Voyage en territoire Golgari

De toute évidence, elle avait entendu les paroles. Dommage, mais au final, la répugnance n'avait pas dominé. Décidément plus ouverte que la plupart des membres de sa guilde. Asmodée offrit un visage affable, mais attentif, à la jeune chantresse, et répondit:

"Pas de soucis, je me contenterais de la... reconnaissance... et de la dette que vous avec évoquée tantôt. Bien sûr, continuons."

La reconnaissance... un sentiment décidément agréable à voir. Il rappela ses insectes, les deux coléoptères volèrent en bourdonnant sous sa cape, la mante sauta sur son bras et y reste accrochée, l'arachnide grimpa le long de sa jambe pour rejoindre les scarabées. Il rengaina sa dague d'un mouvement sec, le regard toujours plongé dans les deux yeux émeraude de l'elfe, puis se mit en route. La jeune femme semblait également troublée. Si elle avait déjà fait ce chemin, alors son malaise ne pouvait être expliqué ainsi. Il se promit d'analyser plus en détail les réactions, les siennes comme celles de Silviel. Bon, en tout cas, il semblait à nouveau maître de lui. Voilà qui était bien. Mais il ne devait pas laisser le silence s'installer, la communication favorisant théoriquement la confiance.

"D'ailleurs, pour cette dette... est-ce que..."

Le Golgari pinca les lèvres. Il voulait paraître naturel, et avait parlé sans réfléchir, en disant la première chose qui lui passait par l'esprit. Sans quitter son air agréable, il ne put s'empêcher de paraître troublé par ce qu'il venait de manquer de dire. Ce qui était vrai. Il ne se contrôlait pas assez. Décidément, si son mentor venait à l'apprendre, il ne donnait pas cher de la confiance que la Matka plaçait en lui...

Silviel devint busquement attentive et releva le visage vers Asmodée tandis qu'ils entraient dans un complexe de petites rues beaucoup moins fréquentées. L'ovale clair et doux de son visage sortit de l'ombre, elle regarda avec intensité le Golgari.

"Je serai ravie de pouvoir vous rendre un service en retour, s'il est en mon pouvoir."

Une certaine anxiété la gagnait. Elle n'avait aucune idée de ce qu'il pourrait bien lui demander, mais elle avait une dette envers ce fascinant serviteur de la mort.

Asmodée ferma les yeux un moment, puis ralentit légèrement. Tant pis, autant aller jusqu'au bout de la gaffe. Même ainsi, elle restait une bonne connaissance au sein de Selesnya. Il ralentit encore un peu plus, maintenant qu'ils étaient sortis des lieux les plus fréquentés, il pouvait la laisser marcher à son rythme.

Le Golgari décanalisa le nécromana, soucieux de ne pas mettre l'elfe mal à l'aise. Puis il se décida enfin à lui répondre, gardant un sourire engageant sans trop en faire.

"Serait-ce possible de vous entendre chanter à nouveau, dame Vaomar ? Dites-moi où je peux vous écouter, s'il vous plaît."

Voilà, il l'avait dit. De toute façon, cela n'engagait à rien, et il favoriserait ainsi une possible amitié entre eux deux. Du moins, c'est ce qu'il se disait.

Les yeux verts feuille s'arrondirent nettement sous le coup de la surprise, expression accentuée par l'élévation des sourcils et la légère moue des lèvres pulpeuses. Silviel s'attendait à beaucoup de choses, mais certainement pas à ça.

***Quoique ce n'est peut-être pas si surprenant de la part d'un tel Golgari...***

Elle laissa son visage reprendre son expression habituelle, son masque de calme mêlé à la tristesse, avant de formuler sa réponse d'une voix mesurée et douce.

"A Vitu-Ghazi, où j'habite, il y a des récitals assez régulièrement, ce sont des spectacles appréciés. On y voit des Neutres et des ressortissants d'autres guildes, mêlés aux Adorateurs de la Vie. Parfois, les chantres sont engagés dans les réceptions Orzhovs, mais il faut y avoir ses entrées, ce qui n'est pas évident. Si vous venez à l'Arbre de Selesnya, essayez de cacher que vous êtes Golgari, les vôtres ne sont malheureusement pas très bien vus... Mais je serai contente de vous voir, je pense."

Elle avait mis une certaine chaleur dans ses derniers mots, étrangement sincères. Ils lui avaient presque échappés.

*Je n'en espérais pas tant... savoir où la trouver, et presque comment y aller... bon à savoir, elle n'a pas l'air de mieux se contrôler que moi.*

Asmodée regarda à nouveau le visage de l'elfe, et vit dans le vert tendre de ses yeux qu'elle était sincère. Définitivement, il ne s'agissait pas d'une mise en scène d'une espionne, personne ne pouvait jouer aussi bien la comédie. Il avait donc un avantage, même purement symbolique. Et il pouvait enfin achever ce qu'il avait prévu avant l'irruption de l'étrange femme aux cheveux blonds clairs.

"Tout le plaisir sera pour moi, voyons.

Dame Vaomar... Avez-conscience de l'irréalité de la situation ? Vous n'êtes pas sans savoir que ni ce mort-vivant, ni même son saurien ne sont les plus dangereux pour vous. A chaque pas, chaque respiration, chaque instant où vous viviez, vous auriez pu mourir à celui d'après. A chaque moment, je pesais le pour et le contre afin de me décider."

L'assassin devait enchaîner rapidement les phrases afin de ne pas laisser le temps à la jeune chantresse de réfléchir. Il continua donc d'un ton plus froid encore, comme si seul le mana noir dominait en lui, d'une voix monocorde, sans âme.

"Vous tuer ? Vous emmener de force à Svogthos ? Vous livrer au zombi que nous venons de laisser derrière nous ? Il n'est pas hors de vue, vous savez."

Le Golgari marqua une pause, tant dans sa marche que dans ses paroles, afin de laisser la Selesnyane réaliser le sens de ses paroles. Puis il se remit à marcher et à lui parler, plus doucement, avec même une indéniable chaleur dans la voix.

"Envers toute logique et contre toute raison, je n'en ai rien fait. Je vous ai épargnée, et vous ai même couvert en usant de ma position au sein de ma guilde. Alors, si vous voulez me faire une vraie faveur...

Protégez-vous. Si vous adorez vraiment la vie, si vous la respectez et cherchez à la protéger où que vous soyez, prenez d'abord soin de la vôtre pour pouvoir y parvenir. Si je venais à apprendre que la seule proie que j'aie jamais épargnée s'est fait tuer à cause d'une résignation prématurée, ou parce que votre fougueuse protectrice ou encore un troisième membre de l'Essaim ne se trouvait pas à vos côtés... si vous veniez à mourir alors que je vous ai sauvée et épargnée aujourd'hui, je vous avoue que cela m'attristerait.", acheva le grand devkarin en souriant et en rejetant des doigts une mèche grise qui pendait devant son oeil vert. Le reste de son visage était resté impassible, et même ce sourire pouvait aussi bien être factice que sincère, impossible de trancher...

Une voix féminine s'éleva assez distinctement derrière les deux jeunes personnes lorsqu'Asmodée eut fini de parler. Une voix féminine, qui donnait pourtant une impression étrange...

"Asmodée ! Je te croyais parti depuis longtemps en mission ! Cela va faire un bout de temps que nous ne nous sommes pas vus."

Les deux personnes se retournèrent alors pour regarder qui les appellaient. La personne se trouvaient à une dizaine de pas au maximum. Elle était relativement grande, habillé modestement - mais de façon pratique : tout ce qui lui servait d'ordinaire semblait naturellement lui tomber sous la main - des cheveux mi-longs en bataille lui tombaient légèrement sur les yeux, quand à ses yeux d'un bleu marine étrange luisait d'une étrange lueur. Mais ce qui génait le plus Silviel, ce fut de déterminer de quel sexe était cette mystérieuse personne. Il semblait résolument masculin. Mais sa voix semblait trompeuse.
Lorsqu'il la vit, Asmodée eut un soupir inaudible. "Pas elle." pensait-il en cet instant. En effet, il la reconnut immédiatement. Il s'agissait d'une femme. Eléanore. Une femme horriblement horripilante quand elle le voulait. Une femme aux forts accents de garçon manqué, qui s'exprimait toujours étrangement, jamais directement. Elle était bien trop discrète à son goût. Et bien trop observatrice. Elle tombait toujours au mauvais endroit, au mauvais moment. Elle n'était pas plus puissante qu'Asmodée, mais bien plus vicieuse que lui. Cela faisait un bout de temps qu'il la connaissait, et pourtant, il ne savait même pas si il appréciait la femme ou non. En tout cas, elle aimait bien l'embêter. Et ce n'était vraiment pas le moment.

"Alors mon grand, on va à la pêche aujourd'hui ? TU t'es enfin décidé ? Qu'est-ce que tu nous a donc ramené cette fois-ci ? Sans même laisser le temps à Silviel ni même à Asmodée, elle était auprès d'eux, et venait de soulever la tête de Silviel, afin de pouvoir la contempler, alors que la selesnyanne s'évertuait à cacher son visage. Eléanore parut surprise quelques instants, puis elle se retourna vers Asmodée une expression indescriptible sur le visage. Depuis quand es-tu attiré par ce genre de femmes Asmodée ? Je ne t'ai jamais mélancolique, et encore moins triste ou désemparé au point de donner ton esprit aux dirigeants de Selesnya. Il s'agissait même plutôt du contraire. Rappelles-toi, lorsque tu mettais fin à leur vie sur ordre de notre bien aimée dirigeante. Voilà que tu recueilles un pauvre oiseau tombé de son nid... Pourtant d'habitude, nous les écrasons. La fin de sa phrase avait été plus dure, et une de ses mains venait de se refermer sur la gorge d'une Silviel impuissante. Cela ne servait à rien de se débattre, sa poigne était bien trop forte pour elle. Te serais-tu épris d'elle ? Moi qui pensais te connaître ne serait-ce qu'un peu, j'ai l'impression de faire fausse route. Tu risques de changer Asmodée. Fais attention à cela. Nous tuons, nous ne laissons pas la vie. Sa voix se radoucit, et elle relâcha la pression de sa main. Elle projeta ensuite la selesnyanne dans les bras d'Asmodée qui la réceptionna aisément. Enfin, fais donc ce que tu veux. Tu n'as pas d'ordre à recevoir de ma part. Mais fais attention à toi. Tous ne seront pas comme moi. J'espère que tu en as conscience. Cela vaut mieux pour toi. Je préfère ne plus rester ici. Elle se retourna pour partir, un air entre la tristesse et le dégout sur le visage, mais ajouta avant de s'éloigner, alors qu'elle avait le dos tourné aux deux personnes : Mais ne t'avises pas de courtiser cette femme. Tant qu'elle sera selesnyanne, je ne le tolérerais pas. Tant qu'elle n'aura pas compris notre vision des choses. Tant qu'elle ne l'aura pas accepté et pratiqué. Je ne te laisserais pas bafouer l'honneur de notre guilde. Auquel cas, je te tuerais de mes propres mains s'il le faut."

*Pas elle.*

Asmodée se passa la main dans ses longs cheveux raides, jouant un bref instant avec ses mèches grises. Il n'avait jamais pu comprendre le caractère de cette étrange femme, qu'il avait pourtant souvent croisé. En effet, elle était d'un rang équivalent au sien, mais était affiliée à une autre section moins secrète, à savoir les arcanes magiques. Si il se souvenait bien, l'androgyne travaillait dans une spécialité concernant les magies oubliées des temps anciens.

Or, le devkarin détestait ne pas comprendre ce qui l'entourait, car il considérait qu'un environnement non analysé revenait à un environnement hostile car potentiellement dangereux.

Par exemple, comment Eléanore pouvait-elle ne pas comprendre la nécessaire existence des Selesnyans ? Il fallait en tuer pour les soumettre, certes, mais la mort devait coexister avec la vie, comme partout dans la nature. La vie au service de la mort, et l'incarnation de cet objectif était Savra, sa reine. Il faudrait aussi qu'il recherche dans les manuels de psychologie de son maître la signification de ''courtiser''.

Le tuer ? L'assassin savait pertinemment qu'elle lui était supérieure au niveau de la magie, et qu'elle était également rompue au combat, mais pas aussi douée pour ôter la vie que lui, et sûrement pas au point d'avoir l'avantage sur l'arme de mort la plus parfaite de la reine des devkarins. Et si elle voulait devenir son ennemie au sein de la guilde, ce qu'il ne voulait surtout pas, tous deux comptant en effet parmi les personnes les plus influentes de la cour de la reine sombre, il ne comptait sûrement pas l'affronter de face.

De plus, Asmodée avait pris la peine de se renseigner sur elle dès leur première rencontre, et se félicita à présent d'avoir pris cette précaution. Il ne savait pas franchement si frayer avec une Selesnyane allait être aussi grave aux yeux du reste de la guilde qu'à ceux de son maître, mais ce que lui savait sur elle l'était assurément plus. Il ne comptait rien en faire tant qu'elle serait fidèle à sa guilde, mais son maître avait approuvé son geste: la fidélité devait être parfaite au sein d'une faction pour pouvoir la propulser au sommet, et les moyens de pressions étaient monnaie courante pour l'humanoïde insecte et son disciple afin de s'assurer un réseau de relations fiables. Il avait donc persévéré, et avait à présent de quoi s'assurer son soutien pour tout ce qu'il pourrait entreprendre, même si il s'agissait d'un soutien haineux et forcé. Le résultat seul comptait pour l'assassin, et tous les moyens sont bons pour y parvenir.

Asmodée revint de ses pensées en constatant qu'Eléanore s'éloignait, et que Silviel, apparemment perdue par les nouveaux évènements, se trouvait toujours dans ses bras après y avoir été projetée par la magicienne. Il eut un moment d'absence en voyant ses yeux couleur de jeune pousse, débordants de vie, puis se ressaisit. Le grand tueur la lâcha lentement, le visage toujours aussi dépourvu d'expression, et constata d'une voix sans nuances:

"J'aurais une raison de plus d'abréger votre existence sous cette forme, à présent. Je n'en ferais toujours rien, mais je vous demande en revanche d'accepter mes excuses. C'est sans doute à force de se plonger dans de vieux parchemins que cette femme en a oublié la nécessaire cohabitation de la vie et de la mort." Le Golgari n'estima pas utile de préciser quel rapport de force devrait se jouer entre les deux d'après lui, mais il préféra tout de même mettre la fragile elfe en garde. "Je ne pense pas qu'elle tentera quoi que ce soit envers vous, elle a d'autres priorités et devoirs qui l'attendent que de s'occuper des petits oiseaux, pour reprendre son expression. Mais je vous serais reconnaissant, toujours dans le contexte de ma demande, de ne plus emprunter cette route pour vous rendre chez votre amie, ni d'utiliser cette cape pour vous déguiser en territoire Golgari. Cette magicienne ne se souviendra sans doute plus de vous demain, mais il se peut aussi qu'elle passe les prochains jours à se renseigner sur vous, dame Vaomar. Je ne saurais prédire ce qu'il en est, alors protégez-vous d'autant plus, s'il vous plaît. Et encore une fois, excusez-la."

Dans l’étreinte du sombre elfe, la jeune femme pâle comme un linge était affaissée, sous l’effet d’un vertige. Son esprit était un tourbillon de pensées trop rapides pour qu’elle puisse y voir clair, elle se laissait donc aller, abasourdie par les menaces, les révélations, les émotions, tout cela arrivait trop vite, elle était épuisée, confuse, faible. Sans même la force de craindre réellement l’étrange femme à l’apparence androgyne, elle avait l’impression d’avoir dépassé ce sentiment, parvenant à une sensation cotonneuse d’impuissance que l’on a dans certains rêves. Elle ressentait le contact du Golgari à travers les couches d’étoffes séparant leur peau de manière lointaine. Un vague dégoût, un malaise, un frisson de peur pulsait sourdement en elle, prenant sa source aux zones de rencontre de leurs corps, mais une chape de plomb semblait peser sur elle, l’empêchant de faire le moindre mouvement pour s’en dégager. Au contraire, elle avait même en quelque sorte l’impression de s’y enfoncer volontairement, avec une complaisance malsaine, une langueur irrésistible et létale.
Elle assimilait ce qui se disait autour d’elle sans y prêter vraiment attention, et se surprit à goûter sans les comprendre les inflexions calmes, le timbre médium, au rythme monocorde mais au ton apaisant, de la voix d’Asmodée. Lorsqu’il la lâcha, elle fut prise au dépourvu, et vacilla un instant, ne s’y étant pas attendue. Le voile brumeux qu’elle avait jusque là devant les yeux se déchira, elle eut la sensation de s’éveiller d’un songe indéfinissable, oscillant entre délice et cauchemar. Le changement fut brutal, le contraste vif : soudain, ses mains se mirent à trembler, et elle sentait dans les fourmillements de son corps des décharges d’adrénaline. Fiévreuse sous le contrecoup de cet électrochoc, elle ressentit le besoin impérieux de quitter cet endroit oppressant, ce sauveur ambivalent, séduisant et menaçant, la frayeur lui serrait la gorge…
Cette panique s’entendit à peine dans les frémissements de sa voix lorsqu’elle prit la parole.

« Nos chemins se séparent ici, le logis de mon amie est tout proche et il vaut mieux que je continue seule… Merci d’avoir épargné ma vie jusqu’ici. J’essaierai d’en prendre soin. »

Sur ces paroles qui lui avaient coûté en force morale bien plus qu’il n’y paraissait, et sans attendre de réponse, elle tourna les talons. Comme elle avait couru devant Lionne, elle fuyait en priant pour qu’il ne tente pas de la rattraper. Son capuchon s’enleva au vent de sa course, qui faisait tourbillonner sa cape derrière elle, et ses mèches souples lui fouettèrent le visage avant d’aller ondoyer derrière elle dans la masse mouvante de sa chevelure. Elle aspirait l’air avidement, cherchant en vain un peu de fraîcheur dans les miasmes qu’exhalait la Citerraine. Elle tourna au coin de la rue, puis, enfin hors de vue d’Asmodée, s’adossa à la muraille près de la porte d’Anya. Elle ferma les yeux, renversa la tête en arrière contre les pierres rudes et tenta de calmer les battements de son cœur sur le point de rompre les os frêles de sa cage thoracique. Ses ongles griffèrent ses paumes, un léger gémissement expira sur la peau blanchie de ses lèvres pulpeuses. Il lui fallait se calmer, réfléchir, clarifier tout cela au plus vite.
Sa respiration s’apaisa doucement, elle avait encore une conscience aiguë de chaque parcelle de sa peau que le Devkarin avait touchée, brûlure. Dans la pénombre un peu bistre de la ruelle, elle se retenait au mur pour ne pas tomber, fragile comme un chaton.

***Qui est réellement cet elfe ? Et que veut-il, que ressent-il ?***

Il l’avait sauvée. Deux fois, sinon peut-être trois. Menacée de lui faire subir lui-même un sort funeste, à plusieurs reprises. Mais il lui avait aussi demandé de prendre soin de sa propre vie, et où il pourrait de nouveau l‘entendre... Et il y avait eu ces expressions étranges qui semblaient lui avoir échappées… Equivoque, incompréhensible, chaotique.
Il était haut gradé visiblement, et assassin. Selon la femme, il avait tué, beaucoup, et des Adorateurs de la Vie comme elle. Son intérêt ne pouvait être que mauvais, elle devait s’en méfier, l’éviter. Même si elle ne le reverrait probablement jamais. Ce serait beaucoup mieux pour tout le monde, et surtout pour elle.

***Oui, je dois m’en tenir éloignée…***

Pourtant, la femme avait dit - était-ce possible ? - qu’il la courtisait… Non, elle s’était fourvoyée, c’était certain. Et puis, si ç’avait été vrai, ç’aurait été une raison de plus pour s‘en défier. Mais ces indices, ce comportement à double face…

***Non. C’est impensable. Chimérique.***

Sa résolution vacillait, à peine prise. Elle se sentait comme un papillon attiré par une flamme mortelle et fascinante. Irrésistiblement, elle s’abîma dans le souvenir encore vivace de l’elfe ténébreux et énigmatique. L’air impitoyable, les gestes précis et sauvages de prédateur, et pourtant ce respect envers la vie, cette apologie de l’équilibre qu’il faisait… Était-il si malfaisant, si nuisible, si dangereux qu’il le semblait ? La question restait en suspens dans l’esprit de la gracieuse chantresse, et elle frissonna de nouveau, saisie d’un pressentiment. Il ne s’en tiendrait pas là. Elle avait peur. Mais en ressentait un étrange contentement…
La porte que son amie ouvrit à ses premiers coups contre le chambranle selon un code qu’elles avaient convenu claqua derrière elle, la mettant pour un temps à l’abri d’Asmodée…

*Imprudent, courir à visage découvert dans un quartier Golgari... mais j'ai compris.*

Et de fait, l'assassin avait compris ce qu'il devrait faire. Adossé à la paroi adjacente à celle où Silviel avait repris son souffle, il pensait. A quelques mètres de la porte de la mystérieuse amie Golgarie de la chantresse. Après un long moment, indifférend aux rares passants qui l'ignoraient tout autant, mais pour une autre raison, il replaca son centre de gravité machinalement assez bas, et se mit en route pour Svogthos. Le visage impassible, il marchait vers son prochain ordre de mission, son temps libre étant bientôt écoulé.

Sohgar vint se percher sur son épaulière de cuir. Asmodée était certain qu'il n'oublierait rien, mais préféra tout de même la prudence et lui fit un rapide résumé des évènements de son point de vue, après avoir écouté le récit de la perspective de son familier. Le devkarin savait que la mémoire centenaire du corvidé non-mort était infaillible. Son familier gardait pour lui les souvenirs et les expériences de chaque mission, ainsi que les secrets et détails découverts. Eléanore, son maître, et maintenant Silviel, chaque parcelle de chaque personne ayant croisé le chemin de l'assassin était consignée dans la mémoire inviolable de par le statut de non-mort du corvidé. Sohgar pencha la tête de côté en une parodie macabre d'incompréhension infantile pendant qu'il emmagasinait les pensées de son maître, puis partit à tire-d'aile pour planer au-dessus de lui. Le corbeau l'avertirait et lui donnerait une brève description dès qu'une personne croiserait son chemin, comme Asmodée aurait dû lui demander de faire depuis le début. La prudence avant tout.

Avec cette dernière phrase en tête, l'elfe ascète renoua ses cheveux gris et continua son chemin vers le Tombeau agité.

Sujet: Re: Voyage en territoire Golgari Dim 21 Nov 2010 - 23:15

[Hrp :] Silviel
Exp : 10
Or : 5

Asmodée
Exp : 14
Or : 7 [/Hrp]

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