Remise des comptes

Szerak remit son capuchon, reprit le bâton qu'il avait laissé sur la paroi de l'édifice de Zurgof et se mit en marche. Une promesse est une promesse. Il rapporta donc le bâton à son légitime propriétaire. Ne voulant pas entrer et déranger le soigneur qui lui sauva la vie, il laissa le gros bout de bois à sa porte d'entrée, puis repartit.
Ne sachant pas où rencontrer Naelyna, contrairement à ce qu'elle disait, le jeune lobotomiste se dit qu'il l'aurait retrouvée probablement là où il se sont rencontrés la première fois. Dans le Cartel Simic. Ce dernier n'était pas très loin. Même qu'il prit un raccourci.
Szerak ne savait pas si c'était par curiosité ou par instinct, la raison qui le poussa a retourner dans la ruelle menaçante qu'il traversa il y a quelques heures. Il s'arrêta au milieu de celle-ci, le capuchon devant le visage, prêt à se précipiter, ses huit dagues entre les doigts, contre le premier bruit suspect, ou, au contraire, à s'écarter face à la moindre menace. Il s'écria donc :

« Je sais que tu es là. Montre-toi ! »

Sa voix résonna dans la ruelle. Le cri de guerre menaçant de Szerak semblait bouger les murs, si proches l'un de l'autre.

Il n'eut qu'un faible écho de sa voix, puis plus rien. Il n'y avait que le silence, sur un fond de rumeurs ambiantes provenant des quartiers actifs de Ravnica.
Rien ne bougeait. Rien ne se faisait entendre. Quand tout d'un coup, Szerak crut voir une forme bouger, derrière un recoin de la ruelle. Une forme sombre et rampante. Cette dernière se rapprochait de plus en plus de Szerak. Ce deernier se trouvait paralysé. Il ne se sentait capable de rien. Il sentait ses jambes fléchir, et il se sentit tomber à terre. Il vit alors la créature se relever, et pu la contempler dans toute sa splendeur. Il aurait voulu crier, mais aucun son ne sortit pas de sa gorge ; car la forme qu'il avait devant lui était tout, sauf amical. Il en avait déjà entendu parler, mais jamais il n'en avait vu.

Un Moroii...

Szerak se vit alors succomber à la créature, se faire voler sa jeunesse. Il ferma alors les yeux, prêt à voir la créature le tuer. Pourtant, rien ne se passa.
Lorsqu'il rouvrit les yeux, le spectacle l'effraya peut-être plus encore : une jeune silhouette féminine se trouvait devant lui, une lame à la main, le moroii à ses pieds.

"Tu te mets toujours dans mes pattes, c'est pas possible ça ! Pfff... Je croyais que t'en avais eu assez avec le premier passage... Mais non, tu reviens ! Bon, tu as quelque chose de spécial à me dire avant que tu t'en ailles ?" lui lança la femme sans se retourner.

Szerak se reprit tout de suite du choc. Il se releva, retourna Naelyna par les épaules et la fixa droit dans les yeux, comme si ce Moroii ne serait jamais arrivé, sa voix faisant encore écho dans la ruelle.

« Tu croyais franchement que je serais parti de chez ce médecin, sans dire un mot, sans battre paupières ? D'abord tu accepte d'aider un pur inconnu et tu l'emmène chez ton médecin de confiance. Je n'étais d'ailleurs apparemment pas le premier... Pour faire plus vite, tu nous a fait passé par une ruelle, consciente des dangers et de mon handicap ! Enfin, tu paie Zurgof à ma place ! 100'000 pièces d'or, c'est pas rien ! Et puis... »

Le jeune lobotomiste tourna le regard vers la créature à terre, pour ensuite fixer à nouveau le regard de Naelyna.

« Tu me sauve encore en tuant ce Moroii... »

Envahit par la colère, Szerak secoua la jeune femme, l'écho de sa voix semblant faire lui-même écho.

« Maintenant dis-moi franchement qui tu es ! La pauvre prostituée sans défense, sans amis, seule face au monde, qui aide un inconnu ? J'avoue que même moi je t'avais cru ! Je sais aussi que tu connais Szadek, et tu en es consciente ! Alors cherche pas à feinter, avec moi ça colle pas ! J'ai été éduqué pour être un grand hypocrite, prêt à adopter tout type d'émotion. Donc, personne ne peut me cacher ses réels sentiments. C'est sûrement le seul don qui m'ait été offert à ma naissance. »

Malgré le capuchon, on pouvait distinguer l'œil unique de Szerak, rougit par sa colère, plus que d'habitude. Jamais il n'a été aussi sincère. Jamais il n'aurait cru devoir dévoiler ses émotions à quelqu'un. Comme quoi, les "jamais" porté au futur ne signifient rien. On ne peut prévoir notre voyage. Nous ne pourrons utiliser ce mot, qu'au bout du chemin, quand on se regardera derrière le dos.

La jeune femme eut un sourire en coin avant de lui répondre :

"Parce qu'en plus, c'est à moi de me justifier ? Comment t'es-tu présenté ? Joaillier ? Non... Carreleur ? Je ne sais plus...
Mais peut-être pourrais-tu être sincère pour une fois non ? Je peux admettre qu'un dimir doive rester secret... Mais donner un pseudonyme ne tue pas si ? "Szerak", ça ne t'aurait rien couté ! A moins que tu tiennes également à cacher ce nom ? Alors je devrais peut-être parler de ton identité réelle, Szirik !

Et avec tout ça, c'est à moi de m'expliquer ? C'est moi qui trompe mon monde ? Je t'amène chez un médecin, je paye ta dette, et tout ce que j'obtiens, c'est une agression ? Même pas un remerciement ?
Tu vois peut-être les vrais sentiments des gens, mais tu es aveugle ! Pour voir quelque chose, il faudrait pouvoir regarder ! Mais toi, dès que cela dépasse ton entendement, tu ne perçois plus. Le fait que quelqu'un puisse être attiré par toi te dépasse ! Tu es aveugle dans ta quête de puissance ! La moindre aide, tu l'agresses !

Tu es beaucoup moins intéressant que ce que je croyais. Tu es comme le reste. Comme les autres. Tu ne vis que pour la puissance. Pour une vengeance ou je ne sais quoi mais pour la puissance. Le reste, tu n'en as rien à faire.

J'ai pitié de toi. Tu ne cherches même pas à profiter de cette vie. Tu ne peux même pas voir autre chose que la puissance...

Quand à ta jambe, tu peux rembourser ta dette facilement..." ajouta-t-elle, un soupçon de tristesse dans la voix.

Szerak lâcha Naelyna, mais continua d'envahir la ruelle d'échos.

« Il fallait bien que je dissimule mon identité ! Je ne vais quand même pas dire au premier venu que je me suis fait botter les fesses par un sale chien ! Comme si je devais deviner que tu me connaissais déjà ! J'ai une certaine habileté en télépathie, mais je ne suis pas un sondeur de mémoire ! Quand à mon pseudonyme de Szerak, c'était juste un caprice. Je ne voulais garder aucune trace de mon père, pas même mon nom de famille. À ton avis j'aurais choisi de dissimuler mon identité avec un pseudonyme autant proche de mon vrai nom ? »

« Et si tu me connais autant bien, tu aurais dû savoir que je déteste au plus haut point être aidé ! Ça ne signifierais qu'une seule chose, c'est que je suis inférieur à mon secoureur. Quand tu es venue vers moi, je n'ai pu que me rendre à l'évidence, que tout seul je n'aurais rien pu faire. Mais qu'en plus tu paie ce médecin à ma place ! Comme si je n'aurais pas pu m'en sortir tout seul ! Comme si je n'aurais pas pu lui coller un coup de pied dans la tronche ! »

Le lobotomiste ne put retenir un sourire quand la jeune femme lui parla de puissance et de profiter de la vie.

« Profiter de la vie ? Pour quoi ? À quoi bon avoir de bons souvenirs, de vivre bien, si de toute façon au bout du couloir tout s'arrête ? C'est pour ça que je ne fixe aucun objectif dans la vie. Ça ne sert à rien ! Je préfère me contenter de vivre, et c'est tout. À moins de trouver un moyen pour vivre indéfiniment, ça ne sert à rien d'avoir des rêves, des ambitions ! Et contrairement à ce que tu dis, je ne rêve ni de puissance, ni de gloire. Tout de ce que je veux, c'est garder mon orgueil et ma fierté. Et partir de ce stade de pion pour la guilde. La seule raison pour laquelle j'ai décidé de faire réparer ma cheville, c'est pour faire payer le chien qui m'a mis dans cet état ! Mourir ne me fait nullement peur, depuis longtemps. Voilà des années que je suis prêt à partir de ce monde. Voilà des années que la vie a perdu toute valeur à mes yeux. »

Il dit ces derniers mot plus calmement. L'écho de sa voix avait quasiment disparu.

« Et tu n'as toujours pas répondu à ma question... Je ne te lâcherai pas, tant que tu ne l'auras pas fait... »

La femme rit de bon coeur :

"Mais dans quel monde vis-tu ? Frapper Zurgof ? Tu n'aurais même pas pu le mettre à terre ! Tu te fies bien trop aux apparences.
Moi par exemple, suis-je une pauvre prostituée ou une tueuse sans coeur ? Peut-être les deux qui sait ?
Bon, et puisque tu n'aimes pas être aidé... Je vais remédier à ça. Je vais prendre ma jambe que j'ai acheté et nous serons quitte. Désolée de t'avoir aidé."

Sur ces mots, Szerak vit la femme sortir une fine lame et se diriger vers lui. Quelques secondes après, avant même que Szerak ait pu bouger, il sentit une douleur vive irradier sa jambe. Et une fois encore, il se sentit la perdre. Il releva les yeux juste à temps pour voir Naelyna ranger une arme ensanglanté.

"Hais-moi. Déteste moi de toute tes forces. Deviens fort. Gagne en puissance. Alors je revierndrais vers toi. Et tu pourras savoir qui je suis.

Adieu."

Szerak la vit alors partir dans l'obscurité, et disparaître à sa vue.

Le lobomiste tomba raide comme une planche, du sang giclait de ce qui restait de sa jambe, et ses hurlements emplirent la ruelle dans un écho à geler le sang. Il se précipita d'arracher la manche de sa jaquette et de faire un garot à sa cuisse. Il resta silentieux, la respiration haletante et saturée. Malgré la situation clairement à son désaventage, il souriait. Il trouva même la force de ricaner.

« J'ai comme une sensation de déjà-vu. Si mes intuitions sont justes, je sais qui tu es. Et je sais aussi qui était ce type de la bibliothèques ! Tout s'assemble comme un puzzle. »

Il resta à terre dans son délire plusieurs minutes. Jusqu'à ce que la douleur fut telle qu'il ne la sentait plus. Il empoigna une de ses dagues et s'en servit pour démonter une planche en bois d'une caisse qui traînait par là. La chance voulut qu'il tomba juste à côté, même pas besoin de se lever. Sans cesser de s'encourager, il se releva, tant bien que mal, se servant de sa nouvelle jambe. Il était debout. Mais la force de pesanteur le traînait vers le bas, courbant son dos. Il se sentait un immense poids sur les épaules. Il releva la tête et dit à soi-même.

« Bien. Me voilà sans un sou, sans un brin de force et sans ma jambe droite. Les Izzet sont peut-être un peu naïfs et faiblards, mais pas stupides. Il ne me redonneront jamais une prothèse méchanique. Et si je retourne chez les simics, je me retrouve cette fille en face ! Il me faudra songer à une alternative. Sinon, je peux me considérer mort, sans ma jambe. »

Szerak posa d'ailleurs le regard sur celle-ci. Du sang filtrait le tissu. Il resta là, immobile, dans l'attente qu'une solution tombe du ciel. C'était la seule chose à faire. Il n'avait même pas songé à l'alternative que tout homme aurait favorisé : le suicide. Mais il avait encore des choses à faire. Et il ne comptait pas disparaître avant. S'il devait arriver au bout du chemin, se sera une dague autrui qui lui aurait montré le racourci.

Le lobotomiste tentait tant bien que mal de se relever quand il crut entendre un bruit, venant de l'autre côté de la ruelle. Il tourna la tête juste à temps pour voir une forme sombre se glisser derrière un mur. Tout en continuant de jeter un coup d'oeil, le dimir continua son chemin. Ou tout du moins, il essaya de continuer et de sortir de ce quartier.

Il en était presque sorti lorsqu'une forme se dressa pile en face de lui. Un homme. Musclé. Grand. Et qui n'avait pas l'air pacifique. Szerak entendit alors autre chose dans son dos, et s'aperçut alors que l'homme devant n'était pas seul. Un autre était là. Accompagné d'un de ses amis. Alors qu'un autre surgissait encore devant lui. Ils étaient maintenant quatre. Et lui était tout seul. Et avait une jambe en moins. C'était une proie facile. Il ne faisait pas le poids face à quatre hommes. L'un des quatre, le plus imposant, s'avança vers lui, le fixa droit dans les yeux, et lui annonça un sourire aux lèvres qu'il n'avait qu'une poignée de secondes pour leur donner tout ce qu'il avait. Tout. Le premier réflexe de Szerak fut de tenter la fuite. Impossible. Les deux autres étaient là. Il crut voir l'un faire "non" de la tête, et il sentit un énorme coup de poing lui arriver dans l'estomac. Il tomba alors à terre. Il sentit alors un énorme coup de pied lui arriver dans l'estomac. Il sentit sa cage thoracique s'enfoncer complètement et se détruire littéralement dans sa poitrine. Il sentit son rythme cardiaque et sa respiration s'accélérer. Il sentit chaque respiration lui déchirer la poitrine. Puis un nouveau coup dans le bras cette fois. Puis plus rien. Un écran noir devant ses yeux.

Il se vit alors, flottant dans le vide, baigné par le mana noir, son corps défoncé de toute part, son esprit pourtant était parfaitement en éveil, bercé par le nécromana. Ce fut probablement l'événement déclencheur. Car pour la première fois de sa vie, Szerak eut l'impression de ressentir le mana. L'élément qui lui avait manqué pour comprendre réellement le mana venait d'apparaître à ses yeux. Et tout s'imbriquait parfaitement. Plusieurs vérités lui apparurent alors. Et soudain, tout se passa très vite. Il se vit invoquer quelques sorts, avant que ces derniers ne retournent à l'état de mana, lui offrant la réponse à ses questionnements. Puis il se vit alors concentrer l'ensemble des manas alentour dans son corps. Et il sentit une force nouvelle insuffler son corps. Il retrouva rapidement la vision. Et à partir de ce moment, plus rien ne lui semblait comme avant. Il était debout, devant un des quatre hommes à terre, devant les autres, un air terrifié fixé sur le visage. Puis, il ne comprit plus rien. Sans même que son cerveau en ai donné l'ordre, il se vit se jeter sur l'homme le plus proche de lui. Il le plaqua contre le mur d'une seule main, et ce qui suit lui parut des plus effrayants : le mana noir se réveilla de lui même, et vint puiser dans la force de l'homme. Il vit l'homme s'affaisser rapidement, puis mourir, alors que Szerak se sentant revivre : il n'avait plus mal à sa deuxième cheville, son torse paraissait totalement guéri, quand à sa jambe...
Il n'en croyait pas ses yeux... Elle était là, comme si rien n'était jamais arrivé. Comme si elle n'avait jamais été coupé. Il ne comprit pas comment cela avait pu être possible, et ne voulait pas le savoir, mais une chose était sûr, elle était là. C'était le plus important. Les deux hommes quand à eux semblait de plus en plus effrayés, et leur premier réflexe fut de prendre la fuite. Szerak se vit alors matérialiser un infiltrateur dimir devant lui, sans même avoir besoin du rituel d'invocation traditionnel. L'infiltrateur dimir s'élança alors en avant, et cisailla les jambes des deux hommes. Szerak sourit et se rapprocha alors des deux bandits.

La mort les attendait avec impatience.

Ç'avait été un carnage. Les quatre hommes avaient été vidé de leur force vitale. Ce n'était plus rien. Leur corps ne ressemblait plus à rien.
Et Szerak en profita alors pour regarder son corps : le mana semblait luire à la surface de sa peau. Son corps semblait saturé. Il avait déjà entendu parler de choses pareilles de la bouche de quelques simics, mais jamais il n'avait pensé que cela puisse être possible. D'après les simics, un homme se serait fait consumer par le mana. Il est impossible de "fusionner" avec le mana. Et pourtant, il en était la preuve vivante... Mais à quel prix ? Il avait failli y laisser la vie, et il savait instinctivement, lui même ne savait pas comment il en était si certain, que plusieurs des sorts qu'ils maîtrisait si bien avant lui avait été définitivement retiré. Tel était le coût d'une telle puissance...

Enfin, il n'avait plus rien à faire ici. Il devait rentrer. En effet, il se sentait faiblir, et il savait, là encore sans savoir comment il en était si certain, que d'ici quelques minutes, cette puissance le quitterais. Et cela risquait d'être non sans conséquence... Il invoqua rapidement un sphinx de beffroi, et lui indiqua alors où se rendre.

Quelques poignées de minutes avant d'être arrivé, Szerak sentit alors ses forces le quitter, le mana disparaître, et ses yeux se fermer, pour laisser place à l'obscurité ; et aux immensités désertes des sommeils éternels sans rêves...

Sujet: Re: Remise des comptes Lun 22 Nov 2010 - 19:38

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» Remise en forme particulière