Symphonies Selesnyennes

Silviel, pleine d'appréhension, se sentait très mal sur le dos du pégase. Elle se sentit encore plus mal lorsqu'il se mit en mouvement. Elle avait l'impression qu'elle allait tomber à chaque instant, et se cramponnait à la ceinture en priant Mère Selesnya. Malgré cette fâcheuse distraction, elle parvint à canaliser un mana vert, qu'elle s'apprêtait à consumer afin de basculer en perception vitale. Cependant, sur Ravnica, les choses ne se passent jamais exactement comme on l'a souhaité ; et cette fois-là, l'imprévu se manifesta ***une fois de plus*** sous les traits d'un elfe blafard, qui bondit d'elle ne savait où pour se placer en face de Revan. Elle effectua une brève analyse de la situation : l'inconnu n'avait pas vraiment l'air engageant, et ne manifestait aucune intention amicale. D'un autre côté, il ne semblait pas non plus en position de menace, n'ayant même pas tiré son arme. Silviel décida d'agir de la façon la plus raisonnable possible pour éviter les conflits inutiles et les potentiels malentendus. Elle cria à son coéquipier :

"Ne l'attaque pas le premier ! Je vais le neutraliser au cas où, et nous nous renseignerons sur ses intentions."

Tirant sur le noeud pour indiquer à l'équidé magique de revenir à son point de départ, elle ferma les paupières, et commença à chanter, à voix haute et claire, tandis que son mana s'évaporait. La mélopée évoquait le long développement des arbres, le chemin du sang et de la sève dans les corps. Elle rouvrit les yeux. Sa vision s'était radicalement modifiée : elle ne voyait plus que des tons verts. Tout semblait flou, et légèrement ralenti. Elle voyait le corps du Selesnyan, entrapercevait l'activité de ses organes, les fluides vitaux. Celui de l'inconnu, en revanche, faillit lui faire perdre sa concentration. Pas de signe de vie, pas de battement de coeur. Rien. L'immobilité totale, la vie factice qui caractérisait les non-morts. Un non-mort majeur, puisqu'il semblait être doué d'intelligence et d'initiative à l'égal d'un vivant. Cela compliquerait les choses en cas de combat, qu'il devenait urgent d'éviter.

Elle baissa son regard, priant. Le vent avait forcément amené des graines sur ce toit... Entre les pieds du non-mort, elle vit briller d'une petite lueur émeraude les promesses de vie. Le soulagement l'envahit. Cela lui suffirait. Un second biomana apparut dans sa main, et s'évapora à son tour ; la mélodie changea entre ses lèvres, se modula. Le Chant de croissance focalisa ses sens magiques sur les graines, en appelant à leur vitalité. Elle allait mettre fin à leur attente, et leur permettre de se développer... Quelques germes commencèrent à tordre leurs minuscules vrilles d'un vert tendre, qui s'enroulèrent autour des chevilles de l'inconnu.

L’apparition de l’inconnu prit Revan au dépourvu, et cette silhouette sombre, jaillie de nulle part, le fit frissonner malgré lui. Il n’était pas encore très bien remis des émotions de la journée, et voilà qu’un nouveau protagoniste se présentait à l’improvise, armé et tenant incertaine son origine et ses intentions.

Le guerrier du Conclave n’hésita qu’un très bref instant, ayant reconnu un sortilège qui visiblement ne lui été pas destiné. Il tira son sabre d’un geste sec, le faisant tracer une ligne imaginaire entre l’inconnu et lui, lentement, afin de ne pas le provoquer. C’était cependant futile, la silhouette assombrie par ses vêtements discrets et sans originalité n’avait manifestement pas l’envie de faire quoi que ce soit, comme engager la conversation, par exemple. Quelque chose chez cet individu éveilla instinctivement la méfiance de Revan, sans qu’il trouve pour autant une raison rationnel pour l’expliquer.

‘Vous êtes sur une zone d’intervention du Conclave de Selesnya’ jeta Revan avec un formalisme inamical. ‘Nous souhaitons venir en aide aux habitants sinistrés. Si vous souhaitez nous y aider, je suis certain que vous pourrez y gagner une récompense de la part des autorités. Sinon, vous feriez tout aussi bien de partir’.

Malgré sa neutralité apparente, l’expression du Selesnyan indiquait clairement qu’il préférait la seconde option. Il n’aimait pas voir ce type traîner dans les parages, sans compter que personne n’avait encore identifié le ou les responsables du sinistre…