C'est un affreux malentendu ! (2)

Aussi curieux que cela puisse paraître de sa part, Elryann oublia très vite de comparer le nouvel arrivant au petit frère idéal. Le bambin n'aurait pas fait cette taille indécente, et surtout, il ne l'aurait pas menacée. Un spasme paresseux ondula le long de l'échine de la sans-guilde, au fur et à mesure qu'elle établissait un compte-rendu de la situation.
Yarkol allait sauter sur l'intrus, et commettre ainsi une erreur regrettable. Silviel soignait Raenor, qui, selon le barracuda parlant, faisait partie du même groupuscule que lui. Il fallait donc prier pour qu'elle modère son zèle débordant, car les soins prodigués à l'elfe pouvaient leur coûter cher s'il reprenait des forces. Silviel n'avait pas rappelé à elle ses saprobiontes, mais ceux-ci ne seraient pas de taille face à l'opposant, qui semblait disposer d'un évident soutien. Et cette marque, sur le corps de Raenor et celui de Kyrstos, se trouvait-elle également apposée sur leur nouvel ennemi ? Probablement. Mais seules les guildes disposaient de telles marques...S'agissait-il d'un sceau puissant réunissant par contrat plusieurs personnes unies par un objectif commun ?
L'enfant nommé Ishmaël (quel ravissant prénom, tiens) était en sécurité avec la Seles', du moins il fallait compter là-dessus pour ne pas perdre la tête.

La tâche délicate, pour ne pas dire suicidaire, d'empêcher la situation de dégénérer incombait donc, à son grand bonheur, à Elryann. Celle-ci jugea avisé, laissant de côté une certaine crânerie qui l'aurait desservie, de ne pas mentionner sa vision du lien qui unissait les trois protagonistes louches - dont le cadavre privé de dents.
Mais le garçon n'avait pas achevé sa diatribe. Il n'était pas en colère, cependant Elryann aurait donné n'importe quoi pour qu'il le soit : elle aurait alors eu l'impression d'affronter un humain, une créature avec laquelle il lui serait possible de communiquer des émotions. Ejö avait ce même style d'intonations lorsqu'il se savait maître de la situation.
La jeune sans-guilde s'apprêtait à prendre la parole lorsque Yarkol la devança, dans une réplique va-t-en-guerre à souhait - et particulièrement malvenue - qui lui arracha un gémissement consterné. Celui-ci se mua en un hoquet de surprise.

Le gibier de potence !

Son Gruul favori venait d'être plaqué, désarmé et maîtrisé par une imposante masse aqueuse, apparemment contrôlée par le jeune homme qui s'improvisait conteur et moraliste. Au lieu de réprimer un soupir d'agacement, de moucher le gamin ou encore de s'inquiéter pour Yarkol, Elryann se concentra sur ces paroles. Les choses devenaient plus claires. Quelque part, elle avait eu raison : le semi-elfe sauvageon n'avait pas, à lui tout seul, fait exploser le Dôme. Et sa rencontre avec une hémomancienne avait sans doute été plus décisive qu'il n'avait voulu l'admettre, puisqu'il avait été manipulé...Persuadé d'avoir dominé les circonstances, bien des choses avaient dû lui échapper. Mais quoi ? Elryann n'avait aucun moyen de reconstituer la trame de ce scénario alambiqué, mais une chose était sûre : il fallait livrer ces informations et déductions pour sauver la mise de l'intéressé. Et faire montre de bonne volonté. Sa gorge se contracta douloureusement. Yarkol allait se noyer.
Elle fit un pas en avant, les mains écartées du corps pour signifier la paix, et offrit au jeune garçon un sourire presque naturel.

- Je m'appelle Elryann, au cas où vous souhaiteriez prendre un verre avec moi le jour où je porterai du bleu. Soyons clairs, nous ne cherchons pas querelle, vous pouvez constater que mes compagnons et moi sommes empêtrés dans une affaire qui nous dépasse et ne nous concerne pas. Votre compère qui gît ici n'a reçu que le revers de l'enlèvement qu'il a voulu commettre et dont j'ai été la victime. La Seles' et le garçon sont totalement étrangers à tout cela. Yarkol est incapable d'anticiper ou de calculer quoi que ce soit, et l'explosion du Dôme de pyrotechnie, si j'ai bien compris, est l'oeuvre d'une hémomancienne, accompagnée par un homme également magicien, qui ont requis les services de celui-ci - sans doute par la ruse. Bien qu'il s'en vante, cette catastrophe n'est pas de son fait, et nous serions ravis de vous laisser vous occuper de ces malfaiteurs. Je vous en dirai volontiers plus mais je crois qu'il s'étouffe, alors pour l'amour du ciel, laissez-le respirer !

La voix d'Elryann avait très légèrement déraillé dans les aigus sur la fin de son discours, au débit rapide, mais elle espérait que le message était passé. Elle se força à ne pas quitter le garçon-barracuda des yeux, sans s'accorder le temps de vérifier l'état de santé de l'ex-Gruul - cette donnée étant directement tributaire de sa persuasion. Le blondinet reprit la parole.

"Nous avons constaté depuis longtemps que ces évènements vous dépassaient de loin. Quel dommage que votre ami n'ait pas eu le bon sens de le reconnaître."

Il se tourna vers Yarkol, et le regarda se débattre quelques instants, par pur plaisir, avant de faire éclater la bulle d'une inclinaison de la tête. Yarkol tomba lourdement à terre, un peu étourdi par le manque d'oxygène, mais en pleine forme. Toutefois, ce petit tour semblait avoir "douché" sa soif de sang : il était de nouveau parfaitement calme alors que son tortionnaire s'adressait à lui.

"Tu vois, ce n'est pas plus compliqué que ça de punir les méchants. Quelque chose à rajouter ?"

Elryann se mordilla la lèvre inférieure, et se retourna vers Silviel pour évaluer la situation. Le gamin réclamait visiblement des biscuits. Elle n'avait pas le temps de le consoler, mais elle lança machinalement à ses pieds la dizaine de biscuits en forme de bonshommes souriants rescapés de la fringale de Yarkol, soigneusement enveloppés dans un petit sac en papier.

Je crois que je ne comprenais pas grand-chose. Je suis tombé quelque part, mais je m'en fiche de ça. Je savais juste que j'avais plus de biscuits. Alors j'en ai demandé.
**Mais j'ai demandé des biscuits à la femme en rouge, et c'est celle en vert qui m'en a donné.** Quelque chose de profondément illogique me troublait. Pourquoi la petite femme ne m'a-t-elle pas répondu ? Pourquoi donc une autre femme m'a-t-elle tiré ailleurs avant de me donner des biscuits que je ne lui avais même pas demandé ?
**C'est pas grave. C'est bon, les biscuits.**
J'ai croqué machinalement dans un biscuit. Il avait un autre goût que ceux d'avant, mais il était bons.
J'ai regardé autour de moi, rattrapé par la curieuse réaction, ou plutôt par le curieux manque de réaction de celle à qui j'avais pourtant adressé la parole en premier.
**Tiens, il y en avait d'autres ! Il n'y avait pas que les deux femmes !**
En effet, il y avait un petit garçon aux cheveux aussi bouclé que trempés, qui faisait environ ma taille qui avait dis quelque chose. Un autre homme avait dit quelque chose, et avait été aussitôt projeté en arrière par... de l'eau ?
Est-ce qu'il avait été méchant avec l'eau ?
**Peut-être l'a-il ignoré alors qu'elle lui demandait des biscuits ?**
C'est vrai, après tout ça doit avoir très très faim de l'eau, et ça doit manger beaucoup beaucoup.
Ensuite, le petit garçon a commencé à raconter une histoire. J'en ai même oublié de croquer dans mon biscuit.
Il avait parlé de terroristes qui voulaient faire porter un chapeau à un homme de paille - un épouvantail ? - et ensuite le bonhomme en paille s'en est vanté autour de lui. Après, il a dit que les faiseurs de chapeau devaient plus être nis, et donc que l'épouvantail devait aller aider les puits nisseurs de mes chants.
J'ai pas compris ce qu'étaient des nisseurs, ni pourquoi il parlait de mes chants alors que je chantais pas, mais j'avais jamais rien entendu de pareil.
Mais il s'est arrêté, et alors, je me suis demandé pourquoi il commençait son histoire sans qu'on puisse comprendre la fin. Mais j'ai compris que j'avais adoré l'écouter raconter son histoire.
La femme en rouge avait alors beaucoup parlé, très vite, et j'ai juste compris qu'elle avait invité le garçon à boire un ver avec elle  **Je savais pas que ça se buvait...**, qu'elle ne cherchait pas querelle mais quelqu'un d'autre, et que le monsieur qui se disputait avec l'eau était en train de s'étoffer.
Ah oui! Elle avait aussi dit que le monsieur qui se faisait gronder par l'eau n'était pas au faîte de la catastrophe.
**Moi non plus d'ailleurs, je ne suis pas au fait de la catastrophe.
... Eh ! Mais c'est drôle, ça ! Au faîte et au fait ça se dit pareil mais ça veut dire autre chose ! C'est bizarre, quand même !**
[edit]A ce moment-là, la femme en rouge jeta d'un air résigné un sac en papier duquel s'échappèrent quelques biscuit lorsqu'il toucha terre.
**Mais...! Je pensais que ...!**
Quelque chose m'échappait dans tout ça...[/edit]
Je m'apprêtai à m'ouvrir à la femme en vert de tout ce que je voulais lui dire, qu'est-ce que l'homme qui se baignait avait fait à l'eau pour qu'elle le dispute, pourquoi le garçon avait pas fini son histoire, et pourquoi la femme en rouge, au lieu de lui répondre, à parlé beaucoup de chose qui voulaient pas beaucoup trop rien dire, mais aussi et surtout cette merveilleuse découverte, deux mots pareils mais pas les même, similaires mais pas identiques, qui faisait beaucoup rire parce qu'il ne voulaient pas dire la même chose...
Il y avait tout ça à dire, et beaucoup d'autres encore, mais lorsque maintenant, je me tourne vers elle, je me rends compte qu'il y a encore quelqu'un.
Juste à coté de moi. Par terre, à coté de moi. J'arrive pas à voir à quoi il ressemble, sa peau est toute rose, noire par endroit, blanche à d'autre. Il ne bougeait plus.
Quelque chose veut se frayer un passage à travers mes pensées.
Une herbe rougie par la folie des hommes...
Je vois plus très bien. J'ai l'impression qu'il y a de l'eau devant mes yeux.
Des nuages nimbant les plaines de la couleur sanguine du crépuscule...
Je sens une goutte salée sur mes lèvres, mais il ne pleut pas. Je passe une main sur mon visage. Machinalement.
Je ne suis pas tout seul, mais personne n'est vraiment là...
J'ai mal à l'intérieur de mon crâne. J'ai l'impression qu'il est remplie d'eau et qu'il y en a de plus en plus... comme des boules bleues dans ma tête... avec, à l'intérieur de chacune d'elle, des petites bestioles qui grattent, qui griffent, fouillent et mordent pour sortir à l'air libre. C'est comme si...
Des corps par centaines...une culpabilité que l'on interdit à mon esprit de ressentir...
Comme si j'avais des prisons magiques dans ma tête, des prisons toutes bleues qui renferment des choses qui veulent s'évader...
Un flash m'éblouit à travers le voile d'humidité saline devant mes yeux.
C'est le soir. Nous sortons tous en file indienne sous un ciel que le soleil abandonne déjà.
Tous entre sept et dix ans. Je ne me souviens plus de mon âge.
Je retire mes main. Elle est mouillée. J'ai l'impression de nager dans un rêve. "Un rêve"... Ce mot m'est venu tout seul. Je ne le connais pas, ne l'ai jamais entendu. Je crois...
Son sens s'est imposé à mon esprit, jaillissant hors de ces sphères bleues qui tourbillonnent sous mon crâne... Et tourbillonnent...
Méthodiquement, nous frappons, tuons, mourrons... Certains voient sous l'effet de la bataille d'anciens pouvoirs héréditaires se révéler à eux... Tous, nous aurions été promis à un grand avenir... Chef de clans, héritier d'une illustre lignée, beaucoup ont le combat dans le sang, certains ont de la magie dans les veines, quelques uns sont des êtres uniques, derniers représentant d'un ancienne espèce, ou expériments morbides des recherches du Cartel... Quelques uns se démarquent, et s'allient inconsciemment pour retarder leur échéance...Tous, nous sommes promis à l'inéluctable... Sauf un seul.
J'ai mal... Je baisse les yeux vers le corps calciné à mes pieds, et un nouveau flash m'envahit.
Je ne peux plus faire un pas sans trébucher sur un cadavre... Le dernier enfant, une fille, court en boitant dans ma direction. La fillette a le poignet nimbé de trois sphères ignescentes qui voltigent, et voltigent... Je me baisse souplement et attrape son poignet...
[edit]Je prend un biscuit dans le sac, par terre. J'en croque un morceau. Machinalement.[/edit]
Je regarde ce corps à mes pieds, mais c'en est un autre, plus petit, que je vois.
Le visage méconnaissable, et les tatouages à peine identifiables sur la peau brûlée... Elle serait sans doute devenue la plus puissante chamane du clan Ghor...
Je tombe à genoux. Je tombe à genoux.
Je regarde par terre. Des miettes, tombées de la poche de la fillette. Je la fouille, sans réfléchir, croyant trouver un silex ramassé par terre ou un crochet rafistolé, un arme de fortune comme toutes celles que j'ai trouvées en fouillant les cadavres de mes adversaires durant toute la semaine passée...J'en ressort un biscuit.
Je regarde à travers mes larmes le petit gâteau qui m'a été offert. Je le pose par terre.
Je gémit.
-"Des biscuits..."

Un mana vert n'avait pas été suffisant : il lui avait fallu canaliser et consommer un second. Avec tous ses traumatismes et le sang qu'il avait perdu, il lui aurait fallu une heure de soins intensifs au moins pour le remettre en pleine santé ; ce n'était guère le moment. Il faudrait qu'il aille voir un guérisseur ou un médecin plus tard ; son ami pourrait sans doute l'aider. En attendant, son état était stabilisé, et sa vie n'était plus en danger. Cela suffirait.

***Le fait qu'il n'ait pas été inconscient ne devrait pas poser trop de problèmes : il a à peine la force de se relever, et parler lui restera douloureux.***

Elle émergea de sa transe juste à temps pour l'entendre parler, et en profita pour ponctuer avec un doux mais ferme "Restez tranquille" avant d'évaluer rapidement la sitation. Visiblement, l'enthousiasme de Yarkol avait été... douché. Elryann semblait très nerveuse, la nouvelle menace toujours aussi froide, avec un petit air de satisfaction.

***Oh oui, par pitié, que cette absurde situation soit enfin résolue.***

Avant qu'elle n'ait pu tenter de déterminer plus avant ce qui venait de se passer, son hypersensibilité tira une sonnette d'alarme, et elle se tourna instinctivement vers le petit. L'onde de malaise profond qu'elle avait perçue ne l'avait pas trompé : Ishmaël pleurait doucement, les yeux perdus dans le vide en direction du biscuit. Une bouffée de panique la submergea, et en un éclair, elle se pencha sur lui pour vérifier si il n'était pas blessé. Rien d'apparent. Sa détresse, si étonnamment forte, était uniquement psychique, et faisait résonner un écho profond dans l'esprit de la jeune femme. Avec une énorme bouffée de compassion dépassant de loin ses réticences tactiles, elle prit l'enfant dans ses bras, le serrant contre elle. En caressant doucement ses cheveux, elle chuchota :

"Que se passe-t-il, Ishmaël ? Qu'est-ce qui ne va pas ?"

Yarkol titubait. Bien qu’il ait repris son souffle, un tas de chose embrouillaient sa tête. Tout d’abord, il regrettait amèrement de découvrir en même temps que tout le monde qu’il n’avait pas fait tout seul le joli feu d’artifice. Ensuite, et c’est le pire, il se sentait à la fois humilié et refroidis, ce qui eut pour effet de provoquer la seule prise de conscience véritable dont il était capable. Il plissa les yeux, son rythme cardiaque ralentit et ses cheveux semblaient plus clair que d’habitude, les reflets bleu étant encore plus visible maintenant…ou peut-être étais-ce à cause de la douche forcée qu’il venait de prendre ? Toujours est-il que son petit cerveau se mit en marche et qu’il sombra pendant plus de trois minutes dans une sorte de méditation douteuse. Il rouvrit les yeux normalement ensuite, et sa voix, aussi incroyable que cela puisse paraître, fut calme et contrôlée, presque froide.

« Mon amie vous à tout dit. Je sais quelles forces peuvent être misent en œuvre pour faire parler les langues trop brave, et ce châtiment m’a laisser suffisamment de marque pour que je puisse me permettre de réitéré l’expérience. C’est pourquoi j’ajouterais les détails qui vous intéressent sans faire d’histoire. »

Il se tut quelques secondes, toisant du regard l’homme poisson. Il attendit juste assez pour que son silence devienne lourd, et reprit en s’adressant à l’être qui l’avait humilié.

« Je dois le chuchoté afin de protéger mon amie des détails qui pourraient la faire tuer. C’est pourquoi je ne le dirais qu’à l’elfe, je ne m’approcherais pas de toi, tu sens mauvais. »

Il se dirigea ensuite vers Raenor. Avec un sourire en coin, un sourire forcé et triste, il chuchota à l’oreille de l’elfe :

« La fille qui joue avec le sang est étrange. Elle tousse beaucoup, utilise des manas verts, et sent le mana noire. Elle a une voix très rauque et tout comme son comparse, elle m’a l’air d’une Simic. Lui, il est grand, chauve, manie les hydromanas et est équipé d’un poignard skean dhu ainsi que d ‘ une longue flamberge qu’il dissimule sous sa cape. Ils sont frère et sœur mais ont une relation étrange, comme un couple. C’est tout ce que je sais. Maintenant ne bouge pas, fait comme si je continuais de donner des détails et écoute attentivement. Je ne t’ai pas tué, mais j’ai pris la vie de ton compagnon. C’est parce qu’il est mort et que j’ai épargné la Seles’ que tu respire encore. Remercie Elryann avant de partir, car vous êtes plusieurs à lui devoir la vie. Enfin, sache ceci : vous venez de m’humilié et de me faire dérogé à tout mes principes, vous avez marché sur ma liberté, craché sur mon honneur, et par la même insulté toutes mes valeurs. Je ne vous oublierais jamais. Aujourd’hui, j’ai quelque chose à perdre. Si un jour il lui arrive malheur, plus rien ne pourra m’arrêter. Ce jour là, je te tuerais comme tu le mérite, je te ferais souffrir, je ferais souffrir tes amis, et j’effacerais vos existences. Il ne restera rien de toi, tu seras anonyme, un fantôme aurait laissé plus de trace que ton histoire toute entière, et tu disparaîtras sans nom. Alors seulement tu en seras réduit au même sentiment d’impuissance qui est le mien, ce sentiment d’être si seul et si insignifiant que la vie en devient absurde. Pense à moi, crains-moi, car c’est comme ça que j’existe. Je t’ai laissé quelques cicatrices, je te fais confiance pour qu’on se revoit quand j’aurais hurlé mon nom si fort que le désert le répétera en échos jusqu’à la fin du monde. »

Et sans sourciller, il s’écarta prudemment de son interlocuteur afin de rejoindre Elryann. Une fois à ses coté, il reprit la voix qu’on lui connaissait, vibrante, pleine de vie et de passion, saupoudré d’un grain de folie ou de naïveté.

« Eh bien voila, vous savez tout ! Maintenant nous allons tous partir chacun de notre coté et ne plus nous revoir. Ce n’était pas très drôle, vous m’avez beaucoup ennuyé, alors adieu ! »

Et il se retourna vers sa compagne, l’air aussi inoffensif qu’un gamin crédule.

« En plus avec tout ça, j’ai encore faim. Il reste des biscuits ? »

Son regard se posa sur l'enfant qui pleurnichait. Il venait de le remarquer pour la première fois et s'étonna:

"C'est qui lui? D'où il vient? Vu sa tête, on dirait qu'il est tombé du ciel..."

Grincheuse, Elryann observa l'échange de menaces viriles entre le broyeur de clémentines et l'encapuchonné endivesque à qui elle n'avait même pas eu le loisir de répondre. Belle paire de végétaux, tiens. Et ça allait probablement dégénérer vers la fameuse étreinte des guerriers liés par le sang et la haine, torse en sueur contre torse scarifié, les cheveux emmêlés, les muscles encore bandés et les yeux brillants du déchaînement de violence qui avait défoulé leurs âmes impétueuses.
Ouais, ça commençait par une bagarre, et ça se réglait au plumard.
Par le biais du combat, en arborant mines furieuses et poings tendus, ils dissimulaient leurs inclinations sous des borborygmes barbus. Et se jetaient l'un sur l'autre, comme d'hab'.

* Si seulement je pouvais être au milieu.*

Sur ces songes cyniques, elle détourna les yeux et scruta le garçonnet qui, auprès de Silviel, changeait d'expression comme de chaussettes - encore que, au vu de sa tenue, la comparaison était fort mal choisie.

* Donc comme Rahinov de foie.*

Réprimant un ricanement qui eût pu passer pour inquiétant avec quelques centimètres supplémentaires -

* Comme celle de Raenor *

- Elryann s'aperçut que tous les regards étaient rivés sur le môme, qui n'en menait pas large, son poing bien serré sur le biscuit décapité. Il était...mignon. Il y avait peu de place pour les choses attendrissantes dans la vie d'Elryann, alors même qu'elle se sentait souvent maternante. L'espace d'un instant, elle fut triste, et se demanda que faire de toute la tendresse qu'elle emmagasinait. Cela n'intéressait personne.
Et cet enfant avait sans doute une famille, une mère, une soeur, et n'avait pas besoin d'elle. En fait, personne n'avait besoin d'elle. Sentant la mélancolie l'envahir, elle se remonta intérieurement les bretelles et adressa un léger signe de tête, fataliste, à Raénor, comme pour lui dire "Si j'devais en vouloir à toutes les personnes qui ont voulu me séquestrer dans une maison hantée...".
Puis, elle s'accroupit devant Ishmaël.

- Personne ne va te blesser. Dis-nous où tu seras en sécurité et nous t'y escorterons, avec quelques pièces pour la frousse. Garde les gâteaux, et ne lâche pas Silviel.

Après avoir glissé cinq sous dans la paume de l'intéressé vorace, elle échangea un regard avec la Seles'. Se demandaient-elles toutes les deux si cet enfant avait une mère ? S'il savait ce qu'était le meurtre, la dépression, l'amertume ? S'il allait finir épave parmi d'autres au coeur grouillant de la Cité-Monde ?

Elryann sentit sa tête s'alourdir.


==> Prochain post : Sylviel. <==

Silviel rendit un regard désespéré à Elryann. Tout ceci faisait beaucoup trop d'enfants anormaux d'un coup. Silencieusement, ses lèvres articulèrent "que va-t-on bien pouvoir faire de lui ?"

D'un geste, elle fit mine de congédier ses serviteurs verdoyants, puis se ravisa. Des fois que le prochain cheveu sur la soupe soit un Rakdos et pas un gamin effaré. Sans parler de la dangerosité moyenne des individus présents. D'une voix fatiguée, elle lança à Raenor :

"Allez voir un guérisseur Simic."

L'air de rien, elle canalisa un mana blanc - prudence est mère de longue vie - tout en observant alternativement le poisson, la salamandre et l'araignée.
Elle ne savait pas quoi faire. Ni pour Ishmaël, ni pour Elryann, ni pour personne d'autre. Elle aurait voulu avorter les conflits et faire pousser des champs de primevères. Elle aurait aimé ne voir aucun visage se tordre de haine. Et que nul ne soit triste. Quand il avait fallu se défendre, elle avait su - et maintenant, lorsque le plus dur peut-être restait à faire... Elle eut une brusque nausée.

"Fuyez, les ombres."

Elle le murmura presque pour elle-même. Son mana blanc se mit à rayonner de plus en plus fort ; elle tenait sa main en hauteur, près de la déchirure rougeâtre qui révélait sa chair. Elle posa sa main libre sur la tête d'Ishmaël et se releva. Elle faisait face au garçonnet décoloré.

"Retournez d'où vous venez, roulez-vous en eaux profondes. Retournez vous faufiler entre les pierres, avec les vers. Grattez votre vase noirâtre... Il ne fait pas encore assez froid pour vous ici."

Elle avait serré le poing, et les rais s'échappaient de toute part de sa main dont on voyait la structure interne. Elle se tourna vers son patient.

"Ne vous a-t-on jamais dit que les visages disparaissent dans l'obscurité ?" siffla-t-elle.

Ses saprobiontes se pressèrent contre son dos. L'odeur de l'if la réconforta. Son photomana redevint progressivement normal, et ses traits se détendirent brusquement, ses yeux perdirent leur éclat de fièvre. Elle baissa un instant les paupières. Elle tremblait légèrement lorsqu'elle effleura d'un geste lent la manche d'Elryann, paraissant prête à parler, mais se tut.

Après un moment d'incertitude, elle ajouta, bas :

"J'en ai assez des ombres."

Sinon, depuis le début de la quête, Silviel a une robe blanche, Ish. Et c'est au MJ de poster.

Yarkol fixa alternativement Sylviel, Elryann et l'enfant. Pourquoi se parlaient-elle entre elles alors qu'il était devant elles ? Pourquoi voulaient-elles faire quelque chose de lui alors qu'il pouvait très bien faire tout ce qu'il voulait de lui même ? En plus, si ça se trouve, il sait voler.
Il fixa ses yeux gris sur Ishmael. Il vit immédiatement que c'était un enfant sauvage, comme lui. Des vêtements troué, la mine sale, le regard vif, et cette ineffable faim qui émanait de tous ceux qui couraient les rues, cette faim qui se sentait à des kilomètres, qui rampait au travers de vous comme l'ombre d'un terrible serpent aux multiples têtes.

Il oublia presque les deux autres, dans son dos. Il cessa de dévisager le quémandeur de pâtisserie et se retourna. Raenor lui faisait signe de le rejoindre. Le semi elfe attendit patiemment que celui qui manipulait l'eau se soit éloigné avant de rejoindre son ancienne proie. Pourquoi vouloir encore parler ? Est-ce que tout n'avait pas déjà été dit ?

« Je t'écoute. »

Son regard terne et fatigué transmettait toute sa lassitude. Il avait changé du tout au tout. Son impatience et ses mouvement frénétiques avaient laissé place à une attitude nonchalante, posée, comme si en quelques seconde toute une vie d'errance et de mauvaise expérience s'était abattu sur sa pauvre tête.

L'elfe crispa sa mâchoire, ses poings serrés menaçaient de partir au visage du pauvre Aenorial, qui n'avait absolument pas conscience de l'offense qu'il venait de faire à son futur partenaire. Mais lorsque leur regards se croisèrent, Yarkol posa simplement sa main sur l'épaule du Dimir.

« Pas de pacte, pas de contrat. Ne t'engages qu'avec ton âme. J'ai réglé mes comptes avec toi. Si nous nous recroisons, alors nous reprendront à zéro. Si tu me quitte ici en tant que vivant, c'est que je ne veux plus ta mort, tu n'as donc plus à craindre de moi, pourquoi te compliquer la vie en contractant une alliance ? Seule les traîtres formantes des alliances, seuls les fous contractent, car ils faut être fou pour s’enchaîner soi-même. »

Et sur ses mots, il se retourna et s’apprêta à partir. Mais avant de disparaître , il lança bien fort, de sorte que l'homme poisson puisse l'entendre aussi :

« Vivre en homme libre est la seule façon de vivre vraiment. Libère toi de tout et tu seras considéré comme mon frère. »

Puis il se mit à courir, il grimpa sur un mur et disparut derrière, laissant en plan Elryann, Sylviel et Ishmael.

Eh bien mes p'tits choux, je pense que je compterais l'xp moi même, en me basant bien sûr ce que MJ06 me dira sur skype.