Magic The Gathering-Jdr Jeu de rôles inspiré du jeu de cartes |
| | Un vrai sac de nœuds... | |
| | Auteur | Message |
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Équilibre, le Neuvième Maître du Jeu
Nombre de messages : 116 Date d'inscription : 27/05/2016
Feuille de personnage Niveau: ☼☼☼☼☼☼☼☼☼☼☼☼☼☼ Points d'Expérience.: (1000/100) Zinos (argent): (1000/1000)
| Sujet: Un vrai sac de nœuds... Mer 8 Juin 2016 - 2:36 | |
| [HRP] Ceci est une quête longue et vaste pour Shakarn, Aenorial, Rahinov, et Mjokkoto. Parce qu'elle ne commencera pas avec les protagonistes réunis, elle débutera dans un premier temps par MP avec moi-même, séparément avec chacun de vous. Je m'occuperai de transférer les post ici lorsqu'il sera temps. Pour la chronologie, ce scénario se situe durant les cinq lunes d'attente données par Yarkol aux Vrais Enfants de Ravnica. C'est-à-dire...
- Pour Rahinov, avant la période où Jade est sous son toit.
- Pour Aenorial, environ deux mois et demi après le pétard mouillé au stade où il en est maintenant (dernier post en Aout 2015)
- Pour Mjokkoto, également deux mois et demi après le pétard mouillé au stade où il en est maintenant.
- Pour Shakarn, quelques temps avant son rp à Kyrma avec Jade.
C'est parti ! [/HRP] | |
| | | Équilibre, le Neuvième Maître du Jeu
Nombre de messages : 116 Date d'inscription : 27/05/2016
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| Sujet: Re: Un vrai sac de nœuds... Sam 13 Aoû 2016 - 15:01 | |
| [HRP]J'attire l'attention de Mjokkoto et de Shakarn ici, où se poursuivra comme sur une quête classique leur part de ce sac de nœuds.
Je poste ici les fils de l'une et de l'autre. Sentez-vous libre d'ouvrir ou non les balises spoiler de l'autre. En revanche, je préférerais que les autres participants à la quête, à savoir Rahinov, Aenorial et Urielle s'en abstiennent. Eux trois verront également leurs RPs respectifs se déplacer ici lorsqu'il sera temps.
J'ai adapté les messages privés avant de les recopier ici (corrections de textes et de code, ajustements de descriptions ou d'indications chronologiques...), si différence il y a avec le fil de nos messages privés, la version présentée ici prévaut. [/HRP]- Spoiler:
3 Jeyal 9999, Z.C.
L'assoupie s'adonnait à un de ses passe-temps favoris. Jouer. Elle savourait actuellement cet instant délicieux, où entourée de badauds ignorants, elle pouvait laisser libre cours à ses envies d'une seconde à l'autre. Il n'était même pas nécessaire de choisir une cible, n'importe laquelle ferait l'affaire. C'est alors que prise d'un pressentiment affreux, elle porte brusquement sa main à sa poche, où se trouvait une belle bague dérobée à l'instant à un noble distrait. Où s'était trouvé la bague. S'ébrouant, l'Assoupie jeta des regards paniqués autour d'elle. Personne. A moins que...? Le gamin qui se trouvait devant elle, un jeune devkarin d'une dizaine d'années, sourit alors de toutes ses dents en montrant le fruit de son larçin, au creux de sa main. Il mit la demi-seconde de réaction de Mjokkoto à profit pour s'enfuir en courant, se faufilant entre les jambes de la foule. La voleuse poursuivit le voleur, bousculant les badauds dans une précipitation furieuse. C'est qu'il était rapide ! Après quelques minutes de poursuite, alors qu'elle avait failli perdre le garçon de vue avant de le retrouver après un tournant, Mjokkoto calma ses pensées et commença à apprécier la tournure que prenait ce nouveau jeu. Il la mena à travers un marché, sur le toit d'un entrepôt, et dans un dédale de petite ruelles sinueuses où l'Assoupie perdit de nouveau le garçon. Perdu, raaaah ! Alors qu'elle allait reprendre son errance à la recherche d'une nouvelle distraction, elle entendit un sifflement dans les hauteurs. Encore ce garnement ! Sous son masque, elle eut un sourire crispé, avant de reprendre la poursuite. Elle récupérerait son trésor ! La course dura encore longtemps. A un moment, Mjokkoto se surprit à ralentir d'elle-même le rythme de peur de rattraper l'enfant alors qu'il avait trébuché. Le but du jeu avait-il changé ? L'anneau n'était-il plus ce qui comptait le plus au monde, à cet instant ? L'Assoupie renonça à chercher une réponse pour se concentrer sur son amusement. Il s'était écoulé en tout plus d'une heure, peut-être deux, et la journée tirait sur sa fin. Mjokkoto montait une échelle posée contre le mur d'un bâtiment, près d'une grande place. Il n'était plus question de sprinter depuis longtemps, mais elle se dépêchait malgré tout. Toutefois, sur le toit, elle marqua un temps. Le garçon lui tournait le dos, immobile. Une ruse ? Elle ralentit le pas et s'approcha sans bruit afin de le surprendre. Il ne réagit pas quand elle se dressa à ses côtés et lui ouvrit le poing de force pour en prendre la bague. Lorsqu'elle regarda son visage, elle vit que le devkarin pleurait, le visage inexpressif. Il regardait droit devant lui, loin devant lui, les dépouilles de ses parents, pendues sur la place publique. Les jambes du père battaient encore dans le vide.
Mjokkoto, sans trop savoir pourquoi, ne quitta pas tout de suite le jeune enfant. Il était en état de choc, et le prendre en chasse l'avait amusée. Elle ne le tuerait pas pour lui avoir offert une distraction, tout de même ? Et voilà qu'en rentrant chez lui, l'enfant apprenait qu'il n'avait plus de foyer. Plus de famille, non plus. Lorsqu'il reprit ses esprits, ils parlèrent un peu. L'Assoupie ressentit un curieux sentiment, tapi bien au fond, tout au fond d'elle. Comme si elle préférerait que le garçon aille mieux. Le jeune devkarin se nommait Jeil. Il lui parla d'abord de ses parents, sans qu'elle l'ait demandé. Elle prit le temps de l'entendre. Qu'avait-elle d'autre à faire, de toute façon ? Et puis, il était rare que quelqu'un ait une discussion avec elle, la plupart la trouvaient trop étrange, voire inquiétante. Finalement, Mjokkoto, pour la première fois de sa vie, se souvint qu'elle était elle aussi orpheline. Ses parents étaient morts. En avait-elle eu d'autres ? Il lui semblait que oui. Elle prit sur elle de trouver un endroit où Jeil pourrait survivre seul plus de quelques semaines. S'il était tombé sur quelqu'un d'autre qu'elle, son petit tour aurait pu lui valoir cher, très cher. Entre quelques sifflements, elle persuada un orphelinat de prendre en charge le jeune elfe noir. La matrone méfiante, une certaine Mme Molliya, se rendit aux allures louches de l'Assoupie, et accepta de recueillir Jeil. Ce dernier fit alors quelque chose d'extraordinaire. Les yeux brillants, il remercia Mjokkoto, et demanda si, s'il-vous-plaît, s'il-vous-plaît, ils ne pourraient pas se revoir un jour. Sur une longue période, plusieurs mois, Mjokkoto revit Jeil de temps en temps. Il lui montra un jouet qu'il s'était fait avec de l'argile et dont il était très fier. Elle le lui déroba avant de s'enfuir, et Jeil la poursuivit à son tour. Parfois, elle se demandait pourquoi elle faisait ça. Venir le voir. L'écouter - elle ne parlait presque pas. Jouer avec lui. Elle finissait toujours pas décider que ça n'avait pas d'importance.
12 Cizarm 9999, Z.C. Dans l'après-midi.
Mais, un jour, Jeil n'était plus là. Lorsqu'elle lui demanda où il était, une autre femme répondit à Mjokkoto en regardant ses chaussures qu'il avait décidé de partir, qu'il avait des amis ailleurs. L'Assoupie s'était-elle attachée à l'orphelin ? Sans doute pas. Mais alors pourquoi, en entendant cela, ne se laissa-t-elle pas convaincre ?
Mjokkoto détestait les orphelinats. Ayant grandi d’elle-même en abandonnant très jeune l’idée d’être soutenue ou protégée par une famille, elle ne voyait dans ces bâtiments sordides qu’un énième prétexte pour parquer des enfants entre quatre murs, de les contraindre à attendre une opportunité qui ne viendra que par la force d’un miracle alors qu’ils pourraient passer le pas de la porte, et choisir d’accéder au bonheur de leur choix par eux-mêmes ; un enfant orphelin n’est pas perdu dans la forêt, il est entouré de tout ce qu’il faut pour se construire à condition qu’on n’attache pas ses mains à des chaînes invisibles. Il n’y avait vraiment rien pour la réconcilier avec cette gangrène administrative ; ni les bâtisses impropres à l’imaginaire enfantin, ni les régents qui prêchent les vertus de la parenté aux autres quand eux-mêmes en sont incapables, ni les parents qui viennent faire leurs enchères à l’enfant le plus prometteur, pas même cette foutue fontaine dont l'eau sentait la misère. Elle savait que Jeil n’y serait pas resté longtemps ; après un tel traumatisme, elle avait vaguement pensé qu’un endroit avec des enfants qui le comprendrait lui permettrait de se remettre un peu sur pied. Et puis, un petit larron espiègle comme lui aurait immédiatement détesté cet endroit − à raison −, et se serait efforcé d'oublier son passé pour grandir sans contrainte et…
« A-TCHAAAAAOOUUUU ! »
Malgré son armure, il fait plutôt froid dans ce quartier la nuit. L’Assoupie n’avait pas pu retrouver son petit camarade. Cela aurait pu s’arrêter là, une énième personne qui apparaissait pour mieux disparaître de sa vie, et qui était allé s’amuser ailleurs. L’Assoupie ne s’en serait pas plus inquiétée et serait allée jouer à nouveau dans son coin… si la matrone n’avait pas été à deux doigts de lui hurler que quelque chose se tramait.
« Non non non, vot’ morveux est pus là, il est pus là ! − Pourquoi ...? ...Où ? Vous… gérez un orphelinat… ou un toit sans murs ? − C’m’est égal c’que vous y croyez ! L’noiraud est pus là, on l’a emmené et… − …On ? Qui ? − …M’avez mal compris ! Il est parti, c’tout ! J’ai du travail, laissez-moi ! »
La matrone prit violemment la porte dans l’espoir qu’elle la referme au nez de l’Assoupie : mais sa main griffue stoppant net son élan a momentanément refréné ses ardeurs, juste assez pour lui faire comprendre qu’on ne se débarrasse d’une folle en armure un peu trop attachée aux enfants aussi facilement.
« Frrrrrrr… Où… est Jeil ? Qui est ‘’on’’ ? Que lui… avez-vous fait ? ...Parle vite !!! − NONNONNONNONNONnonnonnonnon !!!! Fit la matrone d’une voix hystérisée par la peur soudaine. Il est pus là l’morveux, pus rien à faire pur lui, PARTEZ !!!
Et dans un geste désespéré, la matrone arracha la porte de l’étreinte griffue de l’Assoupie pour la verrouiller violemment sous son nez, juste le temps qu’elle entraperçoive cette bourse étonnamment rebondie pour une matrone d’orphelinat qui ment bien trop mal pour arrondir ses fins de mois comme courtisane du Quartier Va-et-vient. C’était la première raison qui l’avait poussé à rester jusqu’à la tombée de la nuit ; une bourse aussi remplie ne pouvait pas rester aux côtés d’une matrone aussi lâche. Mais à mesure que le temps passait, une question maintenait l’Assoupie étonnamment réveillée et attentive à la situation : A quoi bon s’acharner pour un enfant, manifestement victime d’une des énièmes manigances qui font l’habitude de la Ville-Monde ? Parce que, pour la deuxième fois de sa vie, Mjokkoto se rappelait qu’elle-même avait été aussi orpheline que Jeil, sans grande valeur ou même l’ombre d’un intérêt, seule, et qu’elle aurait bien aimé que quelqu’un assez fou pour jouer à se briser le cou pour une vulgaire verroterie puis écouter ses malheurs puis… devenir son ami… l’aide à s’échapper de son « orphelinat »… Un jeu difficile aux règles complexes et périlleuses, mais un jeu qui valait le coup d’être joué. Un innocent à sauver est si rare de nos jours…
13 Cizarm 9999, Z.C. Tôt dans la nuit.
La nuit était épaisse comme un fond de chaudron, et même les veilleurs Boros ne s’encombrent pas à surveiller un orphelinat miteux à une heure aussi tardive. Et la dernière lumière de l’établissement venait de s’éteindre ; une occasion idéale pour s’infiltrer en quête d’indices. Mjokkoto escalada sans peine la première fenêtre à sa portée, et atterrit sans bruit dans le couloir plongé dans les ténèbres. Elle posa vite sa main sur son ceinturon ; son petit paquet de bonbons était toujours bien en place. Sa première mission était simple et misait sur un principe que la plupart des orphelins suivait ; si un adulte ment aussi ouvertement et craintivement, il y aura des enfants pour en savoir les raisons, sans les craintes. Il fallait donc trouver des enfants qui connaissaient Jeil et qui pourraient lui indiquer la marche à suivre. Et si tout se passait bien, elle garderait un chien de sa chienne à cette satanée matrone. Surtout au sujet de sa bourse. Mais il fallait d’abord trouver le dortoir. Mjokkoto ouvrit la première porte à sa gauche. **Advienne qui pourra-t-on…**
La porte s'ouvrit avec un infime grincement. Par habitude, L'Assoupie préféra y pénétrer après un premier coup d’œil de principe au lieu de glisser sa tête dans l'entrebâillement et laisser son corps à découvert dans le couloir. Il s'agissait d'une sorte de réfectoire. Sombre et désert, visiblement. En longueur, la pièce comprenait trois longues tables avec des bancs, ainsi qu'une autre table, plus large et moins longue, avec des sièges. Personne en vue. Une porte au fond, elle ouvre peut-être sur la cuisine. Mjokkoto repart dans le couloir. Elle dédaigne deux bureaux aux portes vitrées pour se concentrer sur son objectif. Elle gravit un escalier avec une discrétion satisfaisante, et se retrouva dans un nouveau couloir, flanqué de nombreuses portes qui avaient tout à fait l'allure de chambres communes. Des numéros, pairs d'un côté, impairs de l'autre, commençaient à s'écailler sur le bois des battants. Le hurlement d'un chien, au loin, vint fendre le silence de la nuit. La vagabonde masquée tint à regarder par les serrures, mais constata que toutes celles des numéros pairs étaient obstruées. Les autres révélaient des scènes trop sombres pour être bien distinguées. Au bout du couloir, cependant, Mjokkoto aperçut vaguement le visage d'un garçon, éclairé par un rayon de lune, sur sa couchette.
Comme elle s’y attendait, il n’y avait personne pour veiller sur la sécurité des orphelins. La vétusté du bâtiment faisait amplement son office, cela dit ; quel malfrat viendrait s’introduire dans un vieil orphelinat perdu dans un quartier anonyme pour espérer voler les orphelins les plus inexistants qui soient ? Même un meurtre de masse perpétré en toute impunité n’y aurait aucun intérêt. Un contexte idéal pour laisser Mjokkoto fouiller les lieux à sa guise. Elle jouait pourtant de malchance, car toutes les salles qu’elle visitait étaient vides de tout intérêt. Un réfectoire, quelques bureaux, un couloir vide. Puis un nouveau couloir vide, différent des autres avec ses portes sagement alignées dans l’obscurité. **Des chambres… A une heure aussi tardive, j’espère qu’ils ne dorment pas.** Elle s’avança à la porte n°3 pour jeter un coup d’œil par le trou de la serrure, mais elle ne vit qu’un mauvais angle qui ne put pas la renseigner davantage. Ne voulant pas prendre le risque de tomber sur un adulte, elle n’insista pas et alla voir la porte n°2, celle de la chambre à l’embouchure du couloir. Mais la serrure était obstruée. Une porte qui voulait cacher ses secrets aux curieux indélicats. **Une porte timide… ou qui a des choses à cacher ...?** Elle alla rapidement regarder les portes de ce même côté : elles portaient toutes un numéro pair, et toutes leurs serrures étaient aveugles. L’Assoupie passa un doigt dans l'une d'elle, et sentit une surface dure à l’extrémité ; ce n’était donc pas le manque de lumière, mais bien un geste délibéré pratiqué sur toutes les portes aux nombres pairs. Pourquoi ? **Les orphelinats sont comme les vieux... leur apparente vieillesse cache des secrets qui ne demandent qu’à être découverts...** Ce détail était trop peu ordinaire pour ne pas avoir au moins un lien avec l’affaire qui l’occupait, elle examina la dernière porte pair. Mais celle-là offrit une image à l’Assoupie qui manqua de la faire siffler de surprise. Le visage d’un garçon allongé et immobile sur sa couchette dans la pâleur glacée de la lune se présentait à son œil ébahi. Elle avait une chance d’avoir ce qu’elle cherchait. D’un mouvement calme et fluide, elle ouvrit le loquet et la porte se déverrouilla sans broncher ; la voleuse sait qu’il n’y a aucun intérêt à laisser des orphelins s’enfermer à leur guise. La porte fut plus bruyante, mais tout l’univers resta indifférent à ce grincement, même le petit couché pourtant si près de laisser une étrangère l’approcher. Elle s’engouffra d’une traite dans la chambre, ferma la porte qui obéit de manière plus collaborative, s’approcha du garçon, posa tout doucement sa main gauche sur sa bouche puis le secoua un peu pour le réveiller, et lui susurra sa requête :
« Frrrr… petit…petit… Pas un son, pas…un bruit…Je…ne te ferais…rien, mais écoute-moi…je cherche un autre orphelin…un elfe noir…Jeil…Connais-tu ? Ta stupide matronne…rrrrrrrr…ne veut rien me dire…sauf qu’il est parti…. Sais-tu…Pourquoi ? Comment ? Avec qui ? Je ne te… ferais rien… mais si tu sais… Cligne des yeux une fois, et…tu pourras parler… sinon, deux fois et je… te laisserais… dormir… Pas un son, pas un bruit… »
− MMMH-MMMMMMHMM !!! Le garçon se débattit et tenta de crier. L'infiltrée conserva sa main sur le visage du garçon avec douceur mais fermeté, et lui parla doucement. A ses mots, l'enfant cessa de de bouger et se tut pour écouter ce qu'elle disait, les yeux écarquillés de peur. Mjokkoto attendit un moment puis répéta : − Cligne une fois... pour discuter .. Et deux... frrrr... je m'en vais.. Le garçon cligna fébrilement des yeux. Une fois. Deux. Quatre. Trop. Il parut s'être calmé. Il leva une main tremblante vers sa bouche, l'autre en l'air, bien en vue. Il fit mine d'écarter la main de L'Assoupie. Elle le laissa faire, lentement, très lentement, un index dressé là où se trouvait sa bouche en un signe aussi universel que la main ouverte en évidence. − Chhhh... Pas un son ! ... pas un bruit... L'enfant prit deux grandes respirations, se remit de son émotion, et chuchota doucement : − T'es qui, toi ...?
− ...Kss... Moi, c'est... Mjo... kkoto... et toi ? − Davin. Tu fais quoi, ici ...? Si Ferdina t'attrape, tu vas voir... L'Assoupie put avoir un regard de plus près sur l'enfant. Il ne devait pas avoir plus de sept ou huit ans ; il avait des cheveux mi-longs et des traits juvéniles, efféminés même, mais c'était bien un garçon, tout comme les autres enfants endormis dans la chambre. Ses oreilles pointues trahissaient son origine elfique. − ... Un ami... que j'ai perdu... Je veux savoir pourquoi... il est parti... un elfe noir... Jeil... connais-tu ...? L'enfant ne réfléchit pas longtemps, encore surpris par l'apparition qui l'a réveillé. − Jeil ...? Il est parti, comme les autres... ça fait longtemps déjà. − ... Frrr... Sriii... Mais il... ne devait pas partir... pas comme ça... L'orphelin se redressa sur un coude, les sourcils froncés : − Pourquoi t'as un masque ...? Il te gêne pour parler, non...? − ... ... Je... n'ai... pas d'autre visage... à montrer... Davin sembla tout à fait s'accommoder de cette réponse et continua à voix basse : − Ah.. d'accord.. − ... ... Est-ce que Jeil... est parti... seul ...? De... lui-même... volontairement ...? − Ça j'sais pas... Je jouais avec Luda, et quand j'suis revenu, il était pas là... Ferdina elle a dit qu'il était parti... Elle dit qu'il faut pas poser de question, ça apporte jamais du bon... Davin baissa la tête, l'air triste. − Hier, c'est Luda qui a disparu. −... Ferdina... elle... parle trop... − Tu sais... On le dit pas trop quand elle est là, mais c'était mieux quand il y avait encore Madame Molliya. Madame Molliya... Oui, ce nom disait quelque chose à Mjokkoto. L'orphelinat porte son nom. Une femme rondouillarde et qui ne s'embarrasse pas de manières. La tête bien sur les épaules, elle lui avait bonne impression, c'est pour ça qu'elle lui avait confié Jeil. Bourrue, mais bienveillante. Dans un lit sur la gauche, du côté des pieds de Davin, un garçon plus âgé commençait à remuer et à marmonner dans son sommeil ; il se retourna sous sa couverture. − ... − T'es un ami de Jeil, toi... ? −... ... Mrrrrr... Je crois... un peu... − Il a jamais parlé de toi à personne. Davin sourit de ses dents blanches dans l'obscurité. Il paraissait si fin, si fragile. Tout le monde l'aurait su autrement. Il a pas d'amis, Jeil. Depuis qu'il est là, il parlait à personne. Parfois juste, il partait tout le jour. Quand on lui demandait, il disait qu'il jouait à courir. − ... Il... avait... besoin de... calme, pas de... parler... je crois... − C'est sûr, y a pas de calme ici, répondit Davin en étouffant un petit rire. − ... J'ai mal... choisi cet... orphelinat...si l'on part... aussi bi...zarrement... d'ici... − Mais tu pourrais pas habiter ici, toi... T'es trop grande... −... ... ... Et Molliya ...? − Madame Molliya, elle est partie en vacance... ça va faire un mois bientôt... − ... Frrrr... tu sais où...? − Non, Ferdina nous a pas dit... − ...Frrrrr... et Luda ...? Le sourire s'évanouit sur le visage de l'enfant qui mit un petit instant avant de répondre : − Non... elle m'a même pas prévenu... − ... Jeil... et Luda... ont-ils laissé... quelque chose ...? Davin sembla réfléchir. − ... Non... Ah, si... ! Luda avait trouvé ça sous l'oreiller de Jeil... Le jeune elfe se pencha et chercha à tâtons sous son lit. Il en sortit un petit jouet en argile. Modela grossièrement, on pouvait reconnaître un oiseau de proie, peut-être un aigle ou un rock. Mjokkoto reconnut la petite figurine. Jeil l'avait faite lui-même, et en était très fier. A sa première visite, elle la lui avait dérobé avant de s'enfuir, et il l'avait prise en chasse. Il ne s'en serait sans doute pas séparé s'il n'avait l'intention de revenir. − ... Il... volait... si bien... − Hein... ? Qui ça, Jeil... ? − ...Frrrr.... − ...Davin... ferme-la... Visiblement, le garçon sur la gauche se réveillait. −... ... ... L'Assoupie se déplaça souplement vers la droite, hors du rayon de lune qui tombait sur le lit de Davin, et s'accroupit derrière la tête de lit. − ... Ferdina... sait... − Chhht, fit Davin avec un doigt sur la bouche, avant de s'allonger. Un moment passa ainsi. Lorsque la respiration de l'autre garçon se fit plus profonde, Davin releva la tête dans sa direction, avant de se redresser et de reprendre en murmurant : − Tu sais, au début, j'ai eu peur que tu sois venu pour m'enlever. Les grands, ils disent que c'est comme ça que les autres ils disparaissent... mais en fait c'est chouette de parler avec toi, Mjo... − ... J'aime bien... enlever, mais... pas les gens... c'est... trop lourd... − T'enlèves quoi, alors...? Les animaux de compagnie...? Les bébés...?, ajouta-t-il en souriant de nouveau. − ... Les trucs... La réponse parut satisfaire Davin. − Ah ouais... D'accord. Moi j'aime bien dessiner... Mjokkoto montra le rapace d'argile à l'enfant : − ... Je peux... garder ...? Davin parut hésiter. − En fait, j'voulais le rendre à Jeil quand il reviendra... −... ... Je vais essayer... de... le trouver... avant... − Tu vas lui redonner ...? − ... C'est... qu'il aura besoin d'ailes... pour... mieux voler... Une fois encore, la réponse parut tomber sous le sens pour le jeune elfe. − D'accord, alors... tu fais attention, hein ...? − ... Srrrr... précieux... comme un collier... Orzhova... Là, l'orphelin ne parut pas comprendre, mais il hocha la tête tout de même. Mjokkot saisit le paquet de bonbons à sa ceinture et le déposa lentement sur le lit de l'enfant. − ...Shhhhh.... merci, Da...vin... − C'est quoi...? − ... Des caramels... gris...pas... facile à... chiper... − Ca se mange...? − ... Heh... comme... tous les caramels... − Chouette... merci, Mjo... tu vas revenir bientôt, dis...? −... ... ... Rien... que pour toi... alors... j'espère... que tu cours vite... − Super vite...! Pourquoi tu dis ça...? − .. Heh... tu... verras bien... − Tu t'en vas, là...? − Il est... tard... je vais te... shhh... laisser dormir... Comme par magie, Davin fut alors pris d'un long bâillement. − Tu lui diras bonjour, à Jeil...? − ... Mais... si... je le vois... le soir ...? Davin parut réfléchir. Il se frotta les yeux et marmonna un peu fort : − Alors tu lui dis salut... comme ça ça va... Puis il se laissa retomber sur son matelas, les yeux fermés, après avoir glissé le paquet de caramels sous son lit. −... Heh... d'acc... L'Assoupie s'éloignait doucement, lorsque prise d'une subite inspiration, elle retourna au chevet du jeune orphelin. Lentement, avec douceur, elle cogna les lèvres de métal de son masque contre le front de l'enfant, qui semblait déjà dormir. −... Merci... pour... les caramels... Mjokkoto se glissa sans un bruit hors de la chambre, et en referma la porte qui ne grinça pas, cette fois. Une fois dans le couloir, elle marqua un temps d'arrêt, à l'écoute. Des respirations régulières semblaient sortir de toutes les chambres. Aucun bruit, pas de pas, ni de sabots dehors, pas de voix. La nuit. **Ferdina...pas la gentille, la méchante et peureuse... Je vais aller lui dire bonne nuit... à elle aussi...** L'Assoupie se doutait que la chambre de la matronne ne se trouverait pas ici, mais sa curiosité lui fit pousser une des portes paires, dont les serrures étaient obstruées. A l'intérieur, d'autres respirations paisibles. Quelques pas à l'intérieur suffirent à Mjokkoto. C'était des chambres de filles. Elle quitta la pièce comme une ombre en refermant le battant. Une rapide exploration de l'étage lui montra une salle d'eau, des latrines malodorantes, ainsi qu'une cuisine sale. A l'étage, cependant, dont l'accès était certainement réglementé, elle trouvé une bibliothèque, un cabinet verrouillé... et un petit couloir qui donnait sur deux portes, au fond. L'une d'elle était fermée à clé, et de l'autre sortait un ronflement sifflant. L'Assoupie était sur le point de pousser le battant, lorsque trois coups puissants résonnèrent dans le bâtiment. Quelqu'un frappait au beau milieu de la nuit aux portes de l'orphelinat.
- Spoiler:
11 Cizarm 9999, Z.C.
Tard le soir.
« On t’a déjà dit que t’es un vrai geignard, Skraal ? - Juste plus malin que toi, Khol. On aurait pas dû les laisser venir. » Le pluriel en question se référait aux jumeaux ogres Volg et Grog, deux brutes à la peau grise, actuellement en train de surveiller plus ou moins attentivement la ruelle dite des Huit poutres, depuis le deuxième étage du niveau opposé à celui où Skraal et son compère viashino s’étaient embusqués. Skraal se demanda brièvement si les ogres avaient songé à un moyen de descendre au niveau de la rue lorsque les Rakdos se pointeraient. Ce qui ne se produisait toujours pas. « Ils devraient être là, non ? - Sauf si on s’est foutu de nous. » répondit Khol Crête-Noire, en étirant quelques consonnes de sa phrase, à la façon caractéristique de ceux de son espèce. Par familiarité plus que par crainte d’être espionnés, les deux Gruuls n’employaient pas entre eux le Ravi courant, mais le parler-de-bataille, un sous-dialecte interne au Clan de la Hache Écarlate, qui laissait la part belle à la communication gestuelle. Les mains écailleuses du viashino étaient pour leur part refermées autour d’une arbalète qui, en dépit de maintes encoches et autres « décorations », semblait trop solide pour être de facture gruul. Skraal jeta un nouveau coup d’œil dans la ruelle quasi-déserte, et soupira : « Et pourquoi on se serait foutu de nous ? - Peut-être que le chef préférait aller faire sa grande chasse sans rameuter tout le clan. - Il ne se serait pas privé d’Itaki, riposta Skraal en grattant une croûte de sang sur son flanc droit, signe de son dernier duel à Kyrma avec ce tueur sournois. Il se demanda pourquoi il avait accepté de revenir dans la Cité si peu de temps après cet épisode frustrant. Khol siffla entre ses dents –un son inquiétant pour quiconque ne l’aurait pas bien connu-, et lâcha : - Tu ferais mieux d’aller voir ce qu’elle fait. » Skraal ne se fit pas prier. Il était d’humeur maussade aujourd’hui, un peu d’action ne lui ferait pas de mal, mais les anciens dieux ne semblaient pas pressés d’exaucer ses vœux. Il quitta le recoin de la ruelle supérieure où patientait son frère de clan, et défila le long des chaumières de briques sèches qui paraissaient l’habitat ordinaire de cette portion des faubourgs ouest de la Cité. Le soleil était haut, mais la flèche d’une tour pourtant éloignée l’empêchait pour le moment de les atteindre. Skraal jeta un coup d’œil vers ladite tour –on était pourtant loin du Centre, et ce genre de structure ne semblait pas courante ici, même s’il ne connaissait pas assez bien les environs pour en juger sérieusement. En tout cas, la tour ne comportait aucun élément reconnaissable.
Itaki Parle-à-la-Terre attendait dans un autre coin d’ombre surélevé, à l’angle de la rue. La gobeline, dont la peau bleu foncé tirait sur le noir, sourit en l’apercevant, ce qui améliora un peu son humeur. Elle se tenait contre un mur, ses dreadlocks tombant vers l’arrière ainsi que sur l’avant de sa tenue en cuir animal. Le bâton aux colifichets qui symbolisait son rang était encore posé à ses pieds. Une part de lui sentait que la présence de la shamane signifiait que cette petite expédition n’était pas si anodine qu’il aurait pu le penser au premier abord. « Alors, qu’est-ce que tu prépares ? - Tu sais pourquoi ce coin s’appelle la ruelle des Huit poutres ? - A cause de ça, suggéra Skraal en faisant un bref signe de la main. La rue principale était en effet surplombée d’énorme troncs plutôt proprement taillés - assez large pour permettre le passage d’un brunécaille- qui venaient s’encastrer de part et d’autre dans les structures avoisinantes. Skraal n’avait guère de mal à imaginer ce qu’une ghildmage pouvait faire d’éléments - pierre et bois - qui ne demandaient qu’à revenir à une forme plus… sauvage. - Un chasseur doit apprendre la patience. » chuchota la shamane, avec une malice qui fit pétiller ses petits yeux verts. Une petite pique que Skraal n’aurait pas laissé passer, si elle n’était venue de quelqu’un ayant deux fois son âge, et une affinité bien plus profonde que la sienne avec les esprits-éternels-de-toutes-choses. Le guerrier pressa machinalement ses pouces contre les gardes de ses épées, et s’allongea contre le mur opposé, laissant ses pensées errer sans les retenir sur aucune idée nette. Il attendait, puisque la stratégie de chasse l’exigeait.
Il n'eut plus à attendre longtemps. Avant même d'entendre quoi que ce soit, il se mit debout, en voyant Itaki se redresser brusquement. Elle se tourna vers lui, les traits soucieux. Lorsqu'il s'approcha, il l'entendit psalmodier à voix basse, comme si la vieille gobeline récitait un mantra. Puis lui fit signe d'approcher. Shakarn s'agenouilla pour être à sa hauteur, et Itaka Parle-à-la-Terre lui prit le visage entre les mains. «Ce qui se trame est important. Plus important que tout ce que tu as vu de ta vie de guerrier, Shakarn. J'étais là lorsque tu as plongé ta main dans l'eau-qui-blesse, et c'est moi qui ai écrit ton nom auprès de ceux des autres guerriers dans la grotte-aux-esprits. Je te connais. J'ignore quelle part tu joueras dans ce qui va arriver, mais n'oublie pas que, quelle qu'elle soit, tu seras à sa mesure. Le guerrier ne comprit pas le ton si solennel de la guildmage. Il lui rendit un regard grave, et elle insista : - Est-ce que tu m'entends, sang-du-clan ? Shakarn skraal grava son avertissement dans son esprit, et hocha la tête. - Bien. Ils arrivent. Ils sont plus nombreux que nous le pensions, la bataille sera rude. Va au bout de cette affaire, Shakarn. Personne ne sait comment c'est important. » De son poste d'observatoire, Shakarn Skraal vit un chat détaler dans la rue en contrebas, fuyant l'arrivée de quelque chose. Puis une ombre immense s'étira dans l'allée. Des pas pesants se faisaient entendre, ainsi qu'un faible bruit de roues. La tension était à son comble, et toutes les mains sur les armes, lorsqu'une créature massive fit son apparition. Un démon, certainement. Une créature de cornes, de flammes et de violence, qui dépassait les douze pieds de haut ; il n'avait pas d'autres armes que ses poings griffus, et n'en éprouvait visiblement pas le besoin. Un chariot le suivait, une cage roulante tirée par deux chevaux et conduite par une silhouette voûtée sous une cape. A l'intérieur, des gosses, une dizaine. Ils ne semblaient pas entravés, mais bien prisonniers. Ils ne faisaient pas de bruits, et remuaient à peine. Autour du chariot, quatre hommes colossaux armés de cimeterres et de haches faisaient l'escorte. Shakarn leva les yeux pour jeter un regard à Khol. Évidemment, il était crispé sur son arbalète, et son regard promettait mille morts. Le viashino, devenu frère d'armes de Shakarn, avait passé presque toute son enfance en esclavage près des carnariums. Cette colère ne sera pas de trop dans le combat à venir !
L’inquiétant avertissement d’Itaki résonnait encore à ses oreilles lorsque le convoi tant attendu fit enfin son apparition. La silhouette massive de la créature démoniaque apparut la première, mais loin d’inquiéter Skraal, elle lui fit tirer un sourire carnassier à l’idée du combat imminent. Son cœur se mit à battre plus vite sous l’effet de l’excitation, et il profita de ce qui restait de calme avant la tempête pour canaliser un pyromana. Quelque chose à l’arrière-plan de sa conscience sauvage savait qu’il en aurait besoin.
Son attention consciente était quant à elle focalisée sur les futures proies. Ses yeux vifs passèrent avec un mépris non feint sur chacun des guerriers Rakdos. Si le terme de guerrier pouvait convenir pour des lâches sans honneur, des créatures fourbes ayant trouvé refuge dans les ténèbres, déniant la majesté de la Nature pour la jubilation narcissique qu’ils trouvaient dans leurs jeux sadiques ! Sa colère n’eut plus de bornes lorsqu’il discerna la cage qui transportait les enfants prisonniers, et il n’aurait pas eu besoin d’observer les visages de ses frères de Clan pour savoir que ces pratiques de rapts et de sacrifices leur inspiraient à tous la même haine. Il se redressa alors, avant de lancer à plein poumons un cri de guerre qui résonna dans la nuit : « [color:6923=#orange]POUR CISARZIM : MORT AUX ESCLAVAGISTES ! MORT A RAKDOS ! » Et il plongea dans le vide, genoux fléchis pour se réceptionner, visant le chariot qui avançait… …plus vite qu’il ne l’avait cru. Il fût secoué et faillit basculer, s’agrippant instinctivement à ce qu’il pouvait. Ses sens aiguisés perçurent les tirs de l’arbalète de Khol, et plus encore le borborygme étouffé d’un Rakdos touché, non loin. Il ne put s’empêcher de sourire et releva la tête, distinguant l’énigmatique conducteur du chariot, et au-delà, la forme monstrueuse du Démon qui se désintéressait de lui au profit des ogres qui, fléaux d’armes, boucliers et haches de combat en mains, chargeaient, trop idiots ou trop Gruuls pour connaître la peur.
Il n'y avait sans doute pas de meilleurs adversaires à opposer au démon que les deux ogres. Shakarn les avait vu à l’œuvre et ils commettaient des ravages ensemble. Pourtant, le guerrier eut comme un doute lorsque le démon s'approcha sans hésitation d'eux en serrant les poings. C'était leur combat. Lui, pour l'heure, venait tout juste de retrouver son équilibre lorsque le chariot, secoué par son atterrissage, eut retrouvé le sol sous ses quatre roues. Il avait eu l’intention d'abattre le cocher aussitôt, mais sa réception difficile ne le lui permit pas, et le conducteur sauta du banc de coche avant de se précipiter derrière les deux guerriers à gauche du convoi - sans compter que Shakarn avait perdu l'emprise sur son mana rouge, qui se dissipa. A ce moment, il entendit un deuxième vrombissement caractéristique, et un autre cultiste s’effondra, un carreau gruul dans la gorge. Un adorateur tenta alors de porter de son cimetière un coup à Shakarn. A cette distance, cependant, le guerrier de la Hache Ecarlate put aisément esquiver l’assaut, qui s’acheva contre la cage en de petites étincelles, provoquant les cris des enfants à l’intérieur. Il profita de la manœuvre pour se diriger vers l’arrière du chariot et se laisser glisser à terre en dégainant ses armes. Dans le mouvement, il entendit juste le bruit sourd d'un des ogres qui tombait au sol. Le démon venait d’écraser son poing massif dans la figure de Volg - Grog ? - qui atterrit dans la poussière, le nez et les dents en désordre, sonné. Khol arriva à ce moment-là, deux courtes lames en main.. Sans hésiter en voyant pourtant ses camarades en difficulté, il se rua avec colère sur le chariot, dont il réussit à faire céder le verrou en quelques coups rageurs. Pendant ce temps, l'ogre restant qui s’était interposé pour protéger son frère avec son grand bouclier était brutalement poussé sur le côté par la force effroyable de son adversaire. Avec un beuglement furieux, il envoya sa hache dans le dos de la créature au moment où celle-ci marchait de tout son poids sur la figure abîmée de l'ogre à terre, faisant exploser le crâne avec un bruit ignoble. Le coup n’eut cependant pas l'effet escompté, et le monstre démoniaque poussa un grondement de contentement en sentant le fer dans ses chairs. Shakarn entendait ce qui se passait sans le voir, et sentait que le combat leur échappait. Il attendit à l'angle du chariot les deux guerriers qui se ruaient sur lui, et canalisa un nouveau pyromana dont l’énergie bouillonnante se mit à tournoyer impatiemment autour de sa main. Ils allaient avoir besoin d’aide. Mais que faisait Itaki ?
Khol faisait du bon boulot, mais Skraal ne comptait pas se faire voler toute la gloire, surtout par des méthodes trop subtiles à son goût. Il laissa son frère de clan délivrer les prisonniers, et bondit vers les cultistes Rakdos. La grosse brute au cimeterre essaya de le frapper… Il rit. Ses lames tournoyèrent et mordirent la gorge du lourdaud, le décapitant dans un éclair écarlate. L’odeur du sang envahit son univers sensoriel alors que le crâne étêté allait violemment heurter le deuxième guerrier. D'un geste, Shakarn fit tomber le cadavre à la renverse. Il allait les massacrer, les éventrer, en ensuite il châtierait le démon-cornu pour avoir osé endeuiller sa fratrie… Le Gruul fit à nouveau siffler ses épées ensanglantées, mais le second Rakdos semblait plus vif, et se recula au dernier moment. Il l’agrippa et le projeta vers le sol de toute sa force. Skraal ne tenta pas de résister mais et accompagna la chute pour se libérer de la prise de son adversaire, évitant le coup de hache qui suivait. Il roula sur le sol en manquant lâcher ses armes. De sa position, il vit alors que le cocher avait ôté sa capuche, révélant une tête étrangement tatouée qu'il n'eut pas le temps de détailler. *Ça pue la sorcellerie* pensa-t-il avec une grimace haineuse. Alors, un cri couvrit le tumulte du combat. Tout le monde leva les yeux. Shakarn aperçut loin au-dessus des pavés sales de la ruelle la ghildmage gobeline du clan, Itaki parle-à-la-terre. Elle était montée au niveau supérieur et se tenait sur une des grandes poutres qui traversaient les deux façades en surplombant la rue. Elle avait les bras et la figure tournés vers les cieux et criait des appels aux éléments primaux, exigeant leur éveil. Alors que tous fixaient la shamane dans cet instant de flottement, Shakarn avait été le seul à remarquer que le conducteur du chariot avait joint les mains et commencé lui aussi à incanter. Entièrement imberbe, on ne voyait en guise de son épiderme plus qu'un entrelacs de symboles tribaux noirs et rouges, et ses dents étaient toutes découvertes. A l’instant où Shakarn réalisait que le démon n’était peut-être pas l’élément le plus redoutable de l’escorte, un grincement effroyable se fit entendre. La poutre sur laquelle se tenait Itaki développait des excroissances ligneuses qui filaient à une vitesse ahurissante, telles les gigantesques branches d’un arbre, vers le démon qui se tenait en-dessous. Sur un rugissement de la bête, des flammes vinrent nimber sa silhouette, mais elles ne purent rien contre cette végétation en folie qui le ceinturait. De sinistres craquements commençaient à se faire entendre lorsque le cocher du chariot acheva ses formules sur un grondement guttural et fit un ample mouvement de bras en direction du bois constricteur. Un feu sombre et dévorant surgit alors brusquement de nulle part et consuma la végétation invoquée par la gobeline, vif et vorace comme si tous les diables de Ravnica soufflaient dessus, comme s'il ne se contentait pas de brûler mais avait pour vocation d’anéantir. Les entraves du démon tombèrent en cendres et en suie. Khol et l'ogre au bouclier reculèrent sur le côté, de même que le guerrier qui avait mis Shakarn à terre. Tout le monde semblait laisser la place à ce combat entre mages, qu ces déchaînements de puissance semblaient placer à un tout autre niveau. Alors Itaki cracha quelques syllabes rauques et, étendant les bras vers les parois dans lesquelles la poutre se fondait, Shakarn vit la gobeline trembler, les yeux révulsés, investie d'un pouvoir considérable. Il savait la Ghildmage puissante, mais ne se figurait pas qu'elle maîtrisait de telles forces. Les bâtiments de pierre se mirent à frémir, et deux bras de pierre, prolongés par des mains titanesques, se distinguèrent des murs et prirent le démon dans un étau de pierre et de mortier dont aucun feu ne pourrait venir à bout. Le démon hurla à mort, et les chevaux hennirent de terreur devant la violence de ce cataclysme. Le sol lui-même fut secoué lorsque les membres de rocailles déchirèrent par le tronc la créature démoniaque qui mourut dans un dernier rugissement. Tout le monde paraissait paralysé devant cette scène irréelle d'un titan écartelé en deux moitiés par des mains de roches encore plus démesurées. Tous sauf le cultiste tatoué de Rakdos, qui serrait son poignet en psalmodiant des bribes qui faisaient rougeoyer son poing. Tous sauf Shakarn, qui avait un terrible pressentiment.
Skraal secoua la tête. Le démon était mort, apparemment. Brisé en deux par la force sauvage de la Terre Mère. Son cœur balançait entre la fierté et une envie furieuse de massacrer les Rakdos restants Tout ce déchaînement de magie l'avait inspiré, et tout en surveillant le Rakdos tatoué et psalmodiant, il canalisa un second pyromana avant de pousser dans le vide en direction du guerrier à la hache. Des flammes se concentrèrent dans sa paume et jaillirent dans l’instant, traversant les airs pour aller brûler le bras de son adversaire, qui encaissa cependant plutôt bien cette attaque magique. *Va falloir faire les choses à l’ancienne. Laisser la magie à ceux qui savent…* Il venait de ramasser ses épées et s’apprêtait à foncer dans le tas, lorsqu’un éclair écarlate fendit les airs dans un crépitement furieux, quelque part en direction des hauteurs. Il entendit Khol crier une dénégation tandis qu’un carreau d’arbalète venait se perdre contre le mur. Son cœur se mit à battre à vive allure. Du coin de l’œil, le guerrier vit une petite forme sombre tomber en direction des pavés. Pas Itaki ! Il n’accepterait pas de laisser un autre membre du Clan rejoindre les ancêtres en ce jour ! Mais le maudit sorcier et son sourire qui ne s'effaçait pas allaient devoir attendre. Skraal chargea le guerrier Rakdos en poussant un cri de rage, autant par colère authentique que pour exorciser sa propre peur. Il para de son épée bâtarde le tranchant de la hache, tandis que son autre épée plongea profondément dans l’épaule du Rakdos, visiblement en pleine crise de fanatisme meurtrier. Sa résistance obligea le gruul à faire un pas en arrière, le regard concentré sur les mouvements de sa proie, cherchant une faille à exploiter pour porter le coup décisif…
Le guerrier qui lui faisait face semblait avoir abandonné tout espoir - ou instinct - de survie. Il voulait simplement frapper, pour faire mal, pour tuer. Il se rua en avant, sa hache armée pour un phénoménal coup de taille. Shakarn n'eut pas le temps de réfléchir. Il sentit dans son dos le chariot qui réduisait drastiquement sa mobilité. Il tendit une arme à la verticale pour parer le coup qui arrivait par la gauche, tendit qu'il se fendit d'un estoc avec l'autre, en direction du visage de l'adorateur dément. Celui-ci ne vit pas venir le coup, ou bien il s'en moqua éperdument. La spatha du guerrier de la Hache Écarlate s'enfonça profondément dans son orbite, au moment où il sentait sa garde se faire balayer par la violence de l'assaut de son adversaire. Il sentit comme un léger courant d'air au côté. Impossible de s'assurer n'avoir pas été touché. Déjà, le Rakdos levait sa hache pour porter un second coup, descendant celui-ci. Avec un cri mêlé de souffrance et de haine... son bras retomba, impuissant, et il s'effondra sur les pavés. Un rapide coup d’œil apprit à Shakarn que son armure avait été fendue. Sans doute saignait-il, mais ses tripes étaient toujours à leur place, c'était l'essentiel. Avant qu'il puisse considérer la situation, un cri de guerre se fit entendre, qu'il identifia comme étant celui de Khol. Dans la seconde, il le vit s'élancer vers le cultiste qui avait abattu Itaki à distance, ses deux lames courtes dégainées. A trois pas de lui, Le mage tendit le bras vers Khol, qui tomba à genoux et s'étala sur le sol dans son élan, en lâchant ses armes, avant de se mettre à hurler de douleur comme un possédé. Volg, l'ogre restant, avait apparemment rattrapé Itaki dans sa chute. Le vacarme était énorme ; les mugissements d'agonie du démon finissaient de résonner dans les rues, tandis qu'on entendait encore les cris des enfants qui avaient fui. Les chevaux hennissaient de terreur depuis le début de l'embuscade, et aux hurlements de souffrance de Khol se joignait le rugissement de l'ogre restant, qui tenait contre lui le corps inerte de la gobeline. Shakarn prit une impulsion en méprenant la douleur qu'il sentait s'éveiller dans son abdomen, et saisissant une de ses deux épées à deux mains, il fondit sur le cultiste depuis le côté avec une exclamation guerrière. Au moment où il allait abattre son arme sur sa cible, celle-ci pivota la tête et sur une syllabe crachée entre ses dents à découvert - n'avait-il pas de lèvres ? -, le guerrier Gruul se sentit soufflé par une onde de chaleur qui le projeta en arrière. Il heurta la roue du chariot avec un grognement, accusant le coup. Son ventre commençait à le lancer en de douloureuses pulsations. Shakarn connaissait bien cette sensation, celle des battements de cœur qui chacun faisait s'écouler un peu plus de son fluide vital. Khol avait cessé de hurler et gémissait doucement ; l'assaut de Shakarn paraissait avoir levé l'emprise du mage sur lui. A cet instant précis, un hurlement grave et rocailleux retentit entre les parois de la rue aux huit poutres. L'ogre avait déposé Itaki et chargeait maintenant le mage à pleine vitesse. C'est alors que les yeux de Shakarn tombèrent sur la grande arbalète de Khol, abandonnée sur le sol ; à sa portée et surtout, chargée. Il hésita une seconde, pendant laquelle le cultiste fit un geste des mains en direction du colosse qui le chargeait, avant de lever les deux bras à l'horizontale. Shakarn s'empara de l'arme de tir tandis qu'un torrent de feu parut jaillir de ses paumes, enveloppant l'ogre qui disparut sous ce flot de flammes folles. Le gruul, adossé à l'essieu de bois, pressa la détente. Le carreau libéré fila dans les airs, invisible, avant de se fracasser contre le mur, à un pouce du crâne du pyromancien qui tourna la tête vers l'origine du tir, interrompant de fait son sortilège. L'ogre apparut alors devant lui. Pris dans le souffle ardent, il n'avait pas ralenti. Sur un dernier pas qui augmenta encore son élan, il entra en collision avec le frêle adorateur de Rakdos en une charge d'épaule qui aurait défoncé un mur. Mais il n'en avait pas fini, et après deux grand pas de plus, il asséna au mage un lariat qui l'écrasa contre la paroi avec un bruit écœurant. Alors, le tumulte cessa brutalement. C'est un curieux instant que ce calme après la bataille ; les oreilles semblent fonctionner de nouveau. Les échos retombèrent, on n'entendit plus que le souffle rauque et court de l'ogre, brûlé des pieds à la tête, et les râles de Khol qui semblait doucement se remettre ; même les chevaux se taisaient. Un autre gémissement, peut-être, bien plus discret, se faisait pourtant entendre, de l'autre côté du chariot. Avant de se relever, Shakarn prit le soin d'examiner sa blessure. Elle mériterait un bandage ; de près de cinq pouces de long, son sang s'écoulait à flot des cinq millimètres dont béaient les lèvres de la plaie. Il se mit debout avec précautions. Il récupéra ses deux lames, puis s'approcha du corps du mage. Il avait le crâne fendu, et il perdait une quantité impressionnante de sang. En fait, c'était proprement incroyable : c'était comme si tout son sang avait décidé de quitter son corps pour se répandre sur les pavés de la rue. Shakarn déchira la cape du cocher exsangue avec l'intention de se confectionner une compresse, lorsque tout ce sang se mit à bouillonner par terre. Une vapeur rougeâtre s'éleva dans l'air de la nuit, avant de dissiper. En quelques secondes, il ne restait plus rien des litres d'hémoglobine qui poissaient le sol. Skraal cracha avec mépris sur le cadavre d'une pâleur ivoire. « Skraal, c'est Itaki ! Elle veut te parler ! » Khol s'était traîné au chevet de la Ghildmage. Shakarn le rejoignit. Elle ne paraissait pas blessée, mais sa tunique était noircie au niveau du plexus, où elle avait dû l'atteindre l'éclair magique du sorcier. Elle fixa Skraal de son regard d'ambre, avec une telle intensité qu'elle tremblait de lutter pour rester consciente. Visiblement incapable de dire tout ce qu'elle voulait, elle articula avec difficulté : - Va... jusqu'au bout... Khol me ramènera..va... Alors, elle se détendit brusquement, et sa tête bascula en arrière. Khol s'assura qu'elle respirait encore ; Shakarn, après avoir serré avec la ceinture d'un cadavre sa compresse improvisée en grimaçant, prêta enfin attention aux faibles sanglots qui provenaient de derrière le chariot. Volg, l'ogre survivant, paraissait insensible aux brûlures qui devaient pourtant être terriblement douloureuses ; il avait une main posée sur son frère, allongé plus loin, près des restes de la créature démoniaque. La rue portait partout les stigmates d'un affrontement incroyable. Les murs étaient encore déformés par l'appel d'Itaki et noircis par les flammes du démons ; des pavés avaient été fissurés ou projetés au loin. Et partout, le sang et les flammes laissaient leurs couleurs, leurs odeurs, leurs goûts, Shakarn semblait encore les entendre ronfler dans les airs et couler par terre. De son côté, Khol récupérait les carreaux réutilisables. Allaient-ils fouiller les corps ? Chercher un butin semblait si dérisoire. Ils avaient perdu Grog, Itaki ne survivrait peut-être pas. Et la cargaison du convoi était... enfuie. Non, elle n'avait pas même la moindre valeur pour eux. La Hache Écarlate faisaient partie de ces clans qui ne pratiquaient pas l'esclavage. Ils fallait rentrer, ce serait déjà suffisamment long et pénible, vu leur état. Shakarn arriva à l'angle du chariot. Juste derrière, un petit enfant était recroquevillé par terre. Si jeune, si petite. Des cheveux longs cachaient son visage - une fille ? Sous crâne, Skraal entendait encore Itaki : Va au bout de cette affaire, Shakarn. Personne ne sait comment c'est important. « Khol. Il en reste un, ici. » Le Viashino s'approcha et ralentit le pas en apercevant l'enfant. Shakarn s'éloigna pour aller fouiller les dépouilles. L'enfance que Khol avait passé en esclavage lui avait laissé une certaine compassion pour les enfants ; c'était peut-être le seul guerrier de la Hache Écarlate qui se refusait à en tuer. En tout cas, il se montrerait plus patient que Skraal. De son côté, le guerrier ne trouva rien de grande valeur sur les cadavres. Il récupéra une dague dentelée assez polyvalente : solide, pointue, tranchante, peut-être pourrait-elle être lancée. En mettant ensemble les fonds de bourses, il récupéra une somme qui valait bien un aller-retour de Skarrg au Centre. Enfin, il trouva un collier d'os autour du cou du mage, probablement des phalanges. Il le mit dans une bourse de breloques lorsque Khol Crète-Noire s'approcha. La fillette était debout, à moitié cachée derrière la cage-chariot. Elle était encore plus jeune qu'il l'avait cru. « Elle a été enlevée en même temps que plusieurs autres gosses, dans le dixième district. Ils jouaient dehors, ils viennent de l'orphelinat de Madame Molliya. Apparemment, il est connu dans le coin. Peut-être que les gens là-bas en sauront davantage. Tu as trouvé quelque chose ? - Bah. A part les armes... une vingtaine de Zidos. Rien qui puisse m'aider à en savoir davantage. - Bon, prends l'argent pour la route. Tu rentres pas avec nous, pas vrai ? Shakarn ne répondit rien. Sa place était avec les siens. Les ramener au camp de la Hache aurait dû être la priorité. Pourtant... - Inutile. On ira pas plus vite si tu viens avec nous, tu sais. On va prendre le chariot, les chevaux n'ont rien. » Skraal hocha la tête. Si Itaki le lui avait dit, ça devait être important. Elle savait ce qu'elle faisait, alors il savait ce qu'il avait à faire. Volg dut user de toute sa force pour tordre les barreaux de l'ouverture, afin de pouvoir allonger le corps de Grog à l'intérieur du chariot. Itaki fut allongée dans des couvertures, avec l'équipement de voyage qu'ils avaient emmené pour l'aller. Khol récupéra les armes des Rakdos ; il revint adresser la parole à la fillette, qui hocha la tête, puis s'installa sur le banc de coche. Volg semblait tenir le coup ; il marcherait à côté de l'attelage. Sur un dernier geste de la main, Khol mit le convoi en route. Shakarn se retrouva seul dans la rue des huit poutres. Enfin, presque seul.
Skraal ne perdit pas son temps à se lamenter – ce n’était pas son tempérament, sans compter qu’il avait à faire. Il n’essaya pas d’engager la conversation avec la gamine, qui semblait toujours sur le choc de l’attaque brutale, se contentant de lui redire qu’elle serait bientôt chez elle. Puis ils s’éloignèrent de la ruelle, l’esprit encore sous le coup des derniers événements.
Le regard de Skraal revenait périodiquement sur le collier bizarre qu’il avait récupéré sur le sorcier rakdos, désormais accroché près de sa bourse. Il avait vu des colifichets Gruuls autrement plus étranges, mais l’objet lui laissait une impression bizarre, comme si quelque chose de la noirceur de son propriétaire l’accompagnait. Superstitieux, il faillit le jeter à plusieurs reprises, se demandant ce qu’Itaki aurait pu lui conseiller à ce sujet. Les traditions de pillage du Clan n’excluaient pas le butin pris sur les semeurs-de-mort, mais il fallait être un sacré idiot pour ne pas se méfier de tout ce qui touchait à la sorcellerie.
Leur progression dans les rues de la Cité était lente, car Skraal devait tenir compte de la fille - Luda. De surcroît, il s’arrêtait fréquemment pour estimer la direction, le plus souvent avec un rictus agacé vis-à-vis des bâtiments qui lui cachait la position du soleil. *Comment peut-on accepter de vivre dans un endroit pareil ?* se demandait-il souvent. A mesure que l’après-midi avançait et qu’ils traversaient des avenues plus larges et plus fréquentées, son humeur sombre se mua en vitupérations silencieuses contre l’inutile complexité du mode de vie urbain. Les routes sinueuses et les escaliers en spirale lui donnaient une féroce envie de revenir dans le sillage d’une briserue en colère, l’une des rares choses capables de transformer un quartier en quelque chose d’acceptable pour un Gruul. De temps à autre, il adressait une simple et courte question à un passant ou un boutiquier, lequel l’orientait plus ou moins précisément, mais toujours promptement, avec le désir évident d’éviter de contrarier le guerrier aux armes aussi abondantes que visibles. Mais le plus souvent, il se fiait à son instinct, privilégiant les rues les plus peuplées et les moins susceptibles de mener à des culs-de-sac ou aux extrémités supérieures de la Citerraine. Ils montaient donc régulièrement, Skraal se permettant de temps à autre de porter Luda lorsque sa lenteur l’insupportait trop. Son mutisme n’était jamais plus appréciable qu’à ce moment-là. Le jour passa, et ils durent trouver un abri pour la nuit. Skraal avait été rendu si méfiant par les derniers événements qu’il exclut d’emblée de chercher une auberge. Quelque chose lui disait que leur étrange duo ne pouvaient qu’attirer l’attention, et même si les Rakdos se faisaient rares de ce côté du Pont des Épées, il n’avait pas envie d’avoir à répondre à des questions. Finalement, ils se laissèrent tomber, à une heure assez avancée de la nuit, sur les escaliers menant à l’entrée d’une église délabrée. Si quelqu’un arrivait brusquement, ils auraient de meilleures chances d’être réveillés par le bruit des pas. Il en profita pour changer de position sa compresse, et invoquer aussi l'énergie d'un biomana. Il visualisa sa plaie, et imagina la blessure se refermer en investissant l'énergie viride. Celle-ci se fondit lentement dans son abdomen, où une douce chaleur se fit sentir.
12 Cizarm 9999, Z.C.
Ils se levèrent tard en milieu de matinée, car une pluie les avait réveillé en pleine nuit, les forçant à s’installer un peu plus loin. Malgré cet incofort, Luda avait meilleure mine que la veille et semblait impatiente de le conduire à l’orphelinat, elle paraissait d'un naturel enjoué et curieux. Elle lui faisait la lecture de certaines pancartes publiques - le ravi de Skraal étant au mieux fragmentaire. Sur le marché, il lui acheta des sucreries bon marché auprès d’une vieille commerçante soupçonneuse dont l’un des parents au moins n’avait pas dû être humain. Il lui fit aussi goûter de la viande séchée que les Gruuls emportaient pendant leurs expéditions, mais l’enthousiasme de Luda avait tout de même ses limites. Alors que le soir approchait, la fillette indiqua au guerrier une voie ferrée qui leur épargnerait un détour de presque un jour. Skraal allégea donc sa bourse d'un zido et embarqua avec Luda dans un wagon qui n'avait rien d'engageant. Le trajet ascendant pourtant n'était pas si mal. La vue avait parfois de quoi impressionner, et même Shakarn devait reconnaître que le système hydraulique de remontée faisait bien son travail.
La nuit tombée, ils progressaient dans une portion du dixième quartier plus intuitive que la précédente, et qui possédait un éclairage municipal de lumipostes honnêtes. Skraal décida donc de ne pas faire de pause, quitte à porter Luda - d'autant qu'ils approchaient de la destination, selon elle. Il se sentait en forme, mais son moral menaçait de s’assombrir à nouveau, en songeant à tous les risques que ses frères de Clan risquaient de rencontrer sans lui. Une carriole transportant un ogre n’était pas exactement un moyen de locomotion rapide et discret, et les guildes susceptibles de s’en prendre aux siens étaient suffisamment nombreuses pour ne pas pouvoir être dénombrées sur les doigts d’une seule main.
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Il devait être trois heures du matin, et un air frais soufflait par intermittence dans les rues silencieuses, lorsque Luda - réveillée depuis qu’il avait trébuché sur un chien de mousse errant qui encombrait le passage - manifesta des signes d’excitation : ils touchaient enfin au but.
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| | | Équilibre, le Neuvième Maître du Jeu
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| Sujet: Re: Un vrai sac de nœuds... Sam 13 Aoû 2016 - 15:05 | |
| Shakarn Ils débouchaient bientôt sur une petite placette carrée, avec au centre une fontaine et des bancs de pierre. Une des façades était celle d'un grand bâtiment. De l'extérieur, on aurait pu croire à une église : il y avait quelques marches, un parvis, une grande double porte ; pas de clocher, en revanche. Luda allait s'élancer dans cette direction quand elle s'arrêta. Elle pointa le doigt en direction d'une artère latérale.- C'est là qu'ils nous ont attrapés... Shakarn nota l'information. Mais il devait s'être écoulé au moins quatre jours depuis l'enlèvement, il y avait peu de chance qu'il subsiste des indices. Et puis il voulait d'abord se débarrasser de la gamine, il ne serait pas sûr de rester avec lui. En plus, on devait s'inquiéter de son absence. Il traversa la place déserte et déposa Luda sur le parvis. Sans aucun égard pour l'heure qu'il était, il frappa trois grands coups contre les battants.Mjokkoto L'Assoupie se paralysa. Qui pouvait bien vouloir réveiller tout un orphelinat à une heure pareille ? Et pourquoi ? Elle ne put pousser sa réflexion plus loin : Elle entendait déjà le sommier du lit grincer derrière la porte. Bientôt, Ferdina sortirait en maugréant pour aller ouvrir. Elle ne disposait que d'une poignée de secondes.[HRP] Voilà, vous êtes lancés en terrain connu (ou du moins habituel). Ordre de post : Mjokkoto, moi, Shakarn. Bon jeu !! [/HRP] | |
| | | Mjokkoto l'Assoupie Nouveau-né Ravnican
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| Sujet: Re: Un vrai sac de nœuds... Jeu 18 Aoû 2016 - 0:39 | |
| Ce moment que craint tout cambrioleur devait arriver à cet instant précis, en pleine enquête… Mjokkoto ne supportait pas ces retournements de situation bien trop convenus, surtout quand cela l’impliquait directement. Ce moment où la future victime de vol se voit avantagée d’un hasard très incongru au beau milieu de la nuit, le forçant à se réveiller pour voir ce que sa petite vie lui préparait comme petite surprise… Mais le bureau des plaintes devrait attendre, car Mjokkoto devait se cacher avant que la porte ne s’ouvre : or, le couloir n’offrait pas énormément de possibilités de se cacher, et l’autre chambre dans son dos ne s’ouvrait pas. L’Assoupie savait qu’elle n’aurait le temps de crocheter quoi que soit, et envisagea instamment une courte retraite. Quand le sommier grinça, elle fit demi-tour ; quand sa victime se traina de son lit à la porte, elle bondit silencieusement vers la bibliothèque qu’elle avait précédemment repérée ; quand sa victime ouvrit la porte de sa chambre, celle de la bibliothèque se refermait à l’instant. A nouveau plongée dans la pénombre et le silence, Mjokkoto resta rivée sur la porte, et ce qu’elle souhaitait voir arriva ; le fin rayon de lumière d'une lampe en verre passa dans la serrure et le dessous de la porte, accompagné d’une sonate de ronchonneur ensommeillé en si bémol :
-grmbmblmrb… ct’heure-ci, j’men vais tl’eur apprendre grmmrbrmr pas hont’ comm’ça grmblblbm…
Au moins, Mjokkoto savait qu’elle ne s’était pas trompée de pièce : cette voix sifflante et fuyarde n’était autre que celle de sa nouvelle amie, la matrone Ferdina qui s’en allait voir qui donc la dérangeait de si petit matin. Une fois la lumière et son chœur maugréant partis, Mjokkoto se laissa un instant de réflexion : que faire à présent ? S’accorder sur le plan initial de fouiller la chambre de la matrone, ou la suivre ?
** Frapper si tard dans la nuit… peut-être des ex-parents… mais tout ceci… arrive à ce moment… les indices… savent-ils frapper à la porte ? **
Mais tout voleur qui se respecte sait qu’il faut en rester le plus possible à ses plans prévus avant le passage à l’acte, car s’éparpiller correspondait à accroître le risque de se retrouver à découvert, et même Mjokkoto ne pouvait pas se permettre une erreur aussi grossière. D’autant que c’était une occasion unique, sinon une véritable aubaine, de pouvoir profiter de la chambre en toute discrétion ; Après tout, cette fichue maritorne avait quelque chose de bien trop lourd aussi bien sur sa hanche vieillissante que dans sa tête, et l’Assoupie se sentait d'humeur aussi fouineuse que charitable cette nuit. La porte de la bibliothèque s’ouvrit à nouveau, et la chambre de Ferdina était ouverte. Le plan se confirmait : Mjokkoto récupérait la bourse qu’elle espérait toujours aussi bien remplie, et si elle avait vraiment de la chance, la matrone et son mystérieux ami « on » ont été assez stupides pour s’être échangés quelques pistes sur le sort de Jeil.
** Il faudra que j'aille dire merci… aux portes… ** | |
| | | Équilibre, le Neuvième Maître du Jeu
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| Sujet: Re: Un vrai sac de nœuds... Sam 17 Sep 2016 - 1:38 | |
| Shakarn Après deux bonnes minute – et trois coups supplémentaires frappé aux portes – Shakarn entendit une voix bougonne maugréer à l'intérieur. Il crut entendre le grincement de marches de bois, puis un bruit de pas plus mat – sur du carrelage ? – se rapprocher de l'entrée. Après un instant durant lequel on entendit un juron et le bruit d'un trousseau de clé, un judas s'ouvrit. Une figure joufflue et des yeux méfiants se montrèrent au clair des lumipostes et examinèrent le guerrier avec circonspection. Dès que ces derniers se posèrent sur l'enfant qui se tenait contre une des jambes de Shakarn, ils s'écarquillèrent. Il y eut comme un moment de flottement, au terme duquel le judas se referma avec un claquement sec. Puis un bruit de verrou se fit entendre, de plusieurs verrous. Lorsque la porte s'ouvrit, et qu'une femme corpulente de moyenne taille – une humaine – se dressa sur le seuil, Luda se précipita vers elle, mais Shakarn la retint par le bras. La fillette était pour l'instant sa seule piste ; voulait-il vraiment la rendre sans hésitation à l'endroit d'où elle avait disparu ?Mjokkoto Mjokkoto ne mit pas longtemps à fouiller la chambre, qui était presque nue. Elle trouva toutefois la bourse qu'elle cherchait dans une cache tout à fait ingénieuse, dans un pied creux du lit qu'elle n'aurait sans doute pas examiné n'étaient les traces sur le plancher d'un mouvement fréquent opéré avec ce montant. C'est également là que l'Assoupie trouva une missive décachetée qu'elle empocha rapidement avant de jeter un oeil au reste de la chambre. Rien dans les tiroirs du bureau, rien dans la penderie. L'infiltrée nota d'un œil presque indifférent la charcuterie – du saucisson – sur la table de nuit et la poussière sur les étagères où se trouvaient des livres de contes qui n'avaient certainement pas été ouverts depuis longtemps. Au moment où elle se dirigea vers la porte pour s'éclipser avant le retour de la matrone, elle entendit des voix. En tendant l'oreille, depuis le pas de la porte, elle comprenait presque ce qu'elles disaient. Ferdina venait visiblement d'ouvrir au visiteur nocturne qui lui avait offert cette merveilleuse occasion.[HRP] Désolé pour le retard, le départ de cette nouvelle année s'annonce intense. A toi Shakarn ! On se retrouve sur skype si jamais tu veux qu'on se fasse le dialogue d'une traite. Bon jeu ! [/HRP] | |
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| Sujet: Re: Un vrai sac de nœuds... | |
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