait partie d'une organisation chargée d'enquêter à leur sujet, voire de les malmener afin de mener à bien leur mission. Une bande de mercenaires organisés, méthodiques...qui ne comptaient sûrement pas les laisser en vie, puisque l'affreux bonhomme s'était livré à des confidences comme s'ils se trouvaient tous réunis de plein gré, comme les joyeux drilles d'un club de couture amateur. Ils étaient décidément très sûrs d'eux...Très suspicieuse, Elryann, après avoir conseillé à Yarkol de s'occuper d'Aenorial et rassuré la chantresse, se risqua à faire une expérience.
Dans ses veines coulait un sang magique, celui qui, spécifique à sa famille, lui offrait une vision multiple, imprévisible mais parfois redoutablement efficace. Difficilement contrôlable, il pouvait en l'occurrence se révéler utile. Elle se concentra, baissant légèrement la tête, remarquant avec surprise que Silviel, au lieu de se concentrer sur les principaux dangers à proximité, scrutait le lac. Elle haussa les épaules et ajusta sa vision...qui se troubla aussitôt.
Le monde se délavait, sinistre, en flaques de couleurs qui recelaient, pourtant, une signification qu'elle ne connaissait pas bien encore. Ses yeux, voilés par la magie, glissèrent sur Yarkol - vif, explosif - Silviel - aérienne, ondoyante - et sur les deux comparses. Elle retint un hoquet de stupeur.

* Un oeil sur leurs poitrines. Un même symbole. Comme s'ils faisaient partie de la même entité. Leurs liens sont donc si forts ? *

Une sonnette d'alarme, telle qu'Elryann n'avait pas l'habitude d'entendre résonner dans sa tête, qui d'ordinaire cultivait une tranquille inconscience, retentit avec vigueur. Au même moment, sa vision détecta autre chose, et ses yeux s'agrandirent. Ils n'était décidément pas en sécurité, comment allait-elle sauver cette Seles' ? La migraine, caractéristique de sa vision, se fit plus insistante et tambourina entre ses tempes. Un bourdonnement de mauvaise augure sembla engourdir son visage et...Boum.

- Aïe-euh, gémit-elle presque imperceptiblement, son acuité visuelle standard ayant récupéré ses droits.

Étendue sur le dos, elle grimaça et ouvrit les yeux. Silviel était auprès d'elle, et..Où était Yarkol ? Les yeux ronds, Elryann observa Yarkol changer radicalement de posture. De tendue, elle devint sauvage. Elle ouvrit la bouche mais n'eut pas le temps de poser la moindre question : le semi-elfe fonçait vers Aenorial.

* Quel emportement, ce moineau ! Je lui ai demandé d'interroger l'individu louche, pas de le traumatiser...Mais...Que..mais... *

Elryann avait sursauté à l'entente du craquement lugubre, et s'apprêtait à intervenir, ébahie par la violence de son compagnon. Dont elle allait bientôt découvrir qu'il n'était pas ce gamin des rues crâneur et candide qu'elle s'était figurée. La Sans-guilde et la Vénératrice des Radis contemplaient, presque fascinées, le spectacle de Raenor à terre, projeté là par la puissance du poing de Yarkol. Et les pyromanas explosèrent sur le corps de sa victime, qui s'embrasa. Raenor et Elryann hurlèrent de concert, elle ne pouvait s'en empêcher devant cet être qu'on calcinait. En état de choc, elle rampa vers Raenor, puis se figea, terrorisée, en repérant le geste de Yarkol vers sa ceinture. Sous ses yeux, il s'attaqua à un Kyrstos impuissant.
L'instinct protecteur d'Elryann prit momentanément le dessus sur la sidération qui menaçait, et, se retournant, elle attrapa Silviel dans ses bras, pour la maintenir mais aussi pour masquer à ses yeux, si jeunes, ce carnage.

- Ne bouge pas ! N-n-ne bouge surtout pas, ces hommes sont tous dangereux, ne bouge pas, je t'en prie..! Balbutia-t-elle en entourant de ses bras les épaules de la Seles', comme si ça pouvait la protéger. Ne regarde pas.

A nouveau, la barbarie de Yarkol lui arracha un hurlement d'horreur, et quelques sanglots la secouèrent spasmodiquement. Dans quel monde les monstres partageaient-ils des biscuits avec le commun des mortels, avant d'arracher leurs dents aux inconnus ? Ce n'était pas un enfant en mal d'affection, c'était une machine à tuer. Et elle ne l'avait pas cru. Elle avait mis sa protégée en danger, d'une naïveté à pleurer, persuadée que l'agression de Yarkol n'était due qu'à une réflexe de défense, pour la sauver, elle. Pendant qu'il était occupé, elle se tourna vers Silviel, la força à se lever.

- Fuis maintenant. Pardonne-moi, je ne savais pas. Je vais aider celui qui est vivant. Ne t'approche pas. Il est tout aussi dangereux que... Fuis.

Elle poussa Silviel avec fermeté et fit volte-face, le cimeterre dégainé, prête à se défendre, des larmes d'effroi plein les yeux. Elle tâcha de réprimer les plaintes épouvantées, tremblantes, qui s'échappèrent de ses lèvres lorsqu'elle s'approcha de Raenor, qui semblait inconscient. Soudain, Yarkol se tourna vers elle, le regard empli d'une joie hystérique, meurtrière, exultant comme un korrigan venant d'assouvir ses désirs de sadisme.

- Tu..tu n'approches pas..

Le ton impératif dont elle comptait imprégner ces mots sonna comme une supplique. Sa vision se brouilla à nouveau, et, du coin de l'oeil, elle vit...quelque chose qui remontait du lac. Elle trembla, et distingua à nouveau les traits de Yarkol. Sa gorge était sèche, son cimeterre légèrement dressé, ses joues rouges et trempées. Elle n'osait pas se tourner pour vérifier si la Seles' était bien partie...

Après avoir rangé les quelques babioles trouvé sur le corps de sa dernière victime, l’ancien Gruul se retourna. Il voulut s’approcher d’Elryann, mais celle-ci adopta une posture défensive. Pire encore, elle semblait protéger l’elfe qui gisait au sol,. Et cette disciple de Selesnya qui venait d’invoquer des esprits de la foret… On l’attaquait ? Il se sentait soudain trahis, amèrement déçu par la réaction de sa compagne. Alors, ces jolies tours dans les ruelles, ces regards complices, cette euphorie grandissante et ce plaisir serein auquel il n’avait jamais eu droit auparavant n’étaient qu’artifices ? Allait-elle lui planter cette dague levée en plein cœur une fois que les êtres de bois l’auraient immobilisé ? Son cœur cessa de battre quelques secondes, son monde vacillait. Pour la première fois de sa vie, il eut le cœur brisé et fut blessé comme on ne peut l’être que quand on aime. Il apprenait bien malgré lui que les sentiments ne servaient pas qu’à faire la guerre, et qu’il valait parfois mieux vivre comme une pierre que comme un volcan. Ce jeu n’en était plus un. On le rejetait, comme on l’a rejeté durant toute sa vie.
Les trois créatures étaient en ligne défensive entre lui et sa compagne. Pendant un temps qui lui parut une éternité, il ne bougea pas, n’osant même pas respiré. Suspendu à ses lèvres de toute son âme, il priait cette jeune femme de ne pas le renvoyé dans son monde de flamme. Il le savait, si elle l’attaquait, jamais plus un soupçon de confiance ne pourrait naitre en lui. Et plus rien ne le ramènerais à ces joies simples qu’il avait gouté au coté de la belle Elryann. Il enragerait intérieurement devant une telle soumission, si ladite soumission n’avait pas été choisie. Mais il s’était de lui-même confier à cette délicate fleur de rêve, et il ne pourrait s’en prendre qu’à lui si la souffrance le détruisait.

Il n’avait aucun idée de ce qu’il se passait derrière cette barrière de buissons humanoïde, mais son instinct lui dictait d’attendre la réaction de l’humaine. Ils se regardaient l’un et l’autre dans les yeux, aussi désemparé que s’ils s’étaient retrouvé devant un cada…Euh, enfin, que s’ils étaient face à une situation sortant de l’ordinaire pour l’un comme pour l‘autre. Elle était hésitante et paraissait choquée, elle baissa finalement son arme et lui adressa quelques mots.

« C'est mal, ce que tu as fait. Laisse-nous soigner cet homme… » Sa voix tremblait, elle avait l’air de vouloir s’enfuir à toutes jambes, loin du corps, loin du spectacle, loin de lui…

Et sans comprendre ce qui lui arrivait, le semi-elfe éprouva une sorte de dégout profond envers lui-même. Il se sentait coupable de quelque chose sans qu’il puisse dire exactement de quoi, il voulait se repentir sans vraiment comprendre le mal qu’il avait pu faire, et son incompréhension absolue le fit trembler comme un enfant. C’était comme se retrouver face au conseil des Shamans parce qu’on a trahis le Clan. Oui, c’est exactement le sentiment qu’il avait, et rien au monde ne lui permettait de savoir la conduite à adopté.
Il fit un pas en avant, les yeux dans le vide, l’aire vaporeux et tout aussi instable que d’habitude.

« Je voulais…Aider…Te sauver… » Une larme perla à ses yeux, sa tête le brulait, l’odeur de chair brulée, le gout du sang, le cadavre, le combat, la menace de la Seles, il ne sentait plus bien du tout au milieu de son œuvre. Il tomba par terre comme s’il venait de s’évanouir, mais il se releva aussitôt, et sa démarche chaotique rendait la scène aussi terrifiante que pitoyable.

« J’ai laissé vivre…un ennemie…Et l’ennemie…Joue son rôle. »

Il tomba à genou devant l’un des arbres vivant.

« Et moi, je n’ai pas de rôle ici. Je voulais jouer, Elryann. Je voulais…Je te voulais. Pour moi seul. »

Et à ces mots, il roula sur le coté pour esquiver les créatures tout en canalisant un pyromana. Il réagit si brusquement que les plantes vertes eurent un temps de retard, sa haine était sans bornes. Cet elfe lui avait volé sa compagne. Dans la maison, elle lui avait jeté un sort, elle chantait surement dans la tête de sa belle. Sinon, pourquoi ce serait-elle évanouis ? C’était elle l’ennemie, depuis le début. Elle devait mourir pour qu’il retrouve sa seule amie. Il cria presque en suppliant, d’une voix aussi vive que l’est sa fougue :

« N’écoute pas cette fille, les Seles sont des traitres. Je l’ai sauvé, voie comme elle me remercie. »

Puis s’adressant à Silviel « Si tu m’empêches de partir avec elle, je te tue. Je le jure sur le pacte, tu bruleras vive. »

Il se tenait sur les genoux, passant à peine à coté d’un des sbires de la mangeuse de salade. Aucun doutes qu’ils lui tomberaient dessus et qu’on le hacherait menu dans la minute si Elryann n’intervenait pas. Il le savait et s’en fichait, il la voulait, elle. S’il arrivait à les prendre de vitesse, il pourrait emmener sa compagne et fuir loin, très loin. Il tuerait la Seles plus tard, ce qui importait était Elryann. Il voulait la retrouver comme il l’aimait, quand ils étaient seuls. Il voulait la prendre dans ses bras et la garde près de lui pour toujours. Ce sentiment de rejet qu’il avait eu tout à l’heure le renvoyait trop à sa condition d’exclus du monde pour qu’il puisse l’accepter. Tant pis si elle se débattait, il emmènerait sa belle de force et lui ferait entendre raison.

Frisant la syncope à la vue des tentacules végétaux qui s’étaient institués gardes du corps, Elryann lança un coup d’œil circulaire autour d’elle, à la recherche d’une vision calme. Sa rétine intercepta l’image fraîche, immobile, d’un muret couvert de mousse à l’écart de cette scène troublée. Usant de la même manœuvre qui l’aidait à lutter contre une migraine tenace, elle fixa ce point épargné et calme pendant quelques secondes, se fermant au reste, à tout ce qui n’était pas le rempart de son corps, hermétiquement clôt. Figée, le visage presque sévère, elle contemplait la pierre comme s’il se fût agit d’un passionnant ballet – elle attendait une délivrance qui ne tarda pas à se manifester. Un bourdonnement apaisant enfla dans le fondement de son crâne, et s’étendit le long de ses membres tendus. En une poignée de secondes, elle s’était extraite d’un présent aux aboutissants chaotiques pour retrouver sa profitable sérénité. Elle battit des cils et pivota après ces 5 secondes d’absence.
Ses traits étaient empreints d'une inhabituelle dureté, d'une étrange et froide autorité qui lui conférait une aura d'intouchable statue. Elle couvrit les deux semi-elfes aux couteaux tirés d'un regard polaire, les dents serrées, s'attardant sur les deux saprobiontes protecteurs. Elle n'était pas accoutumée à ces attitudes impérieuses, du moins pas dotées d'un tel sérieux, mais une telle transition était nécessaire pour qu'elle conserve toute sa tête.
Un sourire vint poindre aux coins de ses lèvres, éclairant son faciès orageux d'une note de malice. Elle respira un bon coup, avec une lenteur exagérée, qui, dans un autre contexte, aurait semblé presque comique; et, d'un pas, se placa entre les deux belligérants, ses paumes respectivement levées en direction de Silviel et de Yarkol. Veillant à ne pas perdre son étincelle de courage, et à ne pas regarder les deux cadavres (Raenor était-il toujours en vie ? Pourquoi était-il marqué d'un sceau de guilde qui n'existait pas ? Un groupe de mercenaires fantaisistes ? Pourquoi l'avait-on enlevée ? Ejö avait-il entendu parler de Yarkol ? Ce dernier allait-il la tuer, et la Seles' avec ? D'ailleurs, celle-ci était-elle aussi inoffensive qu'il y paraissait ? Ne venait-elle pas d'invoquer deux créatures aussi végétales que menaçantes ?) martyrisés. Ce n'était pas la première fois qu'elle se trouvait dans un inextricable pétrin; à trop parler aux individus louches, à trop fréquenter les tavernes où pullulaient receleurs et proxénètes, elle s'était plus d'une fois retrouvée coincée entre des ennemis frénétiques. Mais jamais elle n'avait été prise entre les feux d'une magicienne chantresse et d'un fou furieux Gruul. Les morts qui l'avaient choisie pour témoin avaient toutes été sommaires, dissimulées dans une ombre sordide mais mystérieuse. Jamais elle n'avait été confrontée à une telle barbarie, une violence aussi carnassière. Une drôle de chaleur naquit dans les profondeurs plutôt tièdes de son bassin; phénomène qu'elle réprima avec un grincement d'exaspération mâtiné d'inquiétude : n'était-ce pas un tantinet déplacé ?

* Le tantinet est superflu, ma chère. *

Il était temps d'intervenir. La présence rôdait dans les tréfonds du lac, et c'aurait été folie que de présumer de l'innocence d'un pareil être. Elle n'avait que trop présumé de la candeur de dangereux électrons libres. Yarkol venait de déclarer la guerre à Silviel, et accessoirement son attachement à l'endroit de la Sans-guilde. Elle ne pouvait pas laisser mourir l'amatrice d'infusions de racines. Mais elle ne pouvait pas non plus abandonner Yarkol ainsi; elle n'avait pas le temps de se demander pour quelle raison, comme si une partie d'elle-même était encore convaincue que ces meurtres ne relevaient que d'un simple...malentendu. Il fallait clarifier immédiatement la situation, faire comprendre à Yarkol qu'elle n'était pas sous la coupe de Silviel, et faire comprendre à cette dernière que Yarkol n'était pas dangereux.

* Euh, pardon ? *

...faire comprendre à cette dernière qu'il allait se tenir tranquille, et le lui prouver.

- Personne ne brûlera, ni ne mordra, ne griffera, et ne rapportera à sa mère. Je voudrais que vous vous comportiez, jusqu'aux séparations, comme un clan, une petite horde. L'idée est que nous restions en vie, et j'y tiens. Silviel m'a aidée à sortir de la maison, et n'a jamais cherché à m'y retenir - c'est la banshee, l'ennemie en question. Merci, Yarkol, de veiller sur moi. Sachez cependant que vous n'avez rien à reprocher à Silviel, et qu'il serait pertinent de lui démontrer que vous avez abandonné vos griefs contre elle...Faites-moi confiance. Rangez vos armes.

A la grande fierté d'Elryann, Yarkol eut un air perplexe, presque boudeur, et rengaina ses armes. Bien, à présent il fallait le convaincre tout à fait.

- Silviel, je vous prie, faites reculer ces saprobiontes.

La Seles' obtempéra, et Elryann crut bon d'ajouter quelques précisions, à toutes fins utiles.

- Je suis tombée parce que j'ai usé d'un pouvoir trop puissant pour moi, ce qui m'amène à un autre problème qui, j'espère, marquera le début d'une coopération fructueuse (elle eut un sourire sardonique en lançant ces mots) : dans le lac, il y a une créature, et elle se dirige droit vers nous - vous l'avez peut-être senti ? Préparons-nous.
Elle sourit à ses deux compagnons, osant à peine croire en cette miraculeuse accalmie. Lorsqu'elle avait justifié sa chute, Yarkol avait écarquillé les yeux comme Bambi découvrant la vérité sur la réincarnation, et, à la mention de la créature aquatique, s'était détourné de la Seles' pour marcher vers le lac. Elle adressa un regard à Silviel, qui signifiait, à peu de choses près : "j'ai fait ce que j'ai pu...". Quand à Raenor, elle s'en occuperait dès que la menace du lac serait réglée, et les deux elfes amis. Ou presque.

[HRP] Ce post se situe chronologiquement dans la continuité de mon background, il est donc plus ou moins nécessaire de lire le dernier paragraphe de la story complète pour suivre. Cette quête est donc irrévocablement ma première dans la chronologie.[/HRP]

J’étais content. Enfin…Je crois. C’est ça, non, être content, lorsqu’on se sent bien et qu’on a pas envie que ça change ? Si oui, alors dans ce cas, j’étais content.
Je n’avais aucune raison de ne pas l’être, et un gentil monsieur m’avait donné des petits gâteaux secs très bons, alors que je venais de me faire bousculer.
*Tiens, je vais manger le dernier. Ah ! Mais si je le mange, je n’en aurai plus après, et après être heureux, je ne le serais plus sans pouvoir l’être de nouveau !*
Je me trouvai ainsi face à un dilemme affreux ! Devais-je profiter encore du doux sentiment procuré par le fait que je sache qu’un dernier biscuit m’attend, ou devrais-je plutôt savourer totalement la plénitude du biscuit croquant puis fondant dans la bouche, tandis que le parfum du gâteau s’évanouirait à jamais dans mes souvenirs ?...
Mes pas s’arrêtèrent soudain en même temps que mon errance aléatoire, lorsque je compris le choix terrible et décisif qui s’offrait à moi – qui s’imposait à moi ! Je me pris la tête entre les mains, et je me blottis conter un mur écaillé sous le regard étonné, voire méprisant, des passants, en grelottant de frayeur devant la machination odieusement ourdie par le destin contre moi.                              
Lorsque soudain, j’eus un flash.
*Je sais ! De toute façon, si je décide à chaque fois de le manger plus tard, je ne le mangerais jamais, et je ne pourrai pas en profiter. Je vais donc le manger maintenant, puis…J’en chercherai d’autres !**
Avec le sentiment d’avoir brusquement pris la plus grande décision de ma vie, je me relevais, et balayai la rue du regard. Mais comment pourrais-je en obtenir d’autres ?                                        
Voyons, comment avais-je reçu ceux-ci, déjà ?...
Une minute plus tard, les badauds circulant dans cette ruelle commerçante purent déplorer la présence d’un jeune adolescent particulièrement maladroit, qui semblait devoir se faire bousculer par chaque Ravnican marchant à moins de trois mètres de lui.
Mais ça ne marchait pas, personne ne s’approchait de moi avec un air bienveillant, un emballage avenant à la main. Je me résolu donc à trouver un autre moyen, d’autant que je ressentais de plus en plus cruellement l’absence de cette douce saveur qui avait envahi ma bouche lorsque j’avais avalé le dernier biscuit.
*Hmmm… Peut-être qu’il faut reproduire exactement la même situation… Dans ce cas, je dois retourner là où j’étais lorsque le gentil monsieur m’avait donné le paquet de gâteaux !!*
Je n’eus pas de mal à retourner sur les lieux des faits, et alors, je vis avec de grands yeux émerveillés un étalage de merveilles, une vingtaine d’empaquetages identiques à celui que j’avais jeté dans la rue avec un petit pincement au cœur, une minute plus tôt.
Je poussai une porte et vis apparaître devant moi le visage bon enfant de mon bienfaiteur, qui me dit dès qu’il m’aperçut :
-" Tiens ! Te revoilà, toi ? "
-" Oui ! " Répondis-je avec un grand sourire reconnaissant.
Alors, sans la moindre gêne, je m’approchai de l’étal et après m’être décidé pour le plus grand colis, le pris sous le bras. Puis je sortis de la boutique sous le regard perdu du vendeur, qui s’était dirigé vers le comptoir pour recevoir la monnaie.
J’étais déjà sorti lorsque j’entendis un cri paniqué : « Au voleur ! Attrapez-le! » Je me retournai, et vis le marchand furibond qui débouchai en trombe dans la ruelle.
Intrigué, je m’approchai de lui pour lui demander ce qui n’allait pas, mais je n’eus pas le temps de dire quoi que ce soit qu’il m’arracha le paquet des mains. Ce faisant, le fin papier se déchira et les pâtisseries tombèrent par terre.
Étonné par la curieuse réaction du marchand, je réussis cependant cette fois à trouver une solution rapidement, et mon euphorie envolée ne me fit même pas m’effondrer.
*Il m’a empêché de m’en aller avec. Si je les ramasse, il va sans doute les reprendre de nouveau, et je ne les aurais pas. Mais si je ne les prends pas, je ne les aurais pas non plus. Alors, il faut que je les reprenne, mais sans qu’il puisse m’en empêcher. Parfait !*
Je ramassais soudain les biscuits, au moment même où le bonhomme qui me faisait face en tremblant de colère se penchait pour faire de même, et il se cogna le nez contre l’arrière de ma tête. J’ignorai le choc, et me dépêchai de mettre de grosses poignées de gâteaux tandis qu’il se répandait en injures, qui firent d’ailleurs rougir un passant bien habillé qui se hâta de s’éloigner de la scène.
Alors que le vendeur leva la main pour me frapper, je décampai avec une célérité étonnante, et détalai comme un lapin effarouché en slalomant entre les passants et les étals. Je le semai rapidement, mais des hommes en armures avec un poing dessiné dessus me prirent en chasse, et c’est fouetté par une adrénaline bien connue des fuyards que je gravis avec mon précieux colis sous le bras une longue échelle, qui me mena sur un toit d’où je vis un spectacle qui me fit momentanément oublier mes poursuivants.
Des tours effilées se dressaient au loin, rivalisant de majesté avec le soleil couchant qui dardait ses aiguilles aurifères dans les nues s'assombrissant.                                                                                            
Des reflets rougeâtres teintaient le ciel d’une subtile nuance sanguine, tandis que l’éclat dépérissant de l’astre, éclipsant auparavant les flèches audacieuses des quartiers Azorius, permettait peu à peu de distinguer la cité-monde nimbée dans l’aura magique d’un crépuscule Ravnican.
Hébété par cette merveille que mes yeux n’auraient jamais cru voir, j’avançais vers le bord vertigineux de l’immeuble, et eus une vue magnifique sur une gigantesque place au centre de laquelle  trônait deux tours jumelles, défiant les cieux en une hauteur insolente. Si j’étais moins absorbé par ce spectacle, j’aurai senti un certain malaise dans les parages, comme si une créature profondément malsaine était passée par cet endroit. Loin en contrebas, je vis un cratère dans la rue pavée, comme si quelqu’un – quelque chose ? – avait chuté – sauté ? –, et constatai que les alentours portaient les traces d’un affrontement récent. Un nombre impressionnant de soldats marchaient sur ces lieux, en examinant les vestiges du conflit, et tous portaient le même symbole vermeil de poing fermé, frappé sur le métal de leur armure.
Justement, mes poursuivants m’étaient complètement sortis de la tête, et lorsque l’un d’eux m’attrapa le bras, je fus si surpris que la violence de l’intervention du soldat me fit lâcher mon précieux fardeau, qui tomba, tomba, et tomba… dans la besace latérale d’un rock de la légion céleste, en train de décoller.
Sans réfléchir, je sautai immédiatement à sa suite sans tenir compte du « Non ! » catastrophé de mes poursuivants. Le vent siffla à mes oreilles, et j’atterris lourdement dans l’autre sacoche de l’oiseau, dont l’envol pris du coup une tournure un peu incontrôlée.
Au sol, plusieurs bonshommes en armures crièrent en pointant le rapace qui avait renversé les tentures de plusieurs étalages, provoquant les protestations furieuses des marchands.
Je fus immédiatement retourné et secoué dans tous les sens, et ne sus bientôt plus où étaient le haut et le bas. Je m’efforçai de ne pas m’enfoncer dans le bric-à-brac entassé au fond, et de remonter à la surface du panier de bât, qui était aussi haut que moi.
Je me hissai sur le rebord en osier tressé, et aperçu un cavalier en habit de cuir qui tentait vainement de contrôler les embardées que faisait sa monture emplumée.
Il finit par vider les étriers lors d’un soubresaut du rock, et chût sur un drap de coton tendu au-dessus d’un étal de poteries. Les vociférations jaillirent immédiatement, tandis que le rapace prenait eu à peu de l’altitude.
Je parvins enfin à me tracter sur le dos de l’oiseau et roulai dans l’autre panier, provoquant un glissement du harnachement qui orienta brutalement le rock vers un lac proche, lui tirant un cri de protestation.
Frénétiquement, je me mis tout de suite à la recherche de mon dernier biscuit, qui était – j’en suis sûr -  tombé dans cette sacoche. Je finis par le trouver, estropié d’un bon quart, mais il n’était pas encore temps de le pleurer.
Je parvins après moults effort à m’asseoir sur le dos de l’oiseau, et contemplai le biscuit retrouvé lorsqu’une violente bourrasque me déséquilibra.
**Je vais sans doute tomber, là. Ce n’est pas grave, après tout, je suis au-dessus d’un lac. Mais je risque de perdre ce petit gâteau. Autant le manger tout de suite alors.**
La précieuse seconde que je mis à profit pour déguster ma pâtisserie au lieu de tenter de retrouver mon équilibre fut fatale, et le vent siffla à mes oreilles pour la seconde fois en moins d’une minute, alors que ma deuxième chute me conduisait… droit sur un bosquet, à quelques pas de la rive du lac.
**On n’est plus au-dessus du lac ? Pourquoi on n’est plus au-dessus du lac ? C'est méchant, je pourrai me faire mal !**
Un première branche me gifla le visage, un autre me griffa le flanc tandis qu’une troisième m’érafla le flanc. Je reçu un branchage qui amortit ma chute autant qu’il me coupa le souffle, et j’atterris douloureusement sur un sol de mousse et de brindilles, au milieu de six personnes, allongées ou debout, le nez à un centimètre de l’ourlet d’une robe écarlate.
Il leva les yeux, se remit debout et pris une poignée de seconde durant laquelle un silence abasourdi s’installa pour se défaire de son tournis, et pour reprendre ses esprits, sans quitter la femme en rouge des yeux – essentiellement parce qu’un repère fixe dans le décor  m’était indispensable.
Alors, je me plantai devant elle  en souriant de toutes mes dents, et dis d’un air joyeux :
-"Bonjour, madame ! Je m’appelle Ishmæl, vous auriez des biscuits pour moi ?"

Ravnica compte bon nombre d’assassins froids, calculateurs et maitres d’eux en toutes circonstances. Mais Yarkol est exactement l’inverse de ces spécimens, et ses émotions guident tout son être, sa raison ne servant qu’à justifier des actes souvent barbares à l’aide de superstitions alambiquées. En l’occurrence, il n’avait à se justifier devant personne hormis lui-même. Comment exprimer sa frustration ? La coupe était pleine, on lui cherchait encore des problèmes, et ils prenaient la forme d’un crétin aux yeux globuleux. D’ailleurs, ces yeux lui disaient quelque chose. Il avait déjà croisé un poisson plus tôt dans la journée, ces globes vitreux ne lui sortiraient pas si facilement de la tête. Elryann n’avait pas été attaquer, la Seles' le laissait tranquille, qu’on le laisse maintenant réglé ses problème en paix, de la manière qui lui conviendrait.

« Une discussion tout ce qu’il y a de plus calme ? Tu vas en avoir une avec ma dague, face de poulpe ! J’ai fait sauter un dôme et je ferais sauter tout ceux qui viendront me chercher des noises, c’est clair ? Mêlez vous de vos affaires, je n’ai jamais rien demandé à personne. Oui, j’ai croisé des gens là-bas, et non, je ne vous dirais rien sûr eux, sous peine de quoi c’est eux qui me traqueront. J’aurais mieux fait de les brulé vif eux aussi, j’aurais été tranquille de ce coté. »

Il rageait, fulminait, trépignait. Argh, sa précieuse liberté, sa fierté, son amour propre, bafoué et malmené par ces fichus inconnus sortis d’on ne sait où. Ne peut-on plus exploser un bâtiment sans avoir à faire de choix compliqué ? Quand les problèmes survenaient, l’ancien Gruul les réglaient de la manière la plus simple qui soi. Malheureusement ces derniers temps, on menaçait de le laisser tout seul s’il arrachait les tripes des enquiquineurs inopportuns. Le voila contraint de faire la causette pour ne pas se retrouver seul ! Fichtre, il avait déjà épargné deux elfes aujourd’hui, on ne lui tiendrait pas rigueur pour un poiscaille.
Il sortit sa dague et ses yeux brulaient d’une haine vivace, profuse, incandescente. Il entendit un bruit sourd derrière lui, comme quand on balance un cadavre au bord d’une falaise et qu’il fait « scroutch » à la fin, sauf qu’il n’y avait pas le bruit des os brisés.

« J’ai les nerfs, Gros-yeux. Bats-toi, si tu arrive à me distraire et à me défoulé, je te dirais ce que tu veux savoir. Sinon, tu feras les mêmes glouglous que ton pote. »

Et il canalisa un pyromana.

Aussi curieux que cela puisse paraître de sa part, Elryann oublia très vite de comparer le nouvel arrivant au petit frère idéal. Le bambin n'aurait pas fait cette taille indécente, et surtout, il ne l'aurait pas menacée. Un spasme paresseux ondula le long de l'échine de la sans-guilde, au fur et à mesure qu'elle établissait un compte-rendu de la situation.
Yarkol allait sauter sur l'intrus, et commettre ainsi une erreur regrettable. Silviel soignait Raenor, qui, selon le barracuda parlant, faisait partie du même groupuscule que lui. Il fallait donc prier pour qu'elle modère son zèle débordant, car les soins prodigués à l'elfe pouvaient leur coûter cher s'il reprenait des forces. Silviel n'avait pas rappelé à elle ses saprobiontes, mais ceux-ci ne seraient pas de taille face à l'opposant, qui semblait disposer d'un évident soutien. Et cette marque, sur le corps de Raenor et celui de Kyrstos, se trouvait-elle également apposée sur leur nouvel ennemi ? Probablement. Mais seules les guildes disposaient de telles marques...S'agissait-il d'un sceau puissant réunissant par contrat plusieurs personnes unies par un objectif commun ?
L'enfant nommé Ishmaël (quel ravissant prénom, tiens) était en sécurité avec la Seles', du moins il fallait compter là-dessus pour ne pas perdre la tête.

La tâche délicate, pour ne pas dire suicidaire, d'empêcher la situation de dégénérer incombait donc, à son grand bonheur, à Elryann. Celle-ci jugea avisé, laissant de côté une certaine crânerie qui l'aurait desservie, de ne pas mentionner sa vision du lien qui unissait les trois protagonistes louches - dont le cadavre privé de dents.
Mais le garçon n'avait pas achevé sa diatribe. Il n'était pas en colère, cependant Elryann aurait donné n'importe quoi pour qu'il le soit : elle aurait alors eu l'impression d'affronter un humain, une créature avec laquelle il lui serait possible de communiquer des émotions. Ejö avait ce même style d'intonations lorsqu'il se savait maître de la situation.
La jeune sans-guilde s'apprêtait à prendre la parole lorsque Yarkol la devança, dans une réplique va-t-en-guerre à souhait - et particulièrement malvenue - qui lui arracha un gémissement consterné. Celui-ci se mua en un hoquet de surprise.

Le gibier de potence !

Son Gruul favori venait d'être plaqué, désarmé et maîtrisé par une imposante masse aqueuse, apparemment contrôlée par le jeune homme qui s'improvisait conteur et moraliste. Au lieu de réprimer un soupir d'agacement, de moucher le gamin ou encore de s'inquiéter pour Yarkol, Elryann se concentra sur ces paroles. Les choses devenaient plus claires. Quelque part, elle avait eu raison : le semi-elfe sauvageon n'avait pas, à lui tout seul, fait exploser le Dôme. Et sa rencontre avec une hémomancienne avait sans doute été plus décisive qu'il n'avait voulu l'admettre, puisqu'il avait été manipulé...Persuadé d'avoir dominé les circonstances, bien des choses avaient dû lui échapper. Mais quoi ? Elryann n'avait aucun moyen de reconstituer la trame de ce scénario alambiqué, mais une chose était sûre : il fallait livrer ces informations et déductions pour sauver la mise de l'intéressé. Et faire montre de bonne volonté. Sa gorge se contracta douloureusement. Yarkol allait se noyer.
Elle fit un pas en avant, les mains écartées du corps pour signifier la paix, et offrit au jeune garçon un sourire presque naturel.

- Je m'appelle Elryann, au cas où vous souhaiteriez prendre un verre avec moi le jour où je porterai du bleu. Soyons clairs, nous ne cherchons pas querelle, vous pouvez constater que mes compagnons et moi sommes empêtrés dans une affaire qui nous dépasse et ne nous concerne pas. Votre compère qui gît ici n'a reçu que le revers de l'enlèvement qu'il a voulu commettre et dont j'ai été la victime. La Seles' et le garçon sont totalement étrangers à tout cela. Yarkol est incapable d'anticiper ou de calculer quoi que ce soit, et l'explosion du Dôme de pyrotechnie, si j'ai bien compris, est l'oeuvre d'une hémomancienne, accompagnée par un homme également magicien, qui ont requis les services de celui-ci - sans doute par la ruse. Bien qu'il s'en vante, cette catastrophe n'est pas de son fait, et nous serions ravis de vous laisser vous occuper de ces malfaiteurs. Je vous en dirai volontiers plus mais je crois qu'il s'étouffe, alors pour l'amour du ciel, laissez-le respirer !

La voix d'Elryann avait très légèrement déraillé dans les aigus sur la fin de son discours, au débit rapide, mais elle espérait que le message était passé. Elle se força à ne pas quitter le garçon-barracuda des yeux, sans s'accorder le temps de vérifier l'état de santé de l'ex-Gruul - cette donnée étant directement tributaire de sa persuasion. Le blondinet reprit la parole.

"Nous avons constaté depuis longtemps que ces évènements vous dépassaient de loin. Quel dommage que votre ami n'ait pas eu le bon sens de le reconnaître."

Il se tourna vers Yarkol, et le regarda se débattre quelques instants, par pur plaisir, avant de faire éclater la bulle d'une inclinaison de la tête. Yarkol tomba lourdement à terre, un peu étourdi par le manque d'oxygène, mais en pleine forme. Toutefois, ce petit tour semblait avoir "douché" sa soif de sang : il était de nouveau parfaitement calme alors que son tortionnaire s'adressait à lui.

"Tu vois, ce n'est pas plus compliqué que ça de punir les méchants. Quelque chose à rajouter ?"

Elryann se mordilla la lèvre inférieure, et se retourna vers Silviel pour évaluer la situation. Le gamin réclamait visiblement des biscuits. Elle n'avait pas le temps de le consoler, mais elle lança machinalement à ses pieds la dizaine de biscuits en forme de bonshommes souriants rescapés de la fringale de Yarkol, soigneusement enveloppés dans un petit sac en papier.

Je crois que je ne comprenais pas grand-chose. Je suis tombé quelque part, mais je m'en fiche de ça. Je savais juste que j'avais plus de biscuits. Alors j'en ai demandé.
**Mais j'ai demandé des biscuits à la femme en rouge, et c'est celle en vert qui m'en a donné.** Quelque chose de profondément illogique me troublait. Pourquoi la petite femme ne m'a-t-elle pas répondu ? Pourquoi donc une autre femme m'a-t-elle tiré ailleurs avant de me donner des biscuits que je ne lui avais même pas demandé ?
**C'est pas grave. C'est bon, les biscuits.**
J'ai croqué machinalement dans un biscuit. Il avait un autre goût que ceux d'avant, mais il était bons.
J'ai regardé autour de moi, rattrapé par la curieuse réaction, ou plutôt par le curieux manque de réaction de celle à qui j'avais pourtant adressé la parole en premier.
**Tiens, il y en avait d'autres ! Il n'y avait pas que les deux femmes !**
En effet, il y avait un petit garçon aux cheveux aussi bouclé que trempés, qui faisait environ ma taille qui avait dis quelque chose. Un autre homme avait dit quelque chose, et avait été aussitôt projeté en arrière par... de l'eau ?
Est-ce qu'il avait été méchant avec l'eau ?
**Peut-être l'a-il ignoré alors qu'elle lui demandait des biscuits ?**
C'est vrai, après tout ça doit avoir très très faim de l'eau, et ça doit manger beaucoup beaucoup.
Ensuite, le petit garçon a commencé à raconter une histoire. J'en ai même oublié de croquer dans mon biscuit.
Il avait parlé de terroristes qui voulaient faire porter un chapeau à un homme de paille - un épouvantail ? - et ensuite le bonhomme en paille s'en est vanté autour de lui. Après, il a dit que les faiseurs de chapeau devaient plus être nis, et donc que l'épouvantail devait aller aider les puits nisseurs de mes chants.
J'ai pas compris ce qu'étaient des nisseurs, ni pourquoi il parlait de mes chants alors que je chantais pas, mais j'avais jamais rien entendu de pareil.
Mais il s'est arrêté, et alors, je me suis demandé pourquoi il commençait son histoire sans qu'on puisse comprendre la fin. Mais j'ai compris que j'avais adoré l'écouter raconter son histoire.
La femme en rouge avait alors beaucoup parlé, très vite, et j'ai juste compris qu'elle avait invité le garçon à boire un ver avec elle  **Je savais pas que ça se buvait...**, qu'elle ne cherchait pas querelle mais quelqu'un d'autre, et que le monsieur qui se disputait avec l'eau était en train de s'étoffer.
Ah oui! Elle avait aussi dit que le monsieur qui se faisait gronder par l'eau n'était pas au faîte de la catastrophe.
**Moi non plus d'ailleurs, je ne suis pas au fait de la catastrophe.
... Eh ! Mais c'est drôle, ça ! Au faîte et au fait ça se dit pareil mais ça veut dire autre chose ! C'est bizarre, quand même !**
[edit]A ce moment-là, la femme en rouge jeta d'un air résigné un sac en papier duquel s'échappèrent quelques biscuit lorsqu'il toucha terre.
**Mais...! Je pensais que ...!**
Quelque chose m'échappait dans tout ça...[/edit]
Je m'apprêtai à m'ouvrir à la femme en vert de tout ce que je voulais lui dire, qu'est-ce que l'homme qui se baignait avait fait à l'eau pour qu'elle le dispute, pourquoi le garçon avait pas fini son histoire, et pourquoi la femme en rouge, au lieu de lui répondre, à parlé beaucoup de chose qui voulaient pas beaucoup trop rien dire, mais aussi et surtout cette merveilleuse découverte, deux mots pareils mais pas les même, similaires mais pas identiques, qui faisait beaucoup rire parce qu'il ne voulaient pas dire la même chose...
Il y avait tout ça à dire, et beaucoup d'autres encore, mais lorsque maintenant, je me tourne vers elle, je me rends compte qu'il y a encore quelqu'un.
Juste à coté de moi. Par terre, à coté de moi. J'arrive pas à voir à quoi il ressemble, sa peau est toute rose, noire par endroit, blanche à d'autre. Il ne bougeait plus.
Quelque chose veut se frayer un passage à travers mes pensées.
Une herbe rougie par la folie des hommes...
Je vois plus très bien. J'ai l'impression qu'il y a de l'eau devant mes yeux.
Des nuages nimbant les plaines de la couleur sanguine du crépuscule...
Je sens une goutte salée sur mes lèvres, mais il ne pleut pas. Je passe une main sur mon visage. Machinalement.
Je ne suis pas tout seul, mais personne n'est vraiment là...
J'ai mal à l'intérieur de mon crâne. J'ai l'impression qu'il est remplie d'eau et qu'il y en a de plus en plus... comme des boules bleues dans ma tête... avec, à l'intérieur de chacune d'elle, des petites bestioles qui grattent, qui griffent, fouillent et mordent pour sortir à l'air libre. C'est comme si...
Des corps par centaines...une culpabilité que l'on interdit à mon esprit de ressentir...
Comme si j'avais des prisons magiques dans ma tête, des prisons toutes bleues qui renferment des choses qui veulent s'évader...
Un flash m'éblouit à travers le voile d'humidité saline devant mes yeux.
C'est le soir. Nous sortons tous en file indienne sous un ciel que le soleil abandonne déjà.
Tous entre sept et dix ans. Je ne me souviens plus de mon âge.
Je retire mes main. Elle est mouillée. J'ai l'impression de nager dans un rêve. "Un rêve"... Ce mot m'est venu tout seul. Je ne le connais pas, ne l'ai jamais entendu. Je crois...
Son sens s'est imposé à mon esprit, jaillissant hors de ces sphères bleues qui tourbillonnent sous mon crâne... Et tourbillonnent...
Méthodiquement, nous frappons, tuons, mourrons... Certains voient sous l'effet de la bataille d'anciens pouvoirs héréditaires se révéler à eux... Tous, nous aurions été promis à un grand avenir... Chef de clans, héritier d'une illustre lignée, beaucoup ont le combat dans le sang, certains ont de la magie dans les veines, quelques uns sont des êtres uniques, derniers représentant d'un ancienne espèce, ou expériments morbides des recherches du Cartel... Quelques uns se démarquent, et s'allient inconsciemment pour retarder leur échéance...Tous, nous sommes promis à l'inéluctable... Sauf un seul.
J'ai mal... Je baisse les yeux vers le corps calciné à mes pieds, et un nouveau flash m'envahit.
Je ne peux plus faire un pas sans trébucher sur un cadavre... Le dernier enfant, une fille, court en boitant dans ma direction. La fillette a le poignet nimbé de trois sphères ignescentes qui voltigent, et voltigent... Je me baisse souplement et attrape son poignet...
[edit]Je prend un biscuit dans le sac, par terre. J'en croque un morceau. Machinalement.[/edit]
Je regarde ce corps à mes pieds, mais c'en est un autre, plus petit, que je vois.
Le visage méconnaissable, et les tatouages à peine identifiables sur la peau brûlée... Elle serait sans doute devenue la plus puissante chamane du clan Ghor...
Je tombe à genoux. Je tombe à genoux.
Je regarde par terre. Des miettes, tombées de la poche de la fillette. Je la fouille, sans réfléchir, croyant trouver un silex ramassé par terre ou un crochet rafistolé, un arme de fortune comme toutes celles que j'ai trouvées en fouillant les cadavres de mes adversaires durant toute la semaine passée...J'en ressort un biscuit.
Je regarde à travers mes larmes le petit gâteau qui m'a été offert. Je le pose par terre.
Je gémit.
-"Des biscuits..."

Un mana vert n'avait pas été suffisant : il lui avait fallu canaliser et consommer un second. Avec tous ses traumatismes et le sang qu'il avait perdu, il lui aurait fallu une heure de soins intensifs au moins pour le remettre en pleine santé ; ce n'était guère le moment. Il faudrait qu'il aille voir un guérisseur ou un médecin plus tard ; son ami pourrait sans doute l'aider. En attendant, son état était stabilisé, et sa vie n'était plus en danger. Cela suffirait.

***Le fait qu'il n'ait pas été inconscient ne devrait pas poser trop de problèmes : il a à peine la force de se relever, et parler lui restera douloureux.***

Elle émergea de sa transe juste à temps pour l'entendre parler, et en profita pour ponctuer avec un doux mais ferme "Restez tranquille" avant d'évaluer rapidement la sitation. Visiblement, l'enthousiasme de Yarkol avait été... douché. Elryann semblait très nerveuse, la nouvelle menace toujours aussi froide, avec un petit air de satisfaction.

***Oh oui, par pitié, que cette absurde situation soit enfin résolue.***

Avant qu'elle n'ait pu tenter de déterminer plus avant ce qui venait de se passer, son hypersensibilité tira une sonnette d'alarme, et elle se tourna instinctivement vers le petit. L'onde de malaise profond qu'elle avait perçue ne l'avait pas trompé : Ishmaël pleurait doucement, les yeux perdus dans le vide en direction du biscuit. Une bouffée de panique la submergea, et en un éclair, elle se pencha sur lui pour vérifier si il n'était pas blessé. Rien d'apparent. Sa détresse, si étonnamment forte, était uniquement psychique, et faisait résonner un écho profond dans l'esprit de la jeune femme. Avec une énorme bouffée de compassion dépassant de loin ses réticences tactiles, elle prit l'enfant dans ses bras, le serrant contre elle. En caressant doucement ses cheveux, elle chuchota :

"Que se passe-t-il, Ishmaël ? Qu'est-ce qui ne va pas ?"

Yarkol titubait. Bien qu’il ait repris son souffle, un tas de chose embrouillaient sa tête. Tout d’abord, il regrettait amèrement de découvrir en même temps que tout le monde qu’il n’avait pas fait tout seul le joli feu d’artifice. Ensuite, et c’est le pire, il se sentait à la fois humilié et refroidis, ce qui eut pour effet de provoquer la seule prise de conscience véritable dont il était capable. Il plissa les yeux, son rythme cardiaque ralentit et ses cheveux semblaient plus clair que d’habitude, les reflets bleu étant encore plus visible maintenant…ou peut-être étais-ce à cause de la douche forcée qu’il venait de prendre ? Toujours est-il que son petit cerveau se mit en marche et qu’il sombra pendant plus de trois minutes dans une sorte de méditation douteuse. Il rouvrit les yeux normalement ensuite, et sa voix, aussi incroyable que cela puisse paraître, fut calme et contrôlée, presque froide.

« Mon amie vous à tout dit. Je sais quelles forces peuvent être misent en œuvre pour faire parler les langues trop brave, et ce châtiment m’a laisser suffisamment de marque pour que je puisse me permettre de réitéré l’expérience. C’est pourquoi j’ajouterais les détails qui vous intéressent sans faire d’histoire. »

Il se tut quelques secondes, toisant du regard l’homme poisson. Il attendit juste assez pour que son silence devienne lourd, et reprit en s’adressant à l’être qui l’avait humilié.

« Je dois le chuchoté afin de protéger mon amie des détails qui pourraient la faire tuer. C’est pourquoi je ne le dirais qu’à l’elfe, je ne m’approcherais pas de toi, tu sens mauvais. »

Il se dirigea ensuite vers Raenor. Avec un sourire en coin, un sourire forcé et triste, il chuchota à l’oreille de l’elfe :

« La fille qui joue avec le sang est étrange. Elle tousse beaucoup, utilise des manas verts, et sent le mana noire. Elle a une voix très rauque et tout comme son comparse, elle m’a l’air d’une Simic. Lui, il est grand, chauve, manie les hydromanas et est équipé d’un poignard skean dhu ainsi que d ‘ une longue flamberge qu’il dissimule sous sa cape. Ils sont frère et sœur mais ont une relation étrange, comme un couple. C’est tout ce que je sais. Maintenant ne bouge pas, fait comme si je continuais de donner des détails et écoute attentivement. Je ne t’ai pas tué, mais j’ai pris la vie de ton compagnon. C’est parce qu’il est mort et que j’ai épargné la Seles’ que tu respire encore. Remercie Elryann avant de partir, car vous êtes plusieurs à lui devoir la vie. Enfin, sache ceci : vous venez de m’humilié et de me faire dérogé à tout mes principes, vous avez marché sur ma liberté, craché sur mon honneur, et par la même insulté toutes mes valeurs. Je ne vous oublierais jamais. Aujourd’hui, j’ai quelque chose à perdre. Si un jour il lui arrive malheur, plus rien ne pourra m’arrêter. Ce jour là, je te tuerais comme tu le mérite, je te ferais souffrir, je ferais souffrir tes amis, et j’effacerais vos existences. Il ne restera rien de toi, tu seras anonyme, un fantôme aurait laissé plus de trace que ton histoire toute entière, et tu disparaîtras sans nom. Alors seulement tu en seras réduit au même sentiment d’impuissance qui est le mien, ce sentiment d’être si seul et si insignifiant que la vie en devient absurde. Pense à moi, crains-moi, car c’est comme ça que j’existe. Je t’ai laissé quelques cicatrices, je te fais confiance pour qu’on se revoit quand j’aurais hurlé mon nom si fort que le désert le répétera en échos jusqu’à la fin du monde. »

Et sans sourciller, il s’écarta prudemment de son interlocuteur afin de rejoindre Elryann. Une fois à ses coté, il reprit la voix qu’on lui connaissait, vibrante, pleine de vie et de passion, saupoudré d’un grain de folie ou de naïveté.

« Eh bien voila, vous savez tout ! Maintenant nous allons tous partir chacun de notre coté et ne plus nous revoir. Ce n’était pas très drôle, vous m’avez beaucoup ennuyé, alors adieu ! »

Et il se retourna vers sa compagne, l’air aussi inoffensif qu’un gamin crédule.

« En plus avec tout ça, j’ai encore faim. Il reste des biscuits ? »

Son regard se posa sur l'enfant qui pleurnichait. Il venait de le remarquer pour la première fois et s'étonna:

"C'est qui lui? D'où il vient? Vu sa tête, on dirait qu'il est tombé du ciel..."

Grincheuse, Elryann observa l'échange de menaces viriles entre le broyeur de clémentines et l'encapuchonné endivesque à qui elle n'avait même pas eu le loisir de répondre. Belle paire de végétaux, tiens. Et ça allait probablement dégénérer vers la fameuse étreinte des guerriers liés par le sang et la haine, torse en sueur contre torse scarifié, les cheveux emmêlés, les muscles encore bandés et les yeux brillants du déchaînement de violence qui avait défoulé leurs âmes impétueuses.
Ouais, ça commençait par une bagarre, et ça se réglait au plumard.
Par le biais du combat, en arborant mines furieuses et poings tendus, ils dissimulaient leurs inclinations sous des borborygmes barbus. Et se jetaient l'un sur l'autre, comme d'hab'.

* Si seulement je pouvais être au milieu.*

Sur ces songes cyniques, elle détourna les yeux et scruta le garçonnet qui, auprès de Silviel, changeait d'expression comme de chaussettes - encore que, au vu de sa tenue, la comparaison était fort mal choisie.

* Donc comme Rahinov de foie.*

Réprimant un ricanement qui eût pu passer pour inquiétant avec quelques centimètres supplémentaires -

* Comme celle de Raenor *

- Elryann s'aperçut que tous les regards étaient rivés sur le môme, qui n'en menait pas large, son poing bien serré sur le biscuit décapité. Il était...mignon. Il y avait peu de place pour les choses attendrissantes dans la vie d'Elryann, alors même qu'elle se sentait souvent maternante. L'espace d'un instant, elle fut triste, et se demanda que faire de toute la tendresse qu'elle emmagasinait. Cela n'intéressait personne.
Et cet enfant avait sans doute une famille, une mère, une soeur, et n'avait pas besoin d'elle. En fait, personne n'avait besoin d'elle. Sentant la mélancolie l'envahir, elle se remonta intérieurement les bretelles et adressa un léger signe de tête, fataliste, à Raénor, comme pour lui dire "Si j'devais en vouloir à toutes les personnes qui ont voulu me séquestrer dans une maison hantée...".
Puis, elle s'accroupit devant Ishmaël.

- Personne ne va te blesser. Dis-nous où tu seras en sécurité et nous t'y escorterons, avec quelques pièces pour la frousse. Garde les gâteaux, et ne lâche pas Silviel.

Après avoir glissé cinq sous dans la paume de l'intéressé vorace, elle échangea un regard avec la Seles'. Se demandaient-elles toutes les deux si cet enfant avait une mère ? S'il savait ce qu'était le meurtre, la dépression, l'amertume ? S'il allait finir épave parmi d'autres au coeur grouillant de la Cité-Monde ?

Elryann sentit sa tête s'alourdir.


==> Prochain post : Sylviel. <==

Silviel rendit un regard désespéré à Elryann. Tout ceci faisait beaucoup trop d'enfants anormaux d'un coup. Silencieusement, ses lèvres articulèrent "que va-t-on bien pouvoir faire de lui ?"

D'un geste, elle fit mine de congédier ses serviteurs verdoyants, puis se ravisa. Des fois que le prochain cheveu sur la soupe soit un Rakdos et pas un gamin effaré. Sans parler de la dangerosité moyenne des individus présents. D'une voix fatiguée, elle lança à Raenor :

"Allez voir un guérisseur Simic."

L'air de rien, elle canalisa un mana blanc - prudence est mère de longue vie - tout en observant alternativement le poisson, la salamandre et l'araignée.
Elle ne savait pas quoi faire. Ni pour Ishmaël, ni pour Elryann, ni pour personne d'autre. Elle aurait voulu avorter les conflits et faire pousser des champs de primevères. Elle aurait aimé ne voir aucun visage se tordre de haine. Et que nul ne soit triste. Quand il avait fallu se défendre, elle avait su - et maintenant, lorsque le plus dur peut-être restait à faire... Elle eut une brusque nausée.

"Fuyez, les ombres."

Elle le murmura presque pour elle-même. Son mana blanc se mit à rayonner de plus en plus fort ; elle tenait sa main en hauteur, près de la déchirure rougeâtre qui révélait sa chair. Elle posa sa main libre sur la tête d'Ishmaël et se releva. Elle faisait face au garçonnet décoloré.

"Retournez d'où vous venez, roulez-vous en eaux profondes. Retournez vous faufiler entre les pierres, avec les vers. Grattez votre vase noirâtre... Il ne fait pas encore assez froid pour vous ici."

Elle avait serré le poing, et les rais s'échappaient de toute part de sa main dont on voyait la structure interne. Elle se tourna vers son patient.

"Ne vous a-t-on jamais dit que les visages disparaissent dans l'obscurité ?" siffla-t-elle.

Ses saprobiontes se pressèrent contre son dos. L'odeur de l'if la réconforta. Son photomana redevint progressivement normal, et ses traits se détendirent brusquement, ses yeux perdirent leur éclat de fièvre. Elle baissa un instant les paupières. Elle tremblait légèrement lorsqu'elle effleura d'un geste lent la manche d'Elryann, paraissant prête à parler, mais se tut.

Après un moment d'incertitude, elle ajouta, bas :

"J'en ai assez des ombres."

Sinon, depuis le début de la quête, Silviel a une robe blanche, Ish. Et c'est au MJ de poster.

Yarkol fixa alternativement Sylviel, Elryann et l'enfant. Pourquoi se parlaient-elle entre elles alors qu'il était devant elles ? Pourquoi voulaient-elles faire quelque chose de lui alors qu'il pouvait très bien faire tout ce qu'il voulait de lui même ? En plus, si ça se trouve, il sait voler.
Il fixa ses yeux gris sur Ishmael. Il vit immédiatement que c'était un enfant sauvage, comme lui. Des vêtements troué, la mine sale, le regard vif, et cette ineffable faim qui émanait de tous ceux qui couraient les rues, cette faim qui se sentait à des kilomètres, qui rampait au travers de vous comme l'ombre d'un terrible serpent aux multiples têtes.

Il oublia presque les deux autres, dans son dos. Il cessa de dévisager le quémandeur de pâtisserie et se retourna. Raenor lui faisait signe de le rejoindre. Le semi elfe attendit patiemment que celui qui manipulait l'eau se soit éloigné avant de rejoindre son ancienne proie. Pourquoi vouloir encore parler ? Est-ce que tout n'avait pas déjà été dit ?

« Je t'écoute. »

Son regard terne et fatigué transmettait toute sa lassitude. Il avait changé du tout au tout. Son impatience et ses mouvement frénétiques avaient laissé place à une attitude nonchalante, posée, comme si en quelques seconde toute une vie d'errance et de mauvaise expérience s'était abattu sur sa pauvre tête.